Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A18P0091

Collision avec des arbres après le décollage
Piper PA-28-140, C-GVZP
Bombardier DHC-8-402, C-GJEN
Aérodrome de Sechelt (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Peu après 14 hNote de bas de page 1, le 5 juillet 2018, l'aéronef Piper PA-28-140 (immatriculé C-GVZP, numéro de série 28-25340) a décollé de la piste 29 à l'aérodrome de Sechelt (CAP3) (Colombie-Britannique), avec le pilote et 3 membres de sa famille –1 adulte et 2 enfants – à bord pour le premier de 2 vols touristiques locaux à environ 8 milles marins (nm) au nord-ouest. À ce moment, les manches à air de l'aéroport indiquaient un vent dominant de l'ouest.

    Après un vol de 20 minutes, l'aéronef est retourné et s'est posé sur la piste 29; la manche à air à l'extrémité est de la piste indiquait un léger vent d'est, c'est-à-dire un vent arrière pour l'aéronef.

    Le pilote a pris une courte pause avant le vol suivant en raison de la température élevée dans la cabine. Ensuite, 3 autres membres de sa famille – 1 adulte, 1 adolescent et 1 enfant – sont montés à bord de l'aéronef pour un vol semblable au précédent. Tandis que les passagers montaient à bord, la manche à air à l'extrémité est de la piste indiquait un vent d'ouest, comme pour le décollage précédent. Toutefois, quelques minutes plus tard, alors que l'aéronef roulait vers la piste 29, le vent a viré en léger vent d'est, orientation qu'il a conservée pendant que l'aéronef décollait. L'apparition de rafales a été signalée à peu près à ce moment.

    Vers 14 h 44, l'aéronef a décollé de la piste 29 avec les volets rentrés (relevés). Il a parcouru environ les trois quarts de la longueur de la piste avant de décoller. L'aéronef a monté pendant plusieurs secondes, atteignant une altitude maximale d'environ 100 pieds au-dessus de l'élévation de la piste et a oscillé latéralementNote de bas de page 2 à quelques reprises durant le vol. L'aéronef a maintenu une assiette en cabré et décéléré lentement en franchissant le ravin du ruisseau Chapman. Il a volé moins de 30 secondes avant de percuter des arbres et de s'écraser sur le versant éloigné du ravin, à environ 0,35 nm de l'extrémité départ de la piste (figure 1).

    Figure 1. Trajectoire de vol de l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude, établie par système mondial de positionnement pour navigation satellite, vue du sud (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Trajectoire de vol de l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude, établie par système mondial de positionnement pour navigation satellite, vue du sud

    L'aéronef a été détruit (figure 2). Le pilote a été mortellement blessé. Les 3 passagers ont subi des blessures mineures; ils ont pu évacuer l'aéronef et marcher jusqu'à des résidences à proximité. La radiobalise de repérage d'urgence ne s'est pas déclenchée au moment de l'écrasement. Il n'y a pas eu d'incendie après l'impact.

    Figure 2. Lieu de l'accident
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    Lieu de l'accident

    Aérodrome

    CAP3 est un aérodrome enregistré exploité par le District de Sechelt. Les aérodromes sont assujettis à la sous-partie 301 du Règlement de l'aviation canadien et ne sont pas tenus de satisfaire aux exigences des aéroports agréés décrites à la sous-partie 302 du Règlement de l'aviation canadien. CAP3 comprend une seule piste asphaltée (piste 11/29), qui mesure 2400 pieds de long et est équipée de manches à air aux 2 extrémités. La piste 29 présente une pente ascendante de 1 % (0,6°) en moyenne. L'élévation de l'aérodrome est de 300 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL).

    L'édition du Supplément de vol – Canada (CFS)Note de bas de page 3 qui était en vigueur au moment de l'accident comprenait une mise en garde à l'égard de CAP3 selon laquelle [traduction] :

    Il est fortement recommandé que seuls les pilotes qui connaissent bien le terrain [local] utilisent [cet aérodrome] durant [la nuit]. [Piste] 11 : Arbres à 100 [pieds au-dessus du niveau du sol] en [approche] et à moins de 300 [pieds au nord] dans le prolongement de l'axe. Terrain [non éclairé] au [nord] de [l'aéroport] et en pente ascendante abrupte dans l'aire de départ de la [piste] 29. Fossé de 3 [pieds] de profondeur parallèle au côté [nord] de [la piste à environ] 35 [pieds] du bord [de la piste]Note de bas de page 4.

    Le CFS ne précise pas que la piste 29 présente une faible pente ascendante, et il n'y a aucun panneau d'avertissement à l'aérodrome. Étant donné que CAP3 est un aérodrome enregistré, et non un aéroport agréé, le CFS n'est pas tenuNote de bas de page 5,Note de bas de page 6 de contenir de l'information sur la pente de sa piste. Toutefois, cette information, ainsi que d'autres, peut être publiée dans le CFS si l'exploitant de l'aérodrome la fournit.

    Pilote

    Les dossiers indiquent que le pilote était certifié et qualifié pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote détenait une licence de pilote privé – avion et était titulaire d'un certificat médical valide de catégorie 3. Il avait accumulé 1219 heures de vol, dont environ 63 avec l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude. Rien n'indique que la fatigue a été un facteur dans l'événement à l'étude.

    Conditions météorologiques

    L'accident est survenu durant les heures de clarté, et la visibilité était illimitée. Environnement et Changement climatique Canada détient et exploite une station d'observation météorologique, Sechelt AUT (ID : VOU), située à environ 400 pieds au sud-ouest du seuil de la piste 29. Cette station est automatisée et enregistre les paramètres météorologiques de base à l'heure juste.

    L'information enregistrée à 14 h, près de l'heure du premier vol, est la suivante :

    • température : 22,5 °C
    • point de rosée : 14,5 °C
    • vent : 10 km/h de 280° vrai (V)
    • pression à la station : 29,69 inHg
    • densité-altitude : 1378 pieds au-dessus du niveau de la mer

    L'information enregistrée à 15 h, soit environ 16 minutes après l'accident, est la suivante :

    • température : 23,7 °C
    • point de rosée : 13,9 °C.
    • vent : 10 km/h de 290° V
    • pression à la station : 29,68 inHg
    • densité-altitude : 1507 pieds au-dessus du niveau de la mer

    Selon les données météorologiques de 15 h, la densité-altitude calculée était d'environ 1500 pieds ASL. Une densité-altitude plus élevée provoque une réduction de la puissance du moteur et, par conséquent, de la poussée (de l'hélice) et de la portance (de l'aile).

    Au cours de la demi-heure précédant le début du vol à l'étude, les manches à air de l'aérodrome indiquaient que la direction et la vitesse du vent étaient devenues variables; les manches à air faisaient parfois même un tour complet.

    Selon les pilotes locaux, les turbulences et les courants descendants sont fréquents au-dessus du ruisseau Chapman, qui se trouve juste après l'extrémité départ de la piste 29. Ce renseignement ne figure pas dans le CFS, et la loi ne l'exige pas.

    Un pilote qui a atterri sur la piste 11 de CAP3 1 heure avant l'accident avait rencontré de la turbulence et des courants descendants si prononcés au-dessus du ruisseau Chapman qu'il avait communiqué par radio avec un autre aéronef qui se préparait à atterrir pour le prévenir.

    Aéronef

    L'aéronef en cause était un avion Piper PA28-140, connu sous le nom de Cherokee 140. Il avait été construit par Piper Aircraft Corporation en 1969 et immatriculé aux États-Unis sous le numéro N8096N. En septembre 2016, le pilote en cause dans l'événement à l'étude l'avait acheté et importé au Canada, puis l'avait réimmatriculé C-GVZP. Au moment de l'accident, l'aéronef avait accumulé environ 3109 heures de service. Les dossiers indiquent que l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements en vigueur et aux procédures approuvées.

    L'aéronef avait été équipé d'un moteur Lycoming O-320-E2A (numéro de série L-24534-27A) développant une puissance de 150 hp au moment de sa construction. En janvier 2017, le moteur avait subi des modifications, conformément au certificat de type supplémentaireNote de bas de page 7 SE8987SW-D, visant à hausser sa puissance à 160 hp. Ce certificat de type supplémentaire ne prétend pas améliorer les performances de l'aéronef. Après l'accident, le moteur a été transporté dans des installations approuvées aux fins d'inspection et d'essai. Tous les dommages et défauts relevés étaient attribuables à la collision du moteur et de l'hélice avec les arbres. Un essai de fonctionnement du moteur au banc a donné des résultats satisfaisants.

    Selon les calculs du BST, la masse de l'aéronef était à peu près égale à la masse brute maximale au moment de l'accident et son centre de gravité se situait à l'intérieur des limites permises.

    Performance

    Selon la section III du manuel de l'aéronef, Cherokee 140 B PA-28-140 Owner's Handbook, à une masse brute de 2150 livres (pour la catégorie normale) et au niveau de la mer, la vitesse de décrochage avec moteur coupé et volets rentrés est de 64 mi/hNote de bas de page 8. La section III précise également que le meilleur angle de montée est obtenu à 74 mi/hNote de bas de page 9.

    Selon les graphiques de performance dans la section IV du manuel, la distance minimale de décollage (roulage au sol) pour un aéronef dont la masse brute est de 2150 livres à une densité-altitude de 1500 pieds ASL serait d'environ 1000 piedsNote de bas de page 10 et la vitesse ascensionnelle maximale serait d'environ 600 pi/minNote de bas de page 11. Le manuel ne précise pas quel pourrait être l'effet d'une pente ascendante de 1 % de la piste au décollage.

    Les données du système mondial de positionnement pour navigation satellite montrent des différences entre la performance de l'aéronef lors du premier vol et lors du vol à l'étude. Dans les deux cas, l'aéronef a décollé à une vitesse (solNote de bas de page 12) approximative de 73 mi/h, mais lors du vol à l'étude, le roulage au sol nécessaire pour atteindre cette vitesse (1700 pieds) a été plus long que lors du vol précédent (1300 pieds). Dans les deux cas, il a fallu rouler plus longtemps que le minimum indiqué dans le manuel (1000 pieds) pour cette densité-altitude. Lors du premier vol, l'aéronef a continué d'accélérer en montée après le décollage. Par contre, lors du vol à l'étude, la vitesse maximale a été atteinte au moment du décollage. Après cela, la vitesse sol a diminué régulièrement jusqu'à 59 mi/h, et ce, même si l'aéronef était en descente pendant environ les 15 dernières secondes de vol, puis l'aéronef a percuté les arbres.

    Facteurs présents dans cet accident

    Le BST a enquêté sur de nombreux événements mettant en cause des aéronefs dont la performance était insuffisante pour les conditions.

    Dans l'accident à l'étude, la performance de l'aéronef a décru, ce qui l'a empêché de prendre de l'altitude au-dessus du relief. Cette baisse de performance n'est pas due à un seul facteur.

    • L'aéronef a décollé par vent arrière, ce qui augmentait la distance requise pour décoller.
    • La piste d'où l'aéronef a décollé (piste 29) présente une pente ascendante de 1 % (0,6°). Une pente ascendante réduit la performance au décollage. La pente ne figure pas parmi les renseignements du CFS à propos de CAP3, et l'effet de la pente de la piste n'est pas pris en compte dans les graphiques de performance du PA-28.
    • La masse de l'aéronef était à peu près égale à la masse brute maximale. Une augmentation de la masse de l'aéronef réduit les performances au décollage et en montée.
    • La densité-altitude au moment approximatif de l'accident était d'environ 1500 pieds ASL, principalement à cause de la hausse de la température ambiante. Les densités-altitudes plus élevées sont associées à une baisse de la performance de l'aéronef.
    • L'aéronef pourrait avoir rencontré des turbulences et des courants descendants au-dessus du ruisseau Chapman. Cela aurait encore réduit ses performances en montée. Les turbulences et les courants descendants au-dessus du ruisseau Chapman sont un phénomène connu des pilotes locaux; un autre pilote en avait même signalé plus tôt le même jour. La section des mises en garde du CFS pour CAP3 ne mentionne pas les turbulences ou les courants descendants au-dessus du ruisseau Chapman, et il n'y a pas de panneaux d'avertissement à l'aérodrome.

    Message de sécurité

    Les pilotes doivent être attentifs aux variations des facteurs pouvant jouer sur la performance de leur aéronef.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .