Défaillance du mécanisme d’ouverture d’un croc sur une embarcation de sauvetage
Traversier à passagers Northern Ranger
Nain (Terre-Neuve-et-Labrador)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 11 octobre 2017, l’embarcation de sauvetage de tribord du traversier à passagers Northern Ranger faisait l’objet d’essais de fonctionnement à quai, à Nain (Terre-Neuve-et-Labrador), lorsque le croc de dégagement avant a cédé. Pendant que les membres d’équipage hissaient l’embarcation jusqu’au pont d’embarquement du navire, le croc de dégagement avant s’est ouvert inopinément, et la proue de l’embarcation de sauvetage a chuté et s’est retrouvé en suspension au-dessus de l’eau au moyen du croc de dégagement et du garant arrière. Quatre membres d’équipage se trouvaient à bord de l’embarcation au moment de l’événement. Un des membres d’équipage est tombé à l’eau par l’écoutille avant de l’embarcation; les 3 autres sont demeurés à l’intérieur. Les 4 membres d’équipage ont été secourus et soignés à l’hôpital pour leurs blessures.
1.0 Renseignements de base
1.1 Fiche technique du navire
Nom du navire | Northern Ranger |
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Numéro de l’Organisation maritime internationale | 8512504 |
Numéro officiel | 803748 |
Port d’immatriculation | St. John’s (T.-N.-L.) |
Pavillon | Canadien |
Type | Navire de passagers/marchandises |
Jauge brute | 2573,09 |
Longueur | 71,86 m |
Tirant d’eau | 4,25 m |
Construction | 1986 |
Propulsion | 2122 BHP (puissance au frein) |
Passagers à bord au moment de l’événement à l’étude | 22 |
Nombre maximal de passagers | 131 |
Membres d’équipage | 26 |
Propriétaire | Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador (ministère des Transports et des Travaux publics) |
1.2 Description du navire
Le Northern Ranger (figure 1) est un caboteur brise-glace géré par Nunatsiavut Marine Inc. qui mène ses activités à partir de Terre-Neuve-et-Labrador. Ce navire peut transporter au plus 131 passagers et environ 100 tonnes de marchandises.
Le Northern Ranger est muni de 2 embarcations de sauvetage fermées, l’un sur bâbord et l’autre sur tribord (figure 2). Deux bateaux de sauvetage se trouvent également à bord, montés derrière les embarcations de sauvetage.
Le Northern Ranger a été muni à l’origine de 2 bossoirs, incluant des garants, à raison de 1 de chaque côté du navire. Les embarcations de sauvetage fermées à l’étude ont été achetées et installées en juin 2014 pour remplacer les embarcations de sauvetage d’origine. Les embarcations de sauvetage à l’étude ont été montées sur les bossoirs d’origine avec les garants d’origine.
1.3 Description de l’embarcation de sauvetage
Les 2 embarcations de sauvetage fermées du Northern Ranger (figure 3) et leurs crocs de dégagement avant et arrière (figure 4) ont été fabriqués en Chine par Jiangsu Jiaoyan Marine Equipment Co., Ltd. Les embarcations de sauvetage sont de modèle JY-QFP-6.0A1; leurs spécifications figurent au tableau 1.
Longueur | 6,0 m |
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Largeur | 2,3 m |
Distance entre les crocs | 5,6 m |
Poids | 2507 kg |
Poids avec pleine charge (36 personnes) | 5477 kg |
Les crocs de dégagement sont de modèle JXN-1.
Les membres d’équipage peuvent mettre à l’eau chaque embarcation de sauvetage individuellement depuis leur bossoir respectif. Les types d’embarcations de sauvetage et crocs étaient approuvés par une société de classification en vertu de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) de 1974Note de bas de page 1. La société de classification n’a ni testé ni inclus dans sa certification les dispositifs d’attache des garants, comme les maillons de fermeture, car elle ne considère pas que ces dispositifs font partie des crocs de dégagement.
Des instructions d’utilisation du mécanisme de largage sous tension/hors tension et des crocs de dégagement (figure 5) se trouvent à l’intérieur de chaque embarcation de sauvetage fermée, à côté de la console de manœuvre arrière. Les mécanismes de largage sous tension/hors tension, de modèle SK-SMO2-JNX-1, ont été fabriqués par la Shanghai Shenkong Machinery Co. Ltd.
1.4 Déroulement de l’événement
Le Northern Ranger a accosté à Nain le 11 octobre 2017. L’embarcation de sauvetage de tribord du navire devait faire l’objet d’un essai de fonctionnement aux 3 mois conformément aux exigences SOLAS.À 14 hNote de bas de page 2, l’équipage a mis l’embarcation de sauvetage à l’eau pour mener l’essai, avec 4 membres d’équipage à bord. Les 4 membres d’équipage ont manœuvré l’embarcation sur l’eau, et à 14 h 23, ils l’ont menée le long du Northern Ranger pour la hisser à bord.
À 14 h 25, l’équipage à bord du Northern Ranger et les 4 membres d’équipage dans l’embarcation de sauvetage ont tenté une première fois d’attacher les maillons de fermeture des garants avant et arrière du bossoir aux crocs de dégagement de l’embarcation, sans succès. L’opérateur du croc de dégagement avant n’a pu remettre le croc en position de réenclenchement, ce qui l’empêchait de réenclencher le mécanisme de largage sous tension/hors tension à bord de l’embarcation de sauvetage.
À 14 h 30, les membres d’équipage à bord de l’embarcation de sauvetage ont mis en place les maillons de fermeture avant et arrière du bossoir dans les crocs de dégagement avant et arrière respectivement; ils ont ensuite tenté une deuxième fois de fermer les crocs au moyen du mécanisme de largage sous tension/hors tension. Le patron d’embarcationNote de bas de page 3 a réussi à réenclencher ce mécanisme à bord de l’embarcation de sauvetage et à mettre en place les goupilles de sécurité. Le patron d’embarcation a donné l’ordre à l’opérateur de bossoir de soulever légèrement l’embarcation de sauvetage hors de l’eau pour déterminer si les crocs de dégagement pouvaient supporter cette charge. L’opérateur de bossoir a hissé l’embarcation de sauvetage hors de l’eau; il a ensuite interrompu le mouvement pour attendre la confirmation du patron d’embarcation de reprendre le hissage. Constatant que les crocs de dégagement portaient le poids de l’embarcation de sauvetage, les opérateurs des crocs ont confirmé au patron d’embarcation que les crocs de dégagement étaient verrouillés.
L’opérateur de bossoir a utilisé le treuil et les garants du bossoir pour hisser l’embarcation de sauvetage jusqu’au pont d’embarquement du navire. Durant le hissage, le garant avant du bossoir s’est entortillé et a soudainement cédé au moment où l’embarcation de sauvetage approchait de la potence de bossoir. Lorsque l’entortillement s’est relâché, il a engendré une vibration dans le garant, le maillon de fermeture et le croc de dégagement avant; le croc s’est ouvert soudainement, relâchant le maillon de fermeture. La proue de l’embarcation de sauvetage a chuté, et l’embarcation est demeurée pendue par le croc et le garant arrière, son extrémité avant suspendue à environ 2 m de la surface de l’eau. Les 4 membres d’équipage à l’intérieur de l’embarcation de sauvetage ont été projetés vers l’avant; l’opérateur du croc de dégagement avant est tombé à l’eau par l’écoutille avant; il a subi une blessure à l’œil. Les 3 autres membres d’équipage sont demeurés à l’intérieur.
Le maître d’équipageNote de bas de page 4 à bord du Northern Ranger a lancé une bouée de sauvetage au membre d’équipage à la mer, et on a abaissé la passerelle d’embarquement pour le repêcher. Le patron d’embarcation, qui a été blessé à la tête lorsque l’embarcation de sauvetage a chuté, s’est hissé jusqu’à la poupe de l’embarcation, avant de se hisser hors de celle-ci par l’écoutille arrière; il a ensuite sauté sur le pont principal du Northern Ranger. Les 2 autres membres d’équipage à bord de l’embarcation de sauvetage ont subi des éraflures et des ecchymoses dans la chute. Ils ont évacué l’embarcation par l’écoutille avant, pour ensuite être secourus par un canot à moteur qui s’était rendu sur les lieux.
Après que les 4 membres d’équipage dans cet l’événement eurent été secourus, ils ont été transportés à l’hôpital pour y faire soigner leurs blessures.
1.5 Conditions environnementales
Le jour de l’événement, le ciel était couvert et les vents soufflaient du nord-ouest à 8 nœuds. La hauteur des vagues était inférieure à 1 m.
1.6 Équipement de protection individuel que portaient les membres d’équipage
Au moment de l’événement, les membres d’équipage à bord de l’embarcation de sauvetage portaient des chaussures de sécurité, une combinaison de travail, des gants et un casque de sécurité. Ils ne portaient pas de vêtement de flottaison individuel, de gilet de sauvetage, ni de ceinture de sécurité, et la réglementation en vigueur ne l’exigeait pas.
