Liens connexes (M20A0434)
Notes d’allocution M20A0434 - (Chief William Saulis)
L’allocution définitive fait foi.
Introduction – Kathy Fox
Bonjour à tous et merci de vous joindre à nous.
Nous sommes ici aujourd’hui pour vous faire part des faits établis dans le cadre de notre enquête sur le naufrage du navire de pêche au pétoncle Chief William Saulis, survenu en 2020, au cours duquel un membre d’équipage est mort et cinq autres ont été, et sont toujours, portés disparus. Nos pensées et nos condoléances accompagnent tous ceux qui ont perdu des êtres chers et qui ont été touchés par cet accident tragique, y compris les membres de la Première Nation Annapolis Valley.
En plus d’expliquer les faits établis dans le cadre de l’enquête, le Bureau émet une recommandation concernant la surveillance réglementaire par Transports Canada de la documentation sur les procédures de sécurité mise à la disposition des équipages, afin de veiller à ce que les pêcheurs aient accès à des renseignements importants et potentiellement vitaux.
Pour commencer, je vais céder la parole à Marie-Hélène Roy.
Résumé de l’accident – Marie-Hélène Roy
Merci, Kathy.
Le 15 décembre 2020, peu après minuit, heure normale de l’Atlantique, le Chief William Saulis a quitté la zone de pêche au pétoncle dans la baie Chignecto, au Nouveau-Brunswick, pour retourner à Digby, en Nouvelle-Écosse, avec six membres d’équipage à son bord.
Peu après 5 h 50, la radiobalise de localisation des sinistres du navire s’est déclenchée, à 12 milles marins au large des côtes de Digby. Des équipes de recherche et de sauvetage ont été déployées et ont récupéré le corps d’un membre d’équipage environ dix heures et demie plus tard. Il ne portait aucun équipement de sauvetage.
Le navire a finalement été trouvé un mois plus tard, près de Delaps Cove en Nouvelle-Écosse. Les cinq membres d’équipage portés disparus n’ont toujours pas été retrouvés.
Faits établis dans le cadre de l’enquête – Marie-Hélène Roy
Selon notre enquête, plusieurs facteurs clés ont contribué à cet accident.
- Le Chief William Saulis, comme de nombreux autres navires de pêche, n’avait pas fait l’objet d’une évaluation de la stabilité officielle, de sorte que l’équipage prenait des décisions ayant probablement des répercussions sur la stabilité du navire sans connaître suffisamment les limites d’exploitation sécuritaires.
-
Au moment de l’accident, l’équipage naviguait avec un chargement de pétoncles estimé à 4300 kg. Environ 2700 kg de ce chargement étaient des pétoncles non écaillés que l’on avait entreposés sur le pont en amas non arrimés de jusqu’à 5 pieds de hauteur ainsi que dans des caisses et des paniers.
De façon générale, les équipages écaillent les pétoncles sur le chemin du retour vers le port; cependant, lorsque la mer est agitée, les membres de l’équipage se reposent habituellement à l’intérieur du navire et terminent les travaux une fois arrivés au port.
-
Les dossiers météorologiques et la route suivie par le navire indiquent des conditions de mer de travers au moment de l’événement, ce qui faisait sans doute en sorte que les vagues frappaient le navire de travers et s’abattaient sur son pont.
-
Les sabords de décharge du navire, qui permettent à l’eau de s’écouler du pont principal, étaient probablement recouverts mécaniquement ou par les pétoncles non arrimés, de sorte que l’eau provenant de la mer de travers s’accumulait sur le pont. L’effet de carène liquide créé par le mouvement de roulis causé par la mer de travers, l’accumulation d’eau et le déplacement des pétoncles sur le pont a probablement fait chavirer et couler le navire.
-
Plusieurs facteurs combinés ont eu une incidence importante sur les possibilités de survie :
- La température froide de l’eau et la vitesse à laquelle elle a envahi le navire,
- La fatigue des membres de l’équipage et le fait qu’ils ont été tirés de leur sommeil,
- L’obscurité environnante du navire,
- Les voies d’évacuation difficiles d’accès, et
- La réaction des membres de l’équipage face au stress
-
Enfin, bien que le propriétaire du Chief William Saulis, Yarmouth Sea Products Limited, avait fourni à tous les navires de sa flotte un manuel sur l’exploitation et la sécurité des navires, la plupart des procédures de sécurité étaient fondées sur des modèles fournis par Transports Canada. Ni ces modèles ni le manuel du navire ne comprenaient toutes les procédures exigées par la réglementation. Le manuel ne comportait en outre aucune procédure écrite pour guider l’utilisation des sabords de décharge ou pour indiquer comment les pétoncles doivent être entreposés sur le pont.
Je cède maintenant la parole à Kathy Fox qui vous parlera de la recommandation du Bureau.
Recommandations – Kathy Fox
Merci, Marie-Hélène.
La Loi sur la marine marchande du Canada [2001]et le Règlement sur la sécurité des bâtiments de pêche (RSBP) exigent tous deux clairement que le représentant autorisé d’un navire, dans ce cas Yarmouth Sea Products Limited, fournisse des procédures de sécurité écrites qui familiarisent les personnes à bord avec les diverses activités opérationnelles et d’urgence. Pourtant, les modèles de Transports Canada ne comprennent pas toutes les procédures prévues par la réglementation.
Ainsi, comme on l’a vu avec le Chief William Saulis, de nombreux manuels de compagnie peuvent s’avérer incomplets s’ils s’appuient uniquement sur les modèles fournis par Transports Canada.
Il s’agit d’un problème qui touche toute l’industrie.
En 2021-2022 [deux mille vingt-et-un, deux mille vingt-deux], Transports Canada a mené une campagne d’inspection concentrée nationale portant sur le respect du Règlement sur la sécurité des bâtiments de pêche, y compris des exigences réglementaires relatives aux procédures de sécurité écrites. Le ministère a relevé des lacunes qui n’avaient pas été décelées dans le cadre de son programme de certification et a envoyé des avis de défaut à 62 % des 101 navires qui avaient été inspectés.
Les lacunes les plus nombreuses concernaient la sécurité du navire et de l’équipage, notamment des lacunes liées aux exercices et aux registres d’exercices [41 %], à l’exhaustivité et à l’accessibilité des procédures de sécurité [30 %] ainsi qu’à la connaissance des procédures de sécurité par l’équipage [28 %].
Les compagnies doivent cerner les dangers propres à la nature de leurs activités et évaluer les risques au moyen d’un processus guidé, sinon la sécurité de leurs équipages sera compromise.
Et si le processus de certification des navires ne cerne pas les lacunes dans les procédures de sécurité et ne fournit pas de formation, il y a un risque que les représentants autorisés permettent aux navires de naviguer sans avoir recours à des pratiques de travail sécuritaires efficaces.
Comme le démontrent ces résultats, le manque persistant de surveillance réglementaire signifie que les équipages de pêche naviguent régulièrement à bord de navires sans même savoir comment assurer leur propre sécurité ou intervenir lorsque les choses tournent mal.
Par conséquent, le Bureau recommande que :
Transports Canada [le ministère des Transports] veille à ce que chaque inspection d’un bateau de pêche commerciale permette de vérifier si chaque procédure de sécurité écrite requise est mise à la disposition de l’équipage et que ce dernier en connaît le contenu.
Conclusion – Kathy Fox
La pêche commerciale est l’un des métiers les plus dangereux au pays; environ 11 pêcheurs y perdent la vie chaque année.
En 2012, le BST a publié une étude approfondie sur les causes des accidents mortels liés aux bateaux de pêche. L’enquête a fait ressortir un bon nombre de facteurs systémiques qui doivent être abordés, notamment :
- les modifications apportées aux bateaux et leurs répercussions sur la stabilité;
- l’absence ou la non-utilisation de dispositifs de sauvetage comme les vêtements de flottaison individuels, les combinaisons d’immersion et les appareils de signalisation d’urgence;
- les pratiques de travail non sécuritaires;
- et la surveillance réglementaire inadéquate, laquelle constitue un problème si répandu qu’il figure sur la Liste de surveillance du BST depuis les 13 dernières années.
Il vaut la peine de réitérer que la sécurité est une responsabilité partagée.
Pourtant nous parlons ENCORE de bon nombre des mêmes problèmes, et voilà que six autres pêcheurs ne sont pas rentrés chez eux après un accident qui aurait pu être évité. Combien d’autres personnes doivent être perdues en mer avant que nous apportions des changements?
Merci.