Le 27 février 2023
Directeur général, Sécurité ferroviaire, Transports Canada
Édifice Enterprise, 14e étage
427, avenue Laurier Ouest
Ottawa ON K1A 0N5
Objet :
Lettre d’information sur la sécurité du transport ferroviaire 02/23 (événement R23S0009)
État défectueux de la voie dans la subdivision de Swift Current du Chemin de fer Canadien Pacifique
Le 16 janvier 2023, vers 1 h 20Note de bas de page 1, le train 113-12 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) roulait vers l’ouest à environ 58 mi/h où il y avait une indication de vitesse normale sur la voie principale de la subdivision de Swift Current du CP, près de Chaplin (Saskatchewan) (point milliaire 54). Le train était équipé ainsi : 1 locomotive de tête, 1 locomotive de milieu de train et 1 locomotive de queue tirant 1 wagon porte-automobiles chargé et 61 wagons intermodaux, soit un total de 171 plates-formes porte-conteneurs chargées de conteneurs simples ou doubles. Le train mesurait 10 961 pieds de long et pesait 9478 tonnes.
La subdivision de Swift Current est l’une des subdivisions du CP les plus fréquentées du Canada, avec une circulation moyenne de 23 trains par jour. Dans ce secteur, les mouvements de train sont régis par le système de commande centralisée de la circulation, conformément au Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, et supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire du CP en poste à Calgary (Alberta). La voie aux environs du déraillement est une voie principale simple. Il s’agit d’une voie de catégorie 4 selon le Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada (TC), également connu sous le nom de Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), avec une vitesse maximale autorisée de 60 mi/h pour les wagons de marchandises. Aucune restriction de vitesse n’était en vigueur au moment de l’accident.
Alors que le train traversait la ville de Chaplin, un freinage d’urgence provenant de la conduite généraleNote de bas de page 2 s’est déclenché au moment où la locomotive de tête s’approchait de l’aiguillage ouest de la voie d’évitement au point milliaire 54,7. La locomotive de tête s’était immobilisée aux environs du point milliaire 55,2 (figure 1).
L’examen des lieux a permis d’établir que 15 wagons intermodaux (de la position 20Note de bas de page 3 à la position 34) avaient déraillé. Le matériel déraillé comprenait un total de 47 plates-formes porte-conteneurs chargées de 96 conteneurs au total. Le bogie arrière de la position 20 a été le premier à dérailler du côté sud au point milliaire 53,98, qui était considéré comme le point de déraillement (PDD) initial. Des marques d’impact ont été observées sur les tables de roulement des roues du côté sud des wagons de marchandises situés de la position 19 (sans déraillement) à la position 20. Ces marques correspondaient au contact d’une table de roulement avec une brèche dans le champignon du rail sud au PDD. À partir du PDD, la position 20 a été traînée sur une distance d’environ 3000 pieds en position verticale, endommageant la voie sur son passage. Par la suite, les wagons de queue suivant les positions 21 à 34 ont déraillé et se sont immobilisés à divers endroits le long de l’emprise (figure 2). La plupart des wagons et des conteneurs ont subi des dommages importants.
La voie principale, une voie d’évitement au nord de la voie principale et une voie de garage au sud de la voie principale ont été endommagées et bloquées par le matériel roulant déraillé. Aucune marchandise dangereuse n’a été en cause et personne n’a été blessé.
Des pièces du rail sud brisé (figure 3), y compris le PDD, ont été récupérés sur les lieux et apportés au bureau régional du BST à Winnipeg (Manitoba) pour un examen visuel détaillé. L’examen a été effectué le 25 janvier 2023 par des membres du personnel du Laboratoire d’ingénierie du BST et de l’atelier des essais du CP.
Le fragment de rail A faisait partie du rail sud au PDD (figure 4).
Un écaillage considérable a été observé sur le dessus du fragment de rail A. Les fissures du champignon du rail étaient orientées à approximativement 45 degrés par rapport au sens de déplacement (figure 5), ce qui correspond à la fatigue de contact de roulement. Il y avait également beaucoup d’usure sur le côté intérieur.
La surface de roulement du champignon du rail présentait une grosse coque au niveau de la fracture (encadré rouge de la figure 6). Des fissures ont été relevées dans le congé de roulement, ainsi qu’un frottement de la surface de rupture sur le côté intérieur du champignon (flèche rouge) et sur l’âme du rail.
Le fragment de rail B contenait la surface de rupture en lien avec le fragment A. Une partie du côté intérieur du champignon du fragment B était manquante, exposant une surface de rupture de fissuration verticale du champignon (VSH) (figure 7). La surface de rupture de VSH était légèrement corrodée, ce qui indique qu’elle a probablement été exposée aux éléments pendant un certain temps avant le déraillement. Les marques en chevron sur la surface de rupture de VSH indiquent que la VSH a pris naissance à l’extrémité est du fragment et a progressé d’est en ouest (flèche rouge).
La surface de rupture de l’extrémité est du fragment B présentait de multiples fissures (figure 8). Les dommages causés par le frottement sur la surface de rupture correspondent aux dommages observés sur la surface de rupture du fragment A (figure 6).
L’examen visuel a permis de déterminer que la fatigue de contact de roulement sur le champignon du rail a probablement entraîné la fissuration dans le congé de roulement observée sur les fragments A et B. La fissuration du congé de roulement a entraîné la formation d’un petit défaut transversal qui s’est transformé en défaut de VSH, lequel était probablement présent depuis un certain temps avant le déraillement. Une partie du champignon du fragment B a fini par se détacher, peut-être lors du passage d’un train précédent, exposant la VSH du fragment B et laissant une brèche sur le côté intérieur du champignon du rail sud. La rupture catastrophique subséquente du rail s’est produite sous le train à l’étude lorsque celui-ci a traversé le secteur, et le rail s’est progressivement rompu, ce qui a entraîné le déraillement. Toutes les autres ruptures de rail examinées semblaient récentes et ont probablement été causées par le déraillement.
Selon les documents fournis par le CP, la voie à proximité du déraillement avait été inspectée conformément au RSV et au Livre rouge des exigences relatives à la voie et aux ouvrages du CP. L’inspection visuelle de la voie la plus récente (13 janvier 2023), l’inspection au moyen d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique de la voie (5 décembre 2022) et les contrôles de détection des défauts de rail (29 décembre 2022) n’ont pas permis de relever des défauts dans le secteur. En ce qui concerne les contrôles de détection des défauts de rail, il est possible que l’écaillage considérable sur le dessus du champignon du rail sud ait masqué la présence d’un défaut interne du rail, tel qu’un défaut transversal ou une VSH naissants.
La plus récente inspection menée par TC dans la subdivision de Swift Current avant le déraillement avait eu lieu entre le 4 octobre 2022 et le 6 octobre 2022. Lors de cette inspection, le secteur du PDD sur la voie principale entre les aiguillages de la voie d’évitement n’avait pas été inspecté. À la suite de l’inspection, TC a envoyé au CP une lettre dans laquelle il relevait 10 non-conformités et 60 préoccupations, dont la plupart concernaient l’état de l’écartement des voies. Le CP a répondu à TC que les 10 non-conformités avaient été corrigées et que les 60 préoccupations seraient surveillées et corrigées en 2023 ou en 2024.
Au cours des activités menées sur les lieux après le déraillement, les enquêteurs du BST ont procédé à une inspection visuelle de la voie dans les environs du PDD (point milliaire 53,98) entre l’aiguillage est de la voie d’évitement (point milliaire 53,1) et l’aiguillage ouest de la voie d’évitement (point milliaire 54,8). Ils ont relevé la présence d’usure ondulatoire et de 7 anomalies de voie (figure 9).
Cinq des 7 anomalies de voie relevées ont été considérées comme des défauts qui nécessitaient des mesures correctives immédiates de la part de la compagnie ferroviaire, mesures qui pouvaient comprendre l’application de limitations temporaires de la vitesse sur la voie, conformément au RSV et au Livre rouge des exigences relatives à la voie et aux ouvrages du CP. Des photos et des observations de chacune de ces anomalies se trouvent à l’annexe A.
Compte tenu de l’état défectueux de la voie observé par le BST à proximité du PDD, il se peut qu’il y ait des lacunes dans les programmes d’inspection et d’entretien de la voie du CP ainsi que dans les programmes d’inspection et de suivi de la voie de TC pour la subdivision de Swift Current. Par conséquent, TC pourrait vouloir procéder à un examen approfondi des pratiques d’inspection et d’entretien des voies du CP et effectuer une inspection réglementaire détaillée de l’ensemble de la subdivision de Swift Current.
Le BST aimerait être informé de toute mesure prise à cet égard, s’il y a lieu.
Veuillez agréer l’assurance de mes meilleurs sentiments.
Lettre originale signée par
Vincenzo De Angelis
Directeur, Enquêtes ferroviaires et pipelinières
c. c.
- Vice-président, Ingénierie, Chemin de fer Canadien Pacifique
- Directrice, Affaires réglementaires, Chemin de fer Canadien Pacifique
- Directeur régional par intérim, Surface – Région des Prairies et du Nord, Transports Canada
- Directrice générale associée, Sécurité ferroviaire, Transports Canada
- Directrice, Affaires réglementaires, Transports Canada
Annexe A – Anomalies de voie de la subdivision de Swift Current
À la suite de l’enquête sur le déraillement de Chaplin survenu le 16 janvier 2023, les enquêteurs du BST ont relevé les anomalies suivantes lors d’une inspection de la voie principale, de la voie d’évitement et de la voie de garage entre les aiguillages est et ouest de la voie d’évitement, du point milliaire 53,1 au point milliaire 54,8 (figure A1).
Emplacement 2 (rail nord de la voie de garage quelque peu à l’ouest du cœur de croisement de l’aiguillage est de la voie de garage) – Photo montrant des attaches boulonnées manquantes et des tirefonds desserrés (Source : BST)
Emplacement 3 (le cœur de croisement de l’aiguillage est de la voie de garage) – Photos montrant une partie de la pointe de cœur de croisement qui est manquante, des entretoises retenant le cœur de croisement qui sont brisées ou manquantes, des pattes-de-lièvre montrant des plaques non fixées, des attaches manquantes, ainsi que des tirefonds et des boulons de voie desserrés (Source : BST)
Photos montrant des indications de mouvement latéral (trous de tirefonds usés), des boulons de contre-rail desserrés et un contre-rail de sous-écartement, ce qui a permis aux boudins de roue d’entrer en contact avec le cœur de croisement (Source : BST)
Emplacement 4 (un joint de rail dans le rail sud quelque peu avant l’aiguillage est de la voie de garage) – Photos montrant des boulons de joint desserrés ou manquants; un boulon pris dans la glace indique qu’il était dans cet état depuis un certain temps (Source : BST)
Emplacement 5 (rupture de joint dans le rail nord de la voie d’évitement) – Photo montrant que le joint avait 5 boulons manquants et que le boulon restant était desserré (Source : BST)
Emplacement 6 (cœur de croisement de la voie d’évitement est) – Photos montrant que le point de cœur de croisement est manquant et que les pattes-de-lièvre présentent des attaches et des dispositifs de retenue brisés ou manquants; il y a aussi des selles de rail non fixées et des trous de tirefonds usés dans les selles de rail, ce qui indique un mouvement latéral, ainsi que des boulons de voie desserrés et manquants (Source : BST)
Emplacement 7 (entretoise de talon de la voie d’évitement est) – Photos montrant des boulons d’entretoise cassés et desserrés, une longueur de boulon installée incorrecte, ainsi que des tirefonds desserrés ou manquants (Source : BST)