1.7 Mécanisme de largage sous tension/hors tension de l’embarcation de sauvetage
Un mécanisme de largage sous tension/hors tension ouvre et ferme les crocs de dégagement d’une embarcation de sauvetage. Le mécanisme à l’étude, situé à côté de la console de manœuvre arrière de l’embarcation de sauvetage de tribord, comprend un dispositif de verrouillage hydrostatiqueNote de bas de page 5 et des poignées de déblocage primaire et secondaire, ainsi que des goupilles de sécurité pour ces poignées.
Les instructions d’utilisation du mécanisme de largage sous tension/hors tension sont affichées au-dessus du mécanisme.
Un câble relie la poignée de déblocage primaire du mécanisme à la plaque de verrouillage dans chacun des crocs de dégagement de l’embarcation de sauvetage. L’opérateur du mécanisme manœuvre cette poignée, qui relève ou abaisse la plaque de verrouillage qui fixe la base des crocs de dégagement avant et arrière.
Un autre câble relie la poignée de déblocage secondaire à un poussoir semblable à un pêne dormant, qui fixe la plaque de verrouillage dans chacun des crocs de dégagement. L’opérateur du mécanisme de largage sous tension/hors tension manœuvre cette poignée pour fermer les deux crocs de dégagement, dès que la poignée de déblocage primaire est en position de réenclenchement.
1.8 Crocs de dégagement avant et arrière de l’embarcation de sauvetage
Il faut 3 membres d’équipage pour réenclencher et verrouiller les crocs de dégagement de l’embarcation de sauvetage : 1 pour manœuvrer le mécanisme de largage sous tension/hors tension, et 1 stationné à chacun des crocs de dégagement. Ces opérateurs travaillent de concert pour manœuvrer le mécanisme de largage sous tension/hors tension et pour réenclencher et fixer les crocs de dégagement.
Les crocs de dégagement avant et arrière doivent être ouverts avant que l’on puisse les réenclencher, comme l’a prévu le fabricant. D’après le manuel d’utilisation et de maintenance, lorsque l’embarcation de sauvetage est à l’eau, l’opérateur de mécanisme de largage sous tension/hors tension ouvre les 2 crocs de dégagement à l’aide du même mécanisme à bord de l’embarcation de sauvetage.
Les instructions d’utilisation du mécanisme de largage sous tension/hors tension (figure 6), affichées à l’intérieur de l’embarcation de sauvetage, sont les suivantes [traduction] :
DÉGAGEMENT NORMAL (VOIR FIG. 1)
- S’assurer que l’embarcation est entièrement à flot.
- Tirer sur la goupille de sécurité ② et tourner la poignée B sur 90° en sens antihoraire.
- S’assurer que le levier d’arrêt C a bien déverrouillé la poignée A.
- Retirer la goupille de sécurité ①.
- Tourner la poignée A en sens antihoraire.
Pour ouvrir les 2 crocs de dégagement, l’opérateur de mécanisme de largage sous tension/hors tension doit d’abord retirer la goupille de sécurité (figure 6, goupille 2) qui retient la poignée de déblocage secondaire (figure 6, poignée B).
L’opérateur tourne ensuite la poignée de déblocage secondaire en sens antihoraire jusqu’à ce qu’elle soit en position ouverte, comme le montrent les instructions affichées. Cette manœuvre déverrouille la poignée de déblocage primaire.
L’opérateur retire ensuite la goupille de sécurité primaire (figure 6, goupille 1, poignée A).
Ensuite, l’opérateur du mécanisme de largage sous tension/hors tension tourne la poignée de déblocage primaire en sens antihoraire; cette manœuvre abaisse la plaque de verrouillage relevée (figure 7 et figure 8) dans chacun des crocs de dégagement, ce qui dégage la base de chaque croc et permet l’ouverture des crocs de dégagement.
À l’ouverture des crocs, les leviers de blocage se déplacent en position verticale et empêchent leur plaque de verrouillage de se relever.
D’après le manuel d’utilisation et de maintenance du fabricant, pour réenclencher les crocs de dégagement, l’opérateur du mécanisme de largage sous tension/hors tension manipule la poignée de déblocage A en mouvements de va-et-vient pendant que chaque opérateur de croc tourne manuellement chaque croc de dégagement à la position ferméeNote de bas de page 6. Pendant que chaque croc tourne, il agit sur son levier de blocage pour le déplacer hors de la position verticale. Pendant que le levier pivote hors de la position verticale, la base de chaque croc s’insère dans l’espace entre les plaques latérales, puis empêche sa plaque de verrouillage de se relever, jusqu’à ce que chaque croc ait pivoté de manière à ce que son indicateur de verrouillage s’aligne sur celui de la plaque latérale de chacun des crocs. En fonctionnement normal, quand les indicateurs du croc et de la plaque latérale sont alignés (figure 8, figure 9 et figure 11), la base de chaque croc est alignée avec la coche de sa plaque de verrouillage. Quand la base de chaque croc est alignée avec la coche de sa plaque de verrouillage, celle-ci n’est plus verrouillée et peut se relever.
L’opérateur de mécanisme de largage sous tension/hors tension peut alors tourner en sens horaire la poignée de déblocage primaire jusqu’à la position de réenclenchement, ce qui relève la plaque de verrouillage de chaque croc et fixe chacun d’eux dans la coche de sa plaque de verrouillage (figure 8, figure 10 et figure 12). Il insère alors la goupille de sécurité 1.
Une fois que l’opérateur a réenclenché la poignée de déblocage primaire, il doit tourner en sens horaire la poignée de déblocage secondaire jusqu’à sa position de réenclenchement. Cette manœuvre empêche le déplacement accidentel de la poignée de déblocage primaire. Il insère ensuite la goupille de sécurité 2.
Une fois que le mécanisme de largage sous tension/hors tension est réenclenché, chaque opérateur de croc de dégagement vérifie l’alignement des indicateurs de position de verrouillage, au bas du croc de dégagement. Une mince languette de métal fixée entre les plaques latérales de chaque croc porte en son centre une flèche indicatrice rouge. Lorsque le mécanisme de largage sous tension/hors tension est en position de réenclenchement, cette flèche s’aligne avec l’indicateur sur la plaque de verrouillage relevée, entre les plaques latérales (figure 10 et figure 12).
Lorsque les 2 indicateurs sont alignés, chaque croc est en position de réenclenchement et verrouillée (figure 11 et figure 12).
Quand les 2 indicateurs sont alignés, ils confirment visuellement à l’opérateur que le mécanisme de largage sous tension/hors tension et les 2 crocs de dégagement sont réenclenchés. Quand chacun des crocs est réenclenché, il est sécurisé et prêt à recevoir un dispositif d’attache, que l’opérateur doit placer dans la gorge de chaque croc et qui est retenu par le linguet de sécurité.
Des essais au Laboratoire d’ingénierie du BST ont permis de déterminer que les instructions d’utilisation dans le manuel d’utilisation et de maintenance du fabricant, si on les respecte, aident les opérateurs à réenclencher les crocs de dégagement et le mécanisme de largage sous tension/hors tension de l’embarcation de sauvetage, comme prévu par le fabricant. Ces essais ont également révélé que l’aménagement du pont de l’embarcation de sauvetage bloque la vue des opérateurs de croc de dégagement, qui ne peuvent voir les indicateurs de position de verrouillage du mécanisme de largage sous tension/hors tension. Ces essais ont également révélé que les maillons de fermeture bloquent la vue des opérateurs lorsque ces derniers portent leur regard vers les indicateurs de position de verrouillage des crocs de dégagement.
Habituellement, l’équipage du Northern Ranger suit les instructions dans le manuel d’exploitation de la compagnie et réenclenche les crocs de dégagement de l’embarcation de sauvetage avant de la hisser hors de l’eau. L’opérateur de mécanisme de largage sous tension/hors tension de l’embarcation se servait du réenclenchement de ce mécanisme comme indication que les crocs de dégagement de l’embarcation étaient en position de réenclenchement et prêts au verrouillage.
Dans l’événement à l’étude, l’opérateur du croc de dégagement avant a placé le maillon de fermeture dans le croc de dégagement avant durant la procédure de réenclenchement du croc, avant que celui-ci ne soit dans la position de réenclenchement. L’opérateur de bossoir s’est ensuite servi du bossoir pour hisser légèrement l’embarcation de sauvetage au-dessus de l’eau; les opérateurs de croc ont profité de ce levage pour tester la solidité d’accroche des crocs, mais n’ont pas confirmé à l’opérateur du mécanisme de largage sous tension/hors tension l’alignement des indicateurs de position de verrouillage des crocs de dégagement.
1.9 Diamètre des maillons de fermeture utilisés lors de l’événement à l’étude
Les maillons de fermeture sont des dispositifs d’attache : ce sont des anneaux d’acier qui relient les garants de bossoir aux crocs de dégagement d’une embarcation de sauvetage. Ce lien permet au bossoir de hisser l’embarcation de sauvetage en position d’arrimage à bord du navire lorsque les crocs de dégagement sont réenclenchés et verrouillés.
Les maillons de fermeture employés lors de l’événement à l’étude faisaient partie du bossoir d’origine du navire; le diamètre de leur section transversale était de 28 mm.
Les crocs de dégagement employés lors de l’événement à l’étude sont faits de telle façon que lorsqu’ils supportent une charge, le centre de l’axe de pivot de chaque croc de dégagement doit se trouver à une distance précise du centre du diamètre de chaque maillon de fermeture. Cette distance engendre un momentNote de bas de page 7 suffisant pour que s’ouvrent les crocs de dégagement quand on applique une charge, si les crocs ne sont ni réenclenchés en position de verrouillage ni verrouillés (figure 13).
1.10 Documentation fournie par le fabricant
1.10.1 Manuel d’utilisation et de maintenance et dessins techniques définitifs
Le fabricant d’embarcations de sauvetage a fourni à la compagnie un exemplaire du manuel d’utilisation et de maintenance ainsi qu’un ensemble de dessins techniques définitifs. Rédigé en anglais, ce manuel comprend des instructions d’utilisation pour mettre à l’eau et récupérer l’embarcation de sauvetage en cause dans l’événement à l’étude.
Le manuel fournit des instructions pour réenclencher le mécanisme de largage sous tension/hors tension et les crocs de dégagement de l’embarcation de sauvetage, notamment les instructions suivantes [traduction] :
- Tourner en sens horaire la poignée de déblocage A sur environ 30°, l’opérateur peut ajuster la poignée vers l’avant ou vers l’arrière selon les actions des opérateurs avant et arrière jusqu’à ce que les crocs puissent être réenclenchés.
- L’opérateur réenclenche les crocs simultanément.
- Tourner en sens horaire la poignée de déblocage A pour la remettre en position de verrouillage.
- Mettre en place la goupille de sécurité 1; s’il est impossible de remettre en place la goupille de sécurité, c’est que la poignée n’est pas en position de verrouillage, et les crocs ne sont pas réenclenchés. Reprendre la procédure depuis l’étape 1.
- Confirmer que les crocs sont verrouillés. Les opérateurs avant et arrière confirment ce qui suit lorsqu’ils débloquent les opérateurs donnent l’ordre de confirmer si les crocs sont verrouillés ou non.
- Tirer et pousser les crocs manuellement pour confirmer qu’ils sont verrouillés, ou non.
- Les flèches sur les crocs avant et arrière pointent vers la coche sur la plaque de soulèvement visuellement.
- La flèche sur la tige de traction pointe sur la marque de verrouillage.
- Une fois que le verrouillage est confirmé, les opérateurs signalent que les crocs sont verrouillés.
- Tourner en sens horaire la poignée de déblocage B pour la remettre en position de verrouillage, puis mettre en place la goupille de sécurité 2.
- Le personnel à l’avant et à l’arrière place l’anneau de levage au centre du croc.
- Hisser l’embarcation de sauvetage hors de l’eau sur l’ordre du capitaine.
- Confirmer que le levier d’arrêt C est entièrement remis en position de verrouillage. Sinon, la poignée n’est pas en position de verrouillage, et les crocs ne sont pas réenclenchés. Reprendre la procédure depuis l’étape 1Note de bas de page 8.
Les dessins techniques définitifs des crocs de dégagement et du mécanisme de largage sous tension/hors tension remis à la compagnie sont en anglais et comprennent les détails et dimensions du modèle d’embarcation de sauvetage et des composants en cause. Ces dessins techniques définitifs se trouvaient à bord du Northern Ranger au moment de l’événement.
1.10.2 Documents envoyés par le fabricant à la société de classification et à Transports Canada
Le fabricant d’embarcations de sauvetage a fourni à la société de classification un exemplaire du manuel d’utilisation et de maintenance de même que le dessin technique définitif des crocs de dégagement. L’État du pavillon (Transports Canada) a reçu ces documents de la société de classification qui a approuvé le modèle et le type d’embarcation de sauvetage et de crocs de dégagement. Le manuel d’utilisation et de maintenance contient un dessin technique du modèle de croc de dégagement employé dans l’événement à l’étude, avec un dispositif d’attache de garant de diamètre indéterminé placé dans le croc. Toutefois, le dessin technique définitif ne montre aucun dispositif d’attache du garant, comme un maillon de fermeture ou un anneau de levage, dans le croc de dégagement.
Le fabricant a également fourni une copie des calculs de résistance du croc de dégagement à la société de classification et à l’État du pavillon. Les calculs de résistance comprennent un dessin technique qui montre un dispositif d’attache de garant dans le croc de dégagement qui pourrait être un maillon de fermeture ou un anneau de levage.
Ni la compagnie ni l’équipage à bord du Northern Ranger n’avait accès au document de calculs de résistance qui contenait ce dessin technique.
Le 17 juillet 2014, Transports Canada a fait une inspection de sécurité à bord du Northern Ranger qui incluait l’installation des nouvelles embarcations de sauvetage fermées.
1.11 Manuel d’exploitation de la compagnie
La compagnie qui gère le Northern Ranger a publié un manuel d’exploitationNote de bas de page 9 et des règles générales de sécurité en mars 2011. Ce manuel fournit aux employés des consignes de sécurité au travail à suivre durant l’exécution de leurs tâches et travaux à bord du navire. Elles comprennent une section sur la mise à l’eau de l’embarcation de sauvetage et les manœuvres pour l’écarter du navire.
Le manuel d’exploitation ne comprend pas d’instructions détaillées pour récupérer l’embarcation de sauvetage; plutôt, il renvoie les opérateurs au manuel d’utilisation et de maintenance du fabricant pour les renseignements comme les instructions, et les dessins techniques qui illustrent la récupération de l’embarcation et les procédures de réenclenchement du mécanisme de largage sous tension/hors tension et des crocs de dégagement. Le manuel d’exploitation de la compagnie, de même que le manuel d’utilisation et de maintenance du fabricant, se trouvaient à bord du Northern Ranger au moment de l’événement.
1.12 Affichage à bord de l’embarcation de sauvetage
Une affiche installée par le fabricant à côté du mécanisme de largage sous tension/hors tension (figure 14) indique la procédure pour dégager et réenclencher les crocs de dégagement et le mécanisme de largage sous tension/hors tension de l’embarcation de sauvetage tribord, durant la mise à l’eau et la récupération de celle-ci, ainsi que durant un dégagement d’urgence. L’équipage se fiait à ces instructions pour manipuler le mécanisme de largage sous tension/hors tension et les crocs de dégagement. La compagnie qui a installé l’embarcation de sauvetage à bord du Northern Ranger a donné une séance de formation en milieu de travail au premier officier. Cette formation reprenait les instructions sur l’affiche à bord de l’embarcation de sauvetage.
Cette affiche présente 6 étapes pour réenclencher les crocs de dégagement de l’embarcation de sauvetage [traduction] :
RÉENCLENCHEMENT DES CROCS (VOIR FIG. 3)
- Tourner en sens horaire la poignée A sur 30°.
- Donner l’ordre aux membres d’équipage près des crocs de réenclencher les crocs.
- Tourner en sens horaire la poignée A sur environ 60° jusqu’à la position de verrouillage.
- Mettre en place la goupille de sécurité 1.
- Remettre la poignée de déblocage B à sa position de verrouillage et mettre en place la goupille de sécurité 2.
- S’assurer que le levier d’arrêt C et la poignée de déblocage A sont en position d’arrêt (VOIR FIG. 4).
1.13 Examen après événement de l’embarcation de sauvetage, du mécanisme de largage sous tension/hors tension, des crocs de dégagement et des maillons de fermeture
À la suite de l’événement, le Laboratoire d’ingénierie du BST a examiné l’embarcation de sauvetage de tribord et l’équipement connexe. Cet examen a révélé ce qui suit :
- Le croc de dégagement avant n’a pas été ouvert de force et il n’était ni fissuré ni rompu.
- Les parties des crocs de dégagement et du mécanisme de largage sous tension/hors tension, de même que les composants entre eux, étaient conformes aux prescriptions techniques du fabricant.
- Les maillons de fermeture de 28 mm utilisés dans l’événement à l’étude présentaient une déformation plastique du diamètre intérieur causée par l’interaction avec la gorge des crocs (figure 15), mais la surface de contact des crocs de dégagement ne présentait aucune déformation. La déformation a étendu la superficie des points de contact entre les maillons de fermeture et les crocs de dégagement, de même que la friction entre ces pièces.
- Dans les calculs de résistance que le fabricant a fournis à la société de classification et à l’État du pavillon, le diamètre du maillon de fermeture illustré était de 45 mm.
- Étant donné l’aménagement du pont, la position du croc avant bloque considérablement la vue de l’indicateur de position de la plaque de verrouillage sur le croc avant.
- Une affiche de mise en garde pour rappeler aux opérateurs de vérifier les indicateurs de position du croc de dégagement avant se trouve sur la surface intérieure de l’écoutille avant, mais cette affiche n’est pas visible au premier coup d’œil pour l’opérateur du croc avant, lorsque l’écoutille avant est ouverte.
- Les affiches à bord de l’embarcation de sauvetage sont en anglais, et les indications sur la poche d’équipement de l’embarcation sont en chinois simplifié.
1.14 Essais du mécanisme de largage sous tension/hors tension, des crocs de dégagement et des maillons de fermeture
Le BST a mené des essais pour déterminer la cause de l’ouverture inopinée du croc de dégagement avant.
Pour tester le fonctionnement du croc de dégagement avec le maillon de fermeture de 28 mm utilisé durant l’événement, on a retourné le maillon de manière à soulever l’embarcation de sauvetage par l’autre bout du maillon, dont la surface de contact intérieure était intacte. On a intentionnellement réenclenché les crocs avant et arrière, sans qu’ils soient verrouillés, avant que le maillon de fermeture soit placé dans chacun des crocs. Le croc avant comme le croc arrière a supporté la charge, a levé son bout respectif de l’embarcation de sauvetage, et est demeuré fermé, jusqu’à ce que l’on frappe la plaque latérale de chaque croc avec un maillet en caoutchouc, de manière à générer une vibration. Au premier choc, les 2 crocs de dégagement se sont libérés de leur maillon de fermeture respectif. Au cours d’essais répétés, le diamètre intérieur des maillons de fermeture, jusqu’alors intact, a montré des signes croissants d’usure de contact et de déformation causée par la friction. Les crocs de dégagement, eux, n’ont montré aucun signe d’usure durant les essais.
Ces essais ont permis de faire les observations suivantes :
- Le mécanisme de largage sous tension/hors tension et les crocs de dégagement fonctionnent correctement si l’on suit les instructions d’utilisation du fabricant.
- Le mécanisme de largage sous tension/hors tension et les crocs de dégagement n’ont pas fonctionné comme prévu dans l’événement à l’étude, ce qui indique que l’on n’a pas suivi les instructions d’utilisation du fabricant.
- Il est possible de contourner le levier de blocage de chacun des crocs, et la base de chacun des crocs peut se trouver hors de la position de verrouillage; dans ce cas, la plaque de verrouillage de chacun des crocs peut se relever, ce qui permet la rotation de la poignée de déblocage primaire du mécanisme de largage sous tension/hors tension.
- Durant la procédure de réenclenchement, on peut placer un maillon de fermeture dans chacun des crocs de dégagement sans qu’il soit dans la position de réenclenchement, et réenclencher le mécanisme de largage sous tension/hors tension, de manière à laisser les crocs non verrouillés.
- Les maillons de fermeture sont fabriqués à partir d’un matériau plus tendre que celui des crocs de dégagement.
- L’usure et la déformation des maillons de fermeture sont attribuables à des dégagements répétés des crocs au cours d’essais d’enclenchement des maillons de fermeture par des crocs de dégagement non verrouillés. L’usure et la déformation ont étendu la superficie de la surface de contact entre les maillons et les crocs de dégagement, de manière à augmenter la friction dans cette surface.
- Les crocs de dégagement avant et arrière ont supporté la charge, ont levé leur bout respectif de l’embarcation de sauvetage, et sont demeurés fermés jusqu’à ce que l’on frappe la plaque latérale de chaque croc avec un maillet en caoutchouc.
- Les maillons de fermeture de 28 mm de diamètre utilisés avec le bossoir d’origine, ainsi que dans l’événement à l’étude, engendrent un moment insuffisant pour que les crocs fonctionnent comme prévu lorsqu’ils supportent une charge et ne sont pas verrouillés.
Quand on a utilisé un maillon de fermeture de 45 mm de diamètre pour tester le fonctionnement des crocs de dégagement non verrouillés, ceux-ci ont fonctionné comme prévu; ils n’ont pu supporter la charge et se sont ouverts. Dans ces essais, on a placé le maillon de fermeture de 45 mm dans les crocs de dégagement durant la procédure de réenclenchement, avant que les crocs soient en position de réenclenchement et de verrouillage.
Le maillon de fermeture de 45 mm de diamètre n’entrait pas dans le bec des crocs de dégagement quand on suivait les instructions d’utilisation du fabricant pour réenclencher et verrouiller les crocs de dégagement.
1.15 Exigences de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (1974) relatives aux crocs de dégagement
Les mécanismes de dégagement des crocs sont conçus de manière à satisfaire au Recueil international de règles relatives aux engins de sauvetage (LSA), qui fait partie des exigences de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) de 1974, modifiée par la résolution MSC.81 (70) de l’Organisation maritime internationale (OMI), telle que modifiée par les résolutions MSC.274 (85) et MSC.321 (89).
Le chapitre 4.4.7.6.8 du Recueil LSA stipule que « pour éviter un largage accidentel pendant la récupération de l’embarcation, sauf si les crocs sont complètement réenclenchés, soit les crocs ne doivent pouvoir supporter aucune charge, soit la manette ou les goupilles de sécurité ne doivent pas pouvoir être remises en position réenclenchée (fermée) et les indicateurs ne doivent pas indiquer que le mécanisme de dégagement est réenclenché. ».
1.16 Exigences de l’État du pavillon relatives aux engins de sauvetage
Transports Canada fait respecter les règlements de l’État du pavillon relatifs à l’approbation des engins de sauvetage au Canada. L’État du pavillon enregistré du Northern Ranger est le Canada, et le navire est régi par les règlements canadiens.
Le TP 14612 de Transports Canada décrit les procédures d’approbation de type des engins de sauvetage et des systèmes, de l’équipement et des produits de sécurité contre l’incendie sur les navires canadiens. La publication indique que « [t]outes les instructions ou les indications qui accompagnent les engins de sauvetage ou qui sont imprimées directement sur les engins doivent être en anglais et en français, conformément à la réglementation canadienneNote de bas de page 10 ».
1.17 Système de gestion de la sécurité
Au moment de l’événement, la compagnie qui détient et gère le Northern Ranger n’avait aucun système de gestion de la sécurité en place, et la réglementation en vigueur n’en exigeait pas.
1.18 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :
- LP111/2018—Analysis of Hook Release Mechanism [Analyse du mécanisme de dégagement des crocs]
1.19 Événements antérieurs
Le BST a enquêté sur plusieurs événements qui ont mis en cause des embarcations de sauvetage. Le Australian Transport Safety Bureau et la Marine Accident Investigations Branch du Royaume-Uni ont eux aussi enquêté sur des événements similaires. Plusieurs d’entre eux figurent à l’annexe A.
2.0 Analyse
Le croc de dégagement avant de l’embarcation de sauvetage tribord du Northern Ranger s’est ouvert inopinément à cause d’un réenclenchement fautif et du moyen de protection du croc, dont le fonctionnement n’était pas conforme aux exigences du Recueil international de règles relatives aux engins de sauvetage (LSA).
La présente analyse porte sur les causes de l’ouverture inopinée du croc de dégagement avant et sur leurs facteurs contributifs. On examine en outre les exigences de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) de 1974 relatives à l’utilisation des crocs de dégagement.
2.1 Facteurs qui ont entraîné l’ouverture du croc
Le BST a analysé le manuel d’utilisation et de maintenance du fabricant, que ce dernier a fourni au propriétaire du Northern Ranger, ainsi que les dessins techniques définitifs et les calculs de résistance du croc de dégagement à l’étude. Cette analyse a relevé des incohérences dans la documentation : on n’a pas précisé à Nunatsiavut Marine Inc. le diamètre des maillons de fermeture, renseignement nécessaire au bon fonctionnement des crocs de dégagement. Ainsi, l’équipage a utilisé les maillons de fermeture, qui provenaient du bossoir d’origine, d’un diamètre inférieur à celui requis pour le bon fonctionnement des crocs de dégagement.
Le croc de dégagement avant de l’embarcation de sauvetage n’a pas été réenclenché conformément aux instructions du manuel d’utilisation et de maintenance; au cours d’une seconde tentative de réenclenchement, la mise en place du maillon de fermeture dans le croc avant a précédé la remise du croc dans la position de réenclenchement. Le maillon de fermeture a masqué les indicateurs de position de verrouillage du croc de dégagement durant la procédure de réenclenchement; à cause de l’aménagement du pont, la position du croc avant empêchait l’opérateur du croc avant de voir les indicateurs de la plaque de verrouillage. Sans indice visuel fourni par ces indicateurs, l’opérateur de croc de dégagement n’a pu déterminer si le croc avant était dans la position de réenclenchement avant que ne soit réenclenché le mécanisme de largage sous tension/hors tension à bord de l’embarcation de sauvetage.
Si l’on ne suit pas les instructions du manuel d’utilisation et de maintenance pour réenclencher les crocs de dégagement, on peut réenclencher le mécanisme de largage sous tension/hors tension sans que la base de chacun des crocs soit fixée par sa plaque de verrouillage. Dans l’événement à l’étude, on a contourné le levier de blocage du croc de dégagement avant, ce qui a permis à la plaque de verrouillage de se relever sans que la base du croc soit fixée dans la coche de la plaque de verrouillage. L’opérateur à bord de l’embarcation de sauvetage a ainsi pu réenclencher le mécanisme de largage sous tension/hors tension. Ce réenclenchement a servi de confirmation que les 2 crocs de dégagement étaient en position de verrouillage, et que le mécanisme de largage ainsi que les crocs de dégagement avant et arrière étaient verrouillés. Or, le croc de dégagement avant n’était ni réenclenché ni en position de verrouillage.
Dès lors que les membres d’équipage croyaient que les crocs de dégagement étaient réenclenchés et verrouillés, ils ont utilisé le bossoir pour suspendre l’embarcation de sauvetage au-dessus de l’eau et tester la solidité d’accroche des crocs avant de la hisser à bord. Les maillons de fermeture et crocs de dégagement ont d’abord supporté le poids de l’embarcation de sauvetage, ce qui a servi de confirmation à l’équipage que les crocs de dégagement étaient verrouillés.
Le croc de dégagement avant non verrouillé a d’abord porté le poids de l’embarcation de sauvetage à cause de la déformation du maillon de fermeture et de la friction entre les points de contact du maillon et du croc de dégagement. Le maillon de fermeture de 28 mm de diamètre n’a pas engendré un moment suffisant pour contrer cette friction et ouvrir le croc de dégagement non verrouillé.
Durant la récupération de l’embarcation de sauvetage, les câbles de bossoir du garant avant se sont entortillés. Lorsque cette torsion s’est relâchée, le garant a soudainement tourné sur lui-même; cette énergie a engendré une vibration dans tout le garant et dans le croc de dégagement avant. Cette vibration a diminué la friction entre les points de contact du croc de dégagement avant et du maillon de fermeture, ce qui a entraîné l’ouverture du croc.
2.2 Accès aux instructions d’utilisation
Le fabricant de l’embarcation de sauvetage a remis à la compagnie un exemplaire de son manuel d’utilisation et de maintenance; ce manuel comprend des instructions d’utilisation pour mettre à l’eau et récupérer les embarcations de sauvetage du Northern Ranger (y compris le déclenchement et le réenclenchement de leurs crocs de dégagement et mécanismes de largage sous tension/hors tension). Ces instructions montrent aux opérateurs comment utiliser correctement l’équipement.
Dans l’événement à l’étude, les membres d’équipage ont utilisé le mécanisme de largage sous tension/hors tension et les crocs de dégagement de l’embarcation de sauvetage tribord conformément aux instructions du fabricant indiquées sur une affiche à bord de chacune des embarcations. Ces instructions sont en fait une version condensée de celles qui figurent dans le manuel d’utilisation et de maintenance du fabricant; par conséquent, elles ne sont pas aussi complètes que celles dans le manuel. Par exemple, dans le manuel d’utilisation et de maintenance du fabricant, la 5e de 9 étapes pour réenclencher le mécanisme de largage sous tension/hors tension et les crocs de dégagement des embarcations de sauvetage stipule ceci [traduction] :
- Confirmer que les crocs sont verrouillés. Les opérateurs avant et arrière confirment ce qui suit lorsqu’ils débloquent les opérateurs donnent l’ordre de confirmer si les crocs sont verrouillés ou non.
- Tirer et pousser les crocs manuellement pour confirmer qu’ils sont verrouillés, ou non.
- Tirer et pousser les crocs manuellement pour confirmer qu’ils sont verrouillés, ou non.
- Tirer et pousser les crocs manuellement pour confirmer qu’ils sont verrouillés, ou non.
- La flèche sur la tige de traction pointe sur la marque de verrouillage.
- Une fois que le verrouillage est confirmé, les opérateurs signalent que les crocs sont verrouillés.
Ces instructions indiquent à l’opérateur comment réenclencher les crocs de dégagement des embarcations de sauvetage et comment utiliser les indicateurs de position de verrouillage des crocs pour vérifier que le mécanisme de largage sous tension/hors tension et les crocs de dégagement de l’embarcation de sauvetage sont réenclenchés et verrouillés.
En revanche, des affiches à bord de chacune des embarcations de sauvetage comprennent des instructions pour réenclencher les crocs de dégagement et le mécanisme de largage sous tension/hors tension qui ne comptent que 6 étapes. En outre, elles ne comprennent pas l’instruction de confirmer ou de vérifier que le mécanisme de largage sous tension/hors tension et les crocs de dégagement sont bien réenclenchés et verrouillés.
On a réalisé des essais sur le mécanisme de largage sous tension/hors tension et les crocs de dégagement de l’embarcation de sauvetage tribord. Ces essais ont révélé que les crocs de dégagement fonctionnent comme prévu quand on suit les instructions précises dans le manuel d’utilisation et de maintenance. Or, dans l’événement à l’étude, les membres d’équipage ont suivi les instructions sur les affiches à bord de l’embarcation de sauvetage pour utiliser et réenclencher les crocs de dégagement et le mécanisme de largage sous tension/hors tension.
Des instructions indiquant de vérifier les indicateurs de position de verrouillage des crocs de dégagement étaient bien affichées sur les écoutilles avant et arrière de l’embarcation de sauvetage. Toutefois, quand ces écoutilles sont ouvertes, ces instructions ne sont pas visibles au premier coup d’œil, et elles n’ont pas servi de rappel aux opérateurs de crocs de dégagement dans l’événement à l’étude. Les membres d’équipage n’avaient aucun accès facile aux instructions précises de l’étape 5 (indiquées ci-dessus) ni rappel visible au premier coup d’œil de vérifier les indicateurs de position de verrouillage. Ils ont ainsi réenclenché les crocs et se sont fiés à la capacité des crocs de supporter la charge de l’embarcation comme confirmation de leur réenclenchement, au lieu de vérifier les indicateurs de position de verrouillage.
Comme l’ont montré des événements précédents relatifs à l’utilisation d’embarcations de sauvetage (annexe A), faute d’instructions d’utilisation exhaustives, les opérateurs peuvent ignorer qu’ils n’utilisent pas l’équipement comme l’a prévu le fabricant.
Quand les équipages ne suivent pas les instructions du fabricant d’équipement d’origine, il y a un risque qu’ils n’utilisent pas cet équipement comme prévu.
2.3 Exigences relatives aux crocs de dégagement
Les mécanismes de dégagement des crocs sont conçus pour être conformes au Recueil LSA, qui fait partie des exigences SOLAS.
D’après le chapitre 4.4.7.6.8 du Recueil LSA, un croc de dégagement devrait être conçu de manière à ne pouvoir supporter aucune charge s’il n’est pas entièrement réenclenché, et à permettre le réenclenchement du mécanisme de dégagement sans recours à une force excessive; c’est-à-dire lorsque la base du croc de dégagement est retenue par la coche dans la plaque de verrouillage, qui a été soulevée sans recours à une force excessive par le mécanisme de largage sous tension/hors tension durant son réenclenchement.
Cette exigence sert de moyen de protection pour empêcher l’ouverture accidentelle des crocs de dégagement, au cas où l’on ne les utiliserait pas comme prévu. Sans ce moyen de protection :
- les crocs de dégagement pourraient supporter une charge sans qu’ils soient réenclenchés et verrouillés;
- on pourrait recourir à une force excessive pour réenclencher le mécanisme de largage sous tension/hors tension sans que les crocs soient en position de réenclenchement; ainsi, les crocs ne seraient pas verrouillés.
Dans l’événement à l’étude, l’équipage n’a pas suivi les instructions de réenclenchement du manuel d’utilisation et de maintenance du fabricant. Malgré cela, les opérateurs ont réussi à réenclencher le mécanisme de largage sous tension/hors tension de l’embarcation de sauvetage tribord sans recourir à une force excessive; la plaque de verrouillage du croc avant s’est relevée sans que la base du croc se verrouille dans la coche de cette plaque. Par conséquent, le croc de dégagement avant n’était que partiellement réenclenché au moment de supporter la charge. Le moyen de protection du croc de dégagement n’a pas fonctionné, donc ce croc n’était pas conforme aux exigences du Recueil LSA et de la convention SOLAS.
2.4 Ouverture inopinée du croc de dégagement
2.4.1 Contournement du levier de blocage
Le dispositif d’interverrouillage du levier de blocage est conçu pour empêcher la plaque de verrouillage d’un croc de se relever, tant que la base du croc n’est pas insérée dans l’espace entre les plaques latérales du croc de dégagement. Pendant le réenclenchement d’un croc de dégagement de même type et modèle que celui en cause dans l’événement à l’étude, il est possible de contourner le dispositif d’interverrouillage du levier de blocage. Si l’on interrompt la rotation du croc vers la position de réenclenchement au moment où la base du croc approche de l’espace entre les plaques latérales, le mécanisme du levier de blocage maintient le levier tout juste hors de la position de verrouillage pendant le relèvement de la plaque de verrouillage. La plaque de verrouillage peut ainsi se relever et empêcher la base du croc de s’insérer dans l’espace entre les plaques latérales. Quand la plaque de verrouillage se relève, le réenclenchement du mécanisme de largage sous tension/hors tension à bord de l’embarcation de sauvetage devient possible.
Quand on contourne le dispositif de blocage d’un croc de dégagement en pleine procédure de réenclenchement, malgré la possibilité de réenclencher le mécanisme de largage sous tension/hors tension et de remettre en place les goupilles de sécurité, il y a un risque que le croc ne soit pas verrouillé.
2.4.2 Visibilité des indicateurs de position de verrouillage des crocs de dégagement
Les indicateurs de position de verrouillage des crocs de dégagement sont des repères. Quand ils sont bien alignés, ils sont un outil précieux pour prévenir une dérogation aux normes et réduire la possibilité d’erreur. Une erreur de réenclenchement des crocs peut se produire quand les indicateurs des crocs de dégagement d’une embarcation de sauvetage ne sont pas bien alignés. Dans ce cas, les opérateurs de crocs de dégagement ne se fient plus à une indication exacte; ils supposent que les crocs sont réenclenchés.
Quand on ne suit pas les instructions d’utilisation de ces modèles d’embarcation de sauvetage et de crocs de dégagement et que l’on place un maillon de fermeture dans un croc en pleine procédure de réenclenchement du croc (avant que le croc de dégagement soit en position de réenclenchement et prêt à recevoir le maillon de fermeture), les indicateurs de position de verrouillage sont masqués par le maillon de fermeture, et l’opérateur de croc ne les voit pas parfaitement. Sans indice visuel précis des indicateurs de position de verrouillage des crocs, l’opérateur ne peut que faire une supposition. L’opérateur pourrait ainsi croire que le croc est en position de réenclenchement alors qu’il ne l’est pas. De plus, si l’opérateur ne sait pas qu’il doit vérifier la position de ces indicateurs, il ne saura pas qu’ils sont masqués.
Dans l’événement à l’étude, le maillon de fermeture masquait les indicateurs de position de verrouillage du croc de dégagement avant, et à cause de l’aménagement du pont, la position du croc avant empêchait l’opérateur du croc avant de voir les indicateurs de la plaque de verrouillage. Ces 2 conditions ont contribué au fait que le croc avant n’a été ni réenclenché ni verrouillé.
Si les opérateurs ne peuvent vérifier l’alignement des indicateurs de position, il y a un risque d’erreur de leur part.
2.4.3 Diamètre et matériau des maillons de fermeture
Le croc de dégagement non verrouillé de l’embarcation de sauvetage tribord a supporté la charge de l’embarcation de sauvetage jusqu’à ce qu’une vibration parcoure le garant avant du bossoir. Cette vibration a entraîné l’ouverture inopinée du maillon de fermeture.
Le croc de dégagement avant non verrouillé a pu supporter la charge de l’embarcation de sauvetage grâce à une combinaison de friction entre les surfaces de contact du croc de dégagement et du maillon de fermeture, et au fait que le moment engendré par le diamètre de 28 mm du maillon était insuffisant pour surmonter cette friction.
Comme le matériau des maillons de fermeture de 28 mm est plus tendre que celui des crocs de dégagement de l’embarcation de sauvetage, le poids transmis aux crocs a déformé la surface de contact des maillons, ce qui a généré de la friction. La distance du centre du maillon de fermeture de 28 mm de diamètre à l’axe de pivot des crocs de dégagement engendre un moment insuffisant pour que les crocs, s’ils ne sont pas verrouillés, s’ouvrent à la suite de l’application d’une charge, notamment en présence d’une friction accrue. La vibration générée par le garant avant du bossoir a diminué la friction entre les surfaces de contact du maillon de fermeture avant et du croc de dégagement avant, ce qui a entraîné l’ouverture du croc de dégagement avant.
Quand on utilise un maillon de fermeture de 45 mm de diamètre, les crocs de dégagement non verrouillés fonctionnent comme prévu et ne supportent pas la charge. Ainsi, un maillon de fermeture de 45 mm engendre un moment suffisant pour ouvrir un croc de dégagement non verrouillé, qui fonctionne alors comme prévu et conformément aux exigences de la convention SOLAS.
Si les équipages utilisent des composants qui ne font pas partie des prescriptions techniques de l’équipement du navire, il y a un risque que l’équipement ne fonctionne pas comme prévu.
Si les compagnies utilisent des crocs de dégagement de modèle et de type identiques à ceux utilisés dans l’événement à l’étude, il y a un risque que leur équipement de sauvetage ne se conforme pas à la convention SOLAS.
2.5 Lacunes dans la documentation
Le fabricant d’embarcations de sauvetage a remis à la compagnie ainsi qu’à la société de classification un exemplaire du manuel d’utilisation et de maintenance de même que le dessin technique définitif des crocs de dégagement. Le manuel contient une image du de croc de dégagement employé dans l’événement à l’étude avec un dispositif d’attache de garant de diamètre indéterminé placé dans le croc. Le dessin technique définitif ne montre pas un tel dispositif dans son illustration du modèle de croc de dégagement.
Le fabricant a également fourni à la société de classification une copie des calculs de résistance du modèle de croc de dégagement. Les calculs de résistance comprennent un dessin technique qui illustre un dispositif d’attache du garant (maillon de fermeture). Le diamètre de ce dispositif n’est pas indiqué, mais l’analyse par le BST du dessin technique des calculs de résistance a permis de déterminer que ce diamètre est de 45 mm.
Après que le BST eut déterminé le diamètre du maillon de fermeture illustré dans le dessin technique des calculs de résistance, on a testé de nouveau le fonctionnement des crocs de dégagement et du mécanisme de largage sous tension/hors tension de l’embarcation de sauvetage tribord. On a déterminé que le maillon de fermeture de 45 mm engendre un moment suffisant pour que les crocs de dégagement, s’ils ne sont pas verrouillés, fonctionnent comme prévu et s’ouvrent à l’application d’une charge.
On a également déterminé que si l’on suit les instructions d’utilisation du fabricant, le maillon de fermeture de 45 mm de diamètre n’entre pas dans le bec des crocs de dégagement lorsque ceux-ci sont en position de réenclenchement et de verrouillage. Pour utiliser un maillon de fermeture de 45 mm de diamètre, on doit le placer dans le bec de chaque croc avant que chacun soit remis en position de réenclenchement et soit prêt au verrouillage par le mécanisme de largage sous tension/hors tension.
Bien que le maillon de fermeture de 45 mm permettait le fonctionnement normal des crocs de dégagement, on ne pouvait alors suivre les instructions d’utilisation du fabricant.
Si les dessins techniques et les instructions d’utilisation d’un fabricant contiennent des incohérences, les opérateurs pourraient modifier les procédures d’exploitation, ce qui augmenterait le risque de blessures et de dommages.
Ni la compagnie ni l’équipage à bord du Northern Ranger n’avait accès au document de calculs de résistance qui contenait ce dessin technique; par conséquent, ils n’avaient pas l’information nécessaire pour déterminer le diamètre du maillon de fermeture à utiliser. Privée de ce renseignement, la compagnie a utilisé le maillon de fermeture d’origine de 28 mm qui faisait partie du bossoir d’origine du navire.
Sans documentation technique précise sur l’équipement d’un navire, il y a un risque que l’équipement soit assemblé de manière non sécuritaire.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le moyen de protection du croc de dégagement avant a cédé; par conséquent, il ne satisfaisait pas aux exigences du Recueil international de règles relatives aux engins de sauvetage (LSA) et de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) de 1974 (modifiée).
- Le croc de dégagement avant de l’embarcation de sauvetage n’a pas été réenclenché conformément aux instructions du manuel d’utilisation.
- Durant la procédure de réenclenchement du croc de dégagement, le maillon de fermeture masquait l’indicateur de position de verrouillage du croc de dégagement avant, ce qui a laissé croire à l’opérateur que le croc était en position de verrouillage alors qu’il ne l’était pas.
- On a contourné le levier de blocage du croc de dégagement avant, ce qui a permis à la plaque de verrouillage de se relever sans que la base du croc soit fixée dans la coche de la plaque de verrouillage.
- Le contournement du levier de blocage a permis à l’opérateur à bord de l’embarcation de sauvetage de réenclencher le mécanisme de largage sous tension/hors tension. Cette manœuvre a laissé croire aux opérateurs que ce mécanisme ainsi que les crocs de dégagement avant et arrière étaient verrouillés.
- Les maillons de fermeture et les crocs de dégagement ont d’abord supporté le poids de l’embarcation de sauvetage, ce qui a mené l’équipage à croire que les crocs de dégagement étaient verrouillés.
- L’équipage a utilisé des maillons de fermeture de 28 mm de diamètre, d’un diamètre inférieur à celui qui était requis pour que les crocs de dégagement fonctionnent comme prévu. Étant donné la friction accrue, le moment était insuffisant pour ouvrir le croc de dégagement avant non verrouillé.
- La vibration soudaine qui a parcouru le garant de bossoir avant a diminué la friction entre les points de contact du croc de dégagement avant et du maillon de fermeture de 28 mm, ce qui a entraîné l’ouverture du croc.
3.2 Faits établis quant aux risques
- Quand les équipages ne suivent pas les instructions du fabricant d’équipement d’origine, il y a un risque qu’ils n’utilisent pas cet équipement comme prévu.
- Quand on contourne le dispositif de blocage d’un croc de dégagement en pleine procédure de réenclenchement, malgré la possibilité de réenclencher le mécanisme de largage sous tension/hors tension et de remettre en place les goupilles de sécurité, il y a un risque que le croc ne soit pas verrouillé.
- Si les opérateurs ne peuvent vérifier l’alignement des indicateurs de position, il y a un risque d’erreur de leur part.
- Si les équipages utilisent des composants qui ne font pas partie des prescriptions techniques de l’équipement du navire, il y a un risque que l’équipement ne fonctionne pas comme prévu.
- Si les compagnies utilisent des crocs de dégagement de modèle et de type identiques à ceux utilisés dans l’événement à l’étude, il y a un risque que leur équipement de sauvetage ne se conforme pas à la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) de 1974.
- Si les dessins techniques et instructions d’utilisation d’un fabricant contiennent des incohérences, les opérateurs pourraient modifier les procédures d’exploitation, ce qui augmenterait le risque de blessures et de dommages.
- Sans documentation technique précise sur l’équipement d’un navire, il y a un risque que l’équipement soit assemblé de manière non sécuritaire.
3.3 Autres faits établis
- La documentation relative à l’équipement de sauvetage et les affiches à bord n’étaient pas rédigées dans les 2 langues officielles de l’État du pavillon (français et anglais).
- Lors de l’événement, les membres d’équipage à bord de l’embarcation de sauvetage ne portaient pas de vêtement de flottaison individuel, de gilet de sauvetage ou de ceinture de sécurité.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
À la suite de cet événement, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a transmis un avis de sécurité (MSA 04-18) relatif au croc de dégagement modèle JXN-1 aux entités suivantes :
- Jiangsu Jiaoyan Marine Equipment Co., Ltd.;
- société de classification RINA;
- Nunatsiavut Marine Inc.;
- Sécurité et sûreté maritimes de Transports Canada (TC);
- membres de la International Association of Classification Societies.
Peu après l’événement à l’étude, la compagnie a mis en œuvre une mesure corrective qui interdisait à l’équipage d’occuper les embarcations de sauvetage durant leur récupération.
Le 19 mars 2019, TC a publié un bulletin de la sécurité des naviresNote de bas de page 11 pour informer la communauté maritime à propos des mesures de sécurité relatives aux engins de sauvetage.
Par la même occasion, TC a publié la directive FlagStateNet FSN 01-2019 pour attirer l’attention des inspecteurs et experts maritimes sur cet incident. TC a également fourni des directives à tous les inspecteurs de la sécurité maritime et experts maritimes d’organismes reconnus sur la surveillance des navires munis de ces engins de sauvetage.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 26 novembre 2019. Le rapport a été officiellement publié le 19 février 2020.
Annexes
Annexe A – Événements antérieurs mettant en cause des problèmes liés à une embarcation de sauvetage
Enquêtes menées par le BST
Depuis 1992, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur 7 événements qui mettaient en cause des embarcations de sauvetage. Les principales préoccupations de sécurité dans ces événements comprennent un entretien inadéquat, ou un manque de connaissances des procédures de mise à l’eau et de récupération d’embarcations de sauvetage entièrement fermées, et le mauvais fonctionnement des mécanismes de dégagement.
M92N5015 (Sir Wilfred Grenfell) – Quand on a mis à l’eau une embarcation de sauvetage fermée au cours d’un exercice d’embarcation de sauvetage, le 8 juillet 1992 à St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le croc avant s’est ouvert prématurément, suivi par la défaillance du croc de dégagement arrière. L’embarcation de sauvetage a chuté à l’eau. Aucun des 12 membres d’équipage qui se trouvaient dans l’embarcation n’a été blessé.
L’enquête a révélé que la base du croc n’était pas retenue par la goupille de déverrouillage, et que la formation de l’équipage sur la maintenance du mécanisme de largage sous tension était inadéquate.
M93N5017 (Taverner) – Le 31 juillet 1993, à Goose Bay (Terre-Neuve-et-Labrador), 5 membres d’équipage ont chuté d’une embarcation de sauvetage après que les garants arrière eurent cédé.
À la suite de l’événement, en février 1994, le Bureau a envoyé un avis de sécurité maritime (MSA 01/94) à Transports Canada. L’avis soulignait la nécessité de favoriser une sensibilisation accrue, chez les propriétaires de navires, à propos de l’importance des procédures de maintenance préventive pour les mécanismes de dégagement d’embarcations de sauvetage, pour qu’ils s’assurent que leurs experts maritimes suivent des procédures d’inspection adéquates de ces mécanismes.
M93W1021 (Oceanic Mindoro) – Le 27 mars 1993, un membre d’équipage s’est emmêlé dans les garants d’embarcation de sauvetage au cours d’un exercice d’embarcation de sauvetage le long de la gare maritime Neptune à Vancouver (Colombie-Britannique). Le membre d’équipage a été grièvement blessé à la jambe.
L’enquête a révélé des connaissances lacunaires de la procédure de mise à l’eau et de récupération.
M96L0043 (Farandole) – Le 14 mai 1996, à La Baie (Québec), le croc de largage sous tension avant d’une embarcation de sauvetage fermée s’est ouvert pendant qu’on la hissait sur le pont du navire. La proue de l’embarcation de sauvetage a chuté, ce qui a causé la défaillance du croc de largage sous tension avant et entraîné une chute non contrôlée de l’embarcation.
L’enquête a révélé que l’équipage n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour armer le mécanisme hydrostatique du croc de dégagement avant de hisser l’embarcation de sauvetage, et que ce même mécanisme ne faisait pas partie de l’inspection mensuelle. Ainsi, une goupille de sécurité n’a pas été remplacée avant l’exercice mensuel d’abandon du navire.
M98W0245 (Icolos Grace) – Le 9 novembre 1998, pendant un exercice d’embarcation au mouillage K dans le port de Vancouver (Colombie-Britannique), le croc avant s’est ouvert prématurément; l’embarcation a piqué du nez et a basculé au-delà de l’axe vertical. Le croc arrière s’est alors ouvert. Cinq des 6 membres de l’équipage ont été sauvés; l’autre membre de l’équipage a subi des blessures mortelles.
L’enquête a révélé que l’équipage ne connaissait pas bien la méthode pour réarmer les crocs; les consignes du manuel du constructeur relatives à la mise à l’eau et à la récupération de l’embarcation étaient incomplètes et difficiles à comprendre; les inspections faites par l’inspecteur de la société de classification et le personnel du navire n’étaient pas assez minutieuses.
M00W0265 (Pacmonarch) – Le matin du 26 octobre 2000, alors que le Pacmonarch était au mouillage 3 dans la baie English, dans le havre de Vancouver (Colombie-Britannique), l’équipage a entrepris de mettre à l’eau l’embarcation de sauvetage de bâbord pour se rendre à terre. Il s’agissait d’une embarcation de sauvetage totalement fermée, sous bossoir, maintenue par des crocs de largage sous tension. Quatre membres d’équipage sont montés à bord de l’embarcation tandis que deux autres, restés sur le navire, ont retiré les goupilles de sécurité des bossoirs en prévision de la mise à l’eau. Peu après que les bossoirs eurent touché leurs butées, alors que l’embarcation de sauvetage se trouvait à environ 15 m au-dessus de l’eau, le croc arrière est sorti de l’anneau de suspension arrière des garants. Toujours suspendue au croc avant, l’embarcation s’est retrouvée presque à la verticale, ce qui a provoqué l’ouverture du croc avant. N’étant plus retenue, l’embarcation a chuté à l’eau, l’arrière en premier. Trois des quatre occupants ont été mortellement blessés.
L’enquête a révélé que les repères de réenclenchement mal alignés sur les crocs ne constituaient pas pour l’équipage une indication fiable du fait que le levier de réenclenchement était poussé à fond en position relevée. De plus, la came porteuse du croc avait une non-conformité de fabrication.
M06L0063 (Sea Urchin) – Le matin du 22 mai 2006, alors que le vraquier Sea Urchin était au mouillage dans la baie de Sept-Îles, un exercice d’abandon du navire se déroulait à bord. À 11 h 50, heure avancée de l’Est, lors de la récupération de l’embarcation de sauvetage de tribord, le mécanisme de largage du croc arrière s’est ouvert. Le mécanisme du croc avant n’a pas pu supporter toute la charge et s’est ouvert également. L’embarcation est tombée à la mer d’une hauteur de 11 m, la partie arrière en premier. Un des cinq membres d’équipage à bord de l’embarcation a été mortellement blessé.
L’enquête a révélé que le manuel d’instruction ne permettait pas d’assurer une compréhension complète et approfondie du sujet; certains mécanismes de largage peuvent sembler correctement armés même lorsqu’ils ne le sont pas, créant un faux sentiment de sécurité qui continue de mettre en danger la vie des membres d’équipage.
Enquêtes menées par le Australian Transport Safety Bureau
Depuis 2000, le Australian Transport Safety Bureau (ATSB) a enquêté sur plusieurs événements qui ont mis en cause des embarcations de sauvetage.
ATSB 160 (Washington Trader) – À 20 h 36, le 5 août 2000, à Abbot Point, État du Queensland (Australie), le capitaine et l’équipage du Washington Trader ont mené un exercice d’abandon du navire. Lorsque l’embarcation de sauvetage de bâbord se trouvait à peu près à mi-chemin entre le pont et la surface de l’eau, le capitaine a vu la poupe de l’embarcation tressauter 2 fois avant que ne cède le croc de dégagement arrière. La proue de l’embarcation de sauvetage a chuté, et on a vu la proue tressauter 2 fois avant que le croc de dégagement avant ne cède lui aussi; l’embarcation est tombée à l’eau depuis une hauteur de 15 m.
L’enquête a révélé que le réenclenchement des crocs de dégagement et du mécanisme de largage sous tension était complexe, et que l’équipage connaissait mal le fonctionnement du mécanisme de largage sous tension. Le Washington Trader est le navire jumeau du Pacmonarch, et les mécanismes de largage sous tension à bord des 2 navires sont identiques.
ATSB 164 (Alianthos) – À 17 h 40, le 21 janvier 2001, à Greenlog, État de Victoria (Australie), le capitaine de l’Alianthos a mené un exercice d’abandon du navire. Durant l’exercice, on a abaissé l’embarcation de sauvetage de bâbord au pont d’embarquement; lorsque les berceaux du bossoir ont atteint leurs butées, le choc a fait tressauter l’embarcation de sauvetage, et le garant arrière a cédé. La proue de l’embarcation de sauvetage a chuté à la perpendiculaire, et le croc de dégagement avant l’a retenue ainsi.
L’enquête a révélé que l’équipage connaissait mal le fonctionnement du mécanisme de largage sous tension et avait de la difficulté à comprendre les instructions d’utilisation du fabricant de l’embarcation de sauvetage.
ATSB 71 (Kayax) – À 11 h, le 9 août 1994, à Portland, État de Victoria (Australie), un inspecteur de la Australian Marine Safety Authority a effectué une inspection de contrôle par l’État du port à bord du Kayax. Dans le cadre de l’inspection, on a abaissé l’embarcation de sauvetage du navire au pont d’embarquement, puis on a mis le moteur en marche. Après plusieurs minutes de fonctionnement du moteur, un des opérateurs à bord de l’embarcation de sauvetage a accidentellement dégagé les garants de bossoir, et l’embarcation est tombée à l’eau.
L’enquête a révélé que le membre d’équipage qui était aux commandes du mécanisme de largage sous tension connaissait mal ce mécanisme et était peu familier avec son fonctionnement.
ATSB 128 (Maersk Pomor) – Le 2 janvier 1998, à Gladstone, État du Queensland (Australie), durant une inspection de contrôle du navire par l’État du port, l’embarcation de sauvetage s’est décrochée avant de tomber à l’eau.
L’enquête a révélé que le troisième mécanicien, par manque de connaissances et de formation, avait accidentellement manœuvré le système de dégagement de l’embarcation de sauvetage, et que les instructions de ce système n’étaient pas rédigées dans la langue de l’équipage.
ATSB 208 (Lowlands Grace) – Le 7 octobre 2004, pendant que le navire était au mouillage à Hunt Point, Port Hedland (Australie), l’équipage a mené un exercice d’embarcation de sauvetage. Le troisième lieutenant a mis à l’eau l’embarcation de sauvetage de bâbord avec une télécommande. Lorsqu’il a relâché le câble qui commandait le frein du bossoir, l’embarcation de sauvetage s’est soudainement immobilisée. Le croc de dégagement arrière de l’embarcation s’est séparé du garant arrière, et la poupe a basculé vers l’eau, puis vers le haut. Pendant que l’embarcation balançait au bout du garant, le croc de dégagement avant s’est ouvert.
L’enquête a révélé des pratiques de maintenance déficientes des crocs de dégagement. De plus, les anneaux de suspension attachés aux garants de bossoir étaient de la mauvaise taille, ce qui a soumis le croc avant à des forces d’ouverture beaucoup plus grandes pendant que balançait l’embarcation de sauvetage.
ATSB 188 (Ma Cho) – Le 9 décembre 2002, à Devonport (Tasmanie), le capitaine et l’équipage du Ma Cho ont mené un exercice d’embarcation de sauvetage. En cours d’exercice, pendant que l’on abaissait l’embarcation de sauvetage, son croc de dégagement arrière s’est ouvert. La poupe de l’embarcation est tombée à l’eau à la perpendiculaire. L’équipage à bord de l’embarcation de sauvetage a débarqué, et on a mis l’embarcation à l’eau.
L’enquête a révélé une conception imparfaite du mécanisme de verrouillage du croc; de plus, le système de gestion de la sécurité du navire était lacunaire au chapitre des instructions d’utilisation et de maintenance, ainsi que de la formation de l’équipage sur le mécanisme de largage sous tension.
Enquêtes menées par la Marine Accident Investigation Branch du Royaume-Uni
Depuis 1992, la Marine Accident Investigation Branch du Royaume-Uni (MAIB) a enquêté sur plusieurs accidents d’embarcation de sauvetage.
MAIB (Hoegh Duke) – Le 20 août 1992, à Surabaya, Sumatra (îles Caïmans), on mettait à l’eau l’embarcation de sauvetage tribord du Hoegh Duke, avec 12 membres d’équipage à bord, lorsque le croc arrière s’est décroché de l’anneau de levage du garant de bossoir. L’embarcation a balancé par son croc avant jusqu’à ce qu’elle tombe à l’eau à l’envers. Six membres d’équipage ont été mortellement blessés, et les 6 autres ont dû être hospitalisés.
L’enquête a révélé que le mécanisme de largage sous tension avait été mal réenclenché, que l’on en avait négligé la maintenance, et que les officiers du navire comprenaient mal son fonctionnement sécuritaire.
MAIB 25/2002 (Galateia) – Le 26 janvier 2002, aux quais Seaforth, Liverpool (Royaume-Uni), l’équipage du Galateia a mené un exercice d’embarcation de sauvetage en vue d’obtenir un certificat provisoire de gestion de la sécurité. On a mis à l’eau, testé, récupéré, puis hissé l’embarcation de sauvetage jusqu’au pont d’embarquement, où le premier officier a manipulé le levier de dégagement du mécanisme de largage sous tension en position d’arrimage. Les crocs de dégagement se sont ouverts, et l’embarcation de sauvetage est tombée à l’eau.
L’enquête a révélé qu’une goupille de verrouillage n’était pas insérée dans la poignée de manœuvre du mécanisme de dégagement, que l’équipage ne savait pas comment fonctionnaient les crocs de dégagement, et que les officiers du navire n’étaient pas au courant du fonctionnement de la goupille de sécurité.
MAIB 09/2015 (Nagato Reefer) – Le 9 avril 2014, à Southampton (Royaume-Uni), l’équipage du Nagato Reefer a mené un exercice d’embarcation de sauvetage dans le cadre d’une inspection de contrôle par l’État du port. Pendant que l’on arrimait l’embarcation de sauvetage, on a détaché la sangle de sécurité du garant avant et ouvert le croc avant, ce qui a entraîné la chute de la proue de l’embarcation de sauvetage sur le pont inférieur.
L’enquête a révélé que le système de gestion de la sécurité du navire avait été mal mis en œuvre, puisque l’équipage ne savait pas comment fonctionnait l’équipement de sécurité à bord du navire, et ne faisait pas la maintenance régulière du mécanisme de largage sous tension. Le mécanisme de largage sous tension de ce navire était identique à celui à bord du Sea Urchin (rapport d’enquête sur la sécurité maritime M06L0063 du BST).