Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M19C0054

Heurt d’un duc–d’Albe
Traversier roulier Apollo
Matane (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 16 mars 2019, le traversier roulier Apollo effectuait sa traversée habituelle de Godbout (Québec) vers Matane (Québec) avec 94 personnes à bord lorsqu’il a heurté un duc-d’Albe (structure qui accroît la capacité d’accostage des navires à un quai) pendant l’accostage. Au moment de l’événement, il y avait de forts vents et il faisait noir. Durant l’accostage, le capitaine avait tenté de manœuvrer le navire à partir de la console d’aileron de passerelle tribord au moyen du moteur, du gouvernail et du propulseur d’étrave. Alors que le navire entrait au port de Matane, le capitaine avait appuyé sur le bouton de la console d’aileron de passerelle tribord afin d’y transférer le contrôle du propulseur d’étrave à partir de la passerelle, mais aucun transfert n’a eu lieu en raison d’un fil électrique cassé. Ainsi, le propulseur d’étrave ne répondait pas aux commandes du propulseur d’étrave effectuées par le capitaine lorsque le navire était au port. Le navire a subi des avaries en raison du heurt et été retiré du service. Aucune pollution ni blessure n’ont été signalées.

    L’Apollo était un navire vieillissant que la Société des traversiers du Québec (STQ) avait acquis récemment pour offrir un service de traversier essentiel après que le navire assurant le service régulier eut été retiré du service de manière inattendue. Il n’y a pas eu d’inspection préalable à la vente, et lorsque la STQ a reçu le navire de son ancien propriétaire, elle a découvert bon nombre de conditions non sécuritaires qui avaient une incidence sur sa navigabilité. Initialement, la STQ a retardé la mise en service de l’Apollo et a commencé à effectuer des réparations. Toutefois, poussée par les pressions pour rétablir le service de traversier et considérant que l’Apollo serait un navire temporaire destiné à une utilisation à court terme, la STQ a mis le navire en service alors que des réparations étaient en cours. Aucune évaluation des risques n’a été entreprise; par conséquent, l’Apollo a été mis en service sans effectuer un repérage adéquat des dangers ni une évaluation des risques connexes.

    L’Apollo était un navire délégué selon le Programme de délégation des inspections obligatoires de Transports Canada (TC) et avait été inspecté par un organisme reconnu avant et après son acquisition par la STQ. TC avait également inspecté le navire avant sa mise en service par la STQ. Ces inspections n’ont pas permis de relever bon nombre de conditions non sécuritaires sur le navire; ainsi, l’organisme reconnu a délivré les certificats permettant à l’Apollo d’être mis en service. L’enquête a permis de déterminer que si la surveillance des navires délégués assurée par TC et les organismes reconnus ne conduit pas à la détection et à l’élimination en temps opportun des conditions dangereuses et des situations non conformes à la réglementation, il en résulte un risque pour la sécurité du navire, de son équipage et de ses passagers, ainsi que pour l’environnement. De plus, si la surveillance exercée par TC à l’égard des organismes reconnus qui effectuent des travaux dans le cadre du Programme de délégation des inspections obligatoires est inefficace, des navires en mauvais état de navigabilité risquent d’être certifiés et exploités.

    L’enquête a également porté sur le système de gestion de la sécurité du navire, les exigences de formation en matière de gestion des ressources à la passerelle, la conception des voyants d’état du propulseur d’étrave du navire et l’accessibilité des dossiers d’entretien continu.

    Après l’événement, le BST est monté à bord du navire et a avisé TC des lacunes de sécurité repérées. TC a inspecté le navire le 21 mars 2019 et a émis une interdiction de départ. La STQ a effectué une analyse des risques et a mené une enquête à l’interne ayant mené à plusieurs recommandations de mesures de sécurité qui ont été prises par la STQ par la suite.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Fiche technique du navire

    Tableau 1. Fiche technique du navire
    Nom du navire Apollo
    Numéro de l’Organisation maritime internationale 7006314
    Numéro officiel 820777
    Port d’immatriculation St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)
    Pavillon Canada
    Type Traversier roulier
    Jauge brute 6609
    Longueur hors tout 108,7 m
    Tirant d’eau 4,59 m
    Construction 1970, en Allemagne
    Propulsion 2 moteurs diesels à 4 temps et à régime moyen (7330 kW au total) entraînant 2 hélices à pas variable
    Nombre maximal de personnes à bord 270
    Nombre de personnes à bord au moment de l’événement 94
    Nombre maximal de véhicules à bord 80
    Nombre de véhicules à bord au moment de l’événement 43
    Propriétaire enregistré et gestionnaire technique Société des traversiers du Québec
    Société de classification / organisme reconnu Bureau Veritas
    Autorité de délivrance de la certification internationale de gestion de la sécurité Lloyd’s Register

    1.2 Description du navire

    L’Apollo était un traversier roulier d’acier renforcé contre les glacesNote de bas de page 1 (figure 1) doté de 9 ponts, dont 1 pont-garage accessible par des rampes à l’étrave et à la poupe (annexe A). Une visière d’étrave pouvant être levée et abaissée permettait l’accès au pont-garage. Ce dernier s’étendait de l’avant à l’arrière du navire et ne comportait aucune cloison transversale ou longitudinale étanche à l’eauNote de bas de page 2. Les 2 ancres du navire se trouvaient de chaque côté de l’étrave, derrière la visière.

    Le navire était conçu à l’origine pour accueillir 1200 personnes et comptait 222 cabines passagers. Au moment de l’événement, les cabines n’étaient plus utilisées et avaient été verrouillées afin d’empêcher les passagers d’y accéder. Les points d’accès des cabines avaient également été bloqués.

    Figure 1. Traversier roulier Apollo (Source : Richard Bélanger)
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    Traversier roulier Apollo (Source : Richard Bélanger)

    La passerelle était fermée et dotée d’équipement de navigation, dont un loch, un GPS (système de positionnement mondial), un système d’identification automatique et des radars de 3 cm et de 10 cm avec capacité d’aide au pointage radar automatique. Le navire avait aussi des cartes en papier et un système de cartes électroniques. Les consoles principales de commande de la direction et de la propulsion se trouvaient au milieu de la passerelle; d’autres consoles situées sur les ailerons de passerelle ouverts étaient employées pendant l’accostage. Le navire était muni d’un propulseur d’étrave dont les commandes se trouvaient sur la console de passerelle et sur les consoles d’aileron de passerelle bâbord et tribord (figure 2).

    Figure 2. Configuration de la passerelle de l’Apollo (Source : BST)
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    Configuration de la passerelle de l’Apollo (Source : BST)

    Le navire était propulsé par 2 moteurs diesels, soit un à 8 cylindres d’une puissance maximale continue de 4000 kW, à bâbord, et un à 9 cylindres d’une puissance maximale continue de 3330 kW, à tribord, lesquels entraînaient des hélices à pas variable par le biais de boîtes à engrenages. La vitesse normale du navire était de 20 nœuds et sa direction était assurée par 2 gouvernails partiellement compensés.

    L’Apollo était alimenté en électricité par 3 groupes électrogènes, composés chacun d’un moteur diesel de 500 kW couplé à une génératrice à courant alternatif triphasé fournissant une alimentation électrique au tableau de distribution principal. Le navire comportait également un tableau de distribution d’urgence, ainsi qu’un groupe électrogène de secours conçu pour démarrer automatiquement en cas de défaillance de l’alimentation principale, de même que pour fournir de l’électricité aux systèmes essentielsNote de bas de page 3.

    1.3 Antécédents en service du navire

    Du moment de sa construction, en 1970, jusqu’en 2000, le navire a servi à fournir des services de traversier dans le nord de l’Europe, dans les mers Baltique et du Nord. En 2000, l’Apollo a été acheté par Labrador Marine Inc., une filiale du Woodward Group of Companies (WGOC)Note de bas de page 4. L’Apollo a été mis en service pour fournir un service de traversier reliant Blanc-Sablon (Québec) et St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador). Sur cette route, l’Apollo effectuait en moyenne 2 traversées aller-retour par jour. La durée d’une traversée dans une direction était de 2,5 heures, y compris le temps requis pour l’embarquement et le débarquement. L’Apollo a continué d’être exploité sur cette route et de transporter des véhicules et des passagers jusqu’à ce qu’il soit vendu à la Société des traversiers du Québec (STQ) en janvier 2019.

    1.4 Société des traversiers du Québec

    La STQ est une société d’État établie en 1971 qui appartient au gouvernement du Québec. Elle supervise un réseau de 14 routes de traversier, dont 9 sont exploitées directement par la STQ et 5 en partenariat avec des entreprises privées. Au moment de l’événement, la STQ avait 21 navires et comptait environ 700 employés. Au cours d’une année, les navires de la STQ effectuent plus de 108 000 traversées et transportent près de 4,7 millions de passagers et 2 millions de véhiculesNote de bas de page 5. Le siège social de la STQ est situé à Québec (Québec). La personne désignée à terre et le directeur de chacune des traverses de la STQ relèvent du vice-président à l’exploitation. La personne désignée à terre a également un lien direct avec le président-directeur général, qui relève directement du ministre provincial des Transports.

    1.4.1 Route Matane–Baie-Comeau–Godbout

    La STQ est responsable de fournir un service de traversier sur une route essentielleNote de bas de page 6 reliant Matane, Baie-Comeau et Godbout (Québec). Du 1er avril 2018 au 31 mars 2019, un total de 158 469 passagers et 76 022 véhicules ont été transportés sur cette routeNote de bas de page 7. Celle-ci assure un important lien socioéconomique entre les collectivités des deux côtés du fleuve Saint-Laurent, en particulier lors de la saison hivernale, où les autres services de traversier saisonniers de la région interrompent leurs activités. Durant la saison hivernale, