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Kathy Fox
Présidente, Bureau de la sécurité des transports du Canada
et
Glenn Budden
Enquêteur désigné, Bureau de la sécurité des transports du Canada
Richmond (Colombie-Britannique)
14 décembre 2016
Seul le texte prononcé fait foi.
Kathy Fox
Bonjour.
Le 5 septembre 2015, vers 15h30, le Caledonian, un grand bateau de pêche de 100 pieds, a chaviré à 20 milles marins au large de la côte ouest de l'île de Vancouver. Trois des quatre membres de l'équipage comptaient des décennies d'expérience et, pourtant, comme beaucoup d'autres pêcheurs, ils ne portaient pas de vêtement de flottaison individuel (ou VFI). Le quatrième membre de l'équipage, qui venait de commencer à travailler dans le secteur de la pêche commerciale, portait un VFI. Il est aussi le seul qui a survécu à l'événement.
Au BST, nous avons trop souvent vu se répéter des circonstances pareilles. En fait, en moyenne, dix pêcheurs perdent la vie en mer chaque année dans le secteur de la pêche commerciale au Canada. Ces pertes de vie sont presque toutes évitables. Voilà pourquoi cet enjeu figure toujours sur notre Liste de surveillance.
Aujourd'hui, nous publions cinq recommandations dans deux domaines généraux – des recommandations qui visent non seulement à prévenir une répétition de ce qui est arrivé à l'équipage du Caledonian, mais aussi à réduire le risque global pour tous les pêcheurs commerciaux, d'un océan à l'autre.
D'abord, puisque la stabilité du navire était un facteur si important dans cet événement (et dans tant d'autres sur lesquels nous enquêtons chaque année), nous voulons que tous les bateaux de pêche commerciale, grands et petits, fassent l'objet d'une évaluation de la stabilité. Nous voulons également que ces renseignements sur la stabilité soient tenus à jour et présentés de manière claire et utile aux pêcheurs.
Ensuite, nous voulons non seulement que les deux organismes de réglementation, WorkSafeBC et Transports Canada, exigent que les équipages à bord de navires de pêche portent des VFI appropriés en tout temps sur le pont, mais aussi qu'ils établissent des façons de confirmer que les pêcheurs se conforment à cette exigence.
J'en dirai davantage sur ces recommandations un peu plus tard, mais d'abord, je vais céder la parole à Glenn Budden, l'enquêteur désigné. Il va vous présenter les détails de cet accident et vous expliquer comment et pourquoi les choses ont mal tourné pour le Caledonian et son équipage ce jour-là.
Glenn Budden
Merci, Kathy.
Comment un navire chavire-t-il? Brièvement, un navire chavire quand il n'est plus en mesure de se redresser. Chaque navire de pêche est unique. Divers facteurs influent sur ses caractéristiques de stabilité, comme par exemple le plan de coque, le poids et la répartition des éléments à bord, tels que la prise, le carburant, les engins et l'équipement.
Dans l'événement en question, l'équipage était en mer depuis deux jours. Après que la dernière prise a été remontée, et alors que l'équipage s'apprêtait à l'arrimer, le navire a commencé à chavirer. En quelques instants à peine, l'eau couvrait le pont et il ne faisait plus aucun doute que le navire allait chavirer.
Aucun signal de détresse n'a été envoyé, et aucun des appareils de signalement d'urgence du navire n'a été activé. Par conséquent, ce n'est que six heures plus tard que le représentant du propriétaire du navire, incapable de joindre l'équipage, a alerté la Garde côtière canadienne.
Durant ces six heures, le capitaine et un autre membre de l'équipage se sont accrochés à la coque renversée du navire jusqu'à ce que celui-ci coule. Le radeau de sauvetage s'est alors déployé. Seul le membre de l'équipage qui portait un VFI a pu gagner le radeau à la nage et monter à bord. Il a été secouru plusieurs heures plus tard, et les corps des trois autres membres de l'équipage ont été récupérés ultérieurement.
Le chavirement du Caledonian a été causé par une combinaison de facteurs, les principaux étant les pratiques d'exploitation – comme l'endroit où l'on rangeait le carburant, la façon de charger le poisson et l'eau de mer – et la tendance des navires à s'alourdir graduellement avec le temps en raison de l'augmentation progressive du poids. Ces facteurs ont fait que la ligne de flottaison du navire était plus basse dans l'eau, ce qui a réduit sa stabilité. Ainsi, les limites d'exploitation sûre ont changé.
L'équipage n'a toutefois pas constaté que le navire s'était alourdi au fil des ans ni que ses pratiques d'exploitation l'exposaient, ainsi que le navire, à des risques.
Pour vous en dire plus sur ces aspects, je rends maintenant la parole à Kathy Fox. Elle va parler plus en détail des cinq recommandations que le BST fait aujourd'hui.
Kathy Fox
Merci Glenn.
Le poids de la majorité des navires augmente progressivement. Les engins et l'équipement s'accumulent, les matériaux isolants deviennent imbibés d'eau, et les couches de peinture se multiplient. L'enquête du BST a révélé que, le jour de l'événement, même avant l'ajout du carburant et des vivres pour le voyage et avant que l'équipage ne monte à bord, le Caledonian pesait plus de 50 tonnes de plus que lors de la dernière évaluation de sa stabilité en 1976 – malgré le fait qu'il n'avait fait l'objet d'aucune modification majeure. Pour une mise en perspective, disons que pour un navire de cette taille, c'est une augmentation de presque 20 % de sa masse. Par conséquent, il flottait presque un demi-mètre plus bas dans l'eau.
L'augmentation de la masse n'est pas le seul changement qui guette les navires. Il n'est pas rare que les pratiques d'exploitation changent aussi au fil des ans. Par exemple, à bord du Caledonian, il était devenu habituel d'utiliser uniquement les réservoirs à carburant arrière durant les voyages, au lien des réservoirs centraux. C'était là un écart par rapport à l'évaluation de stabilité originelle du navire, car on redistribuait ainsi presque 15 tonnes de carburant à l'arrière une fois le bateau chargé. Par conséquent, sa poupe était plus basse dans l'eau.
Pourtant, l'équipagen'a pas constaté en quoi les pratiques opérationnelles à bord nuisaient à la stabilité du Caledonian. En effet, il n'avait aucun renseignement à jour sur la stabilité, et les renseignements qu'il avait n'étaient ni clairs ni présentés dans un format utile.
Si tous les grands navires de pêche comme le Caledonian doivent faire l'objet d'évaluations de stabilité, beaucoup d'enquêtes du BST ont relevé des enjeux semblables pour les petits bateaux de pêche (mesurant moins de 24 m de longueur), dont plusieurs ne doivent même pas faire l'objet de telles évaluations.
Par conséquent, trois des recommandations que publie aujourd'hui le BST visent à assurer que tous les équipages ont accès à des renseignements sur la stabilité adéquats et qui répondent à leurs besoins. C'est-à-dire que :
- tous les bâtiments de pêche commerciale devraient faire l'objet d'une évaluation de la stabilité appropriée selon leur taille et leur type d'activité; et
- les renseignements de cette évaluation doivent ensuite être tenus à jour et servir à déterminer des limites d'exploitation sûres.
En outre, ces limites d'exploitation doivent être facilement mesurables et adaptées aux activités du navire. Par exemple, on pourrait penser à des marques la coque du navire pour indiquer sa ligne de flottaison de fonctionnement maximale. On pourrait également indiquer les charges maximales permises dans l'unité de mesure la plus pertinente – le poids total de la prise, par exemple, ou un nombre sécuritaire de casiers. Peu importe, pour que ces renseignements soient d'usage réel et pratique, il faut qu'ils soient présentés dans un format qui est facile à comprendre et facilement accessible à l'équipage.
Les deux autres recommandations que nous faisons aujourd'hui portent sur la mesure la plus fondamentale que peut prendre tout pêcheur : porter un vêtement de flottaison individuel. Au cours de la dernière décennie, ici en Colombie-Britannique, les pêcheurs qui ont perdu la vie ne portaient pas de VFI dans environ 70 % des cas. Et pourtant, beaucoup de pêcheurs continuent de ne pas les porter.
C'est vrai que le secteur a commencé à prendre des mesures pour favoriser l'utilisation des VFI. Toutefois, la réglementation en vigueur stipule que les pêcheurs doivent porter un VFI uniquement lorsqu'ils constatent un risque. Or, on ne sait jamais quand on pourrait tomber à l'eau. Alors, soyons clairs – tous les pêcheurs devraient porter un VFI. C'est aussi simple que cela. Et s'il faut rendre leur port obligatoire, c'est ce que les organismes de réglementation devront faire.
Il est inadmissible de considérer la pêche simplement comme un emploi dangereux et d'accepter qu'on ne puisse rien y changer. Nous ne pouvons plus nous contenter de dire « c'est simplement comme ça que ça se passe ». Il y a des mesures que nous pouvons prendre, et nous devons les prendre.
Merci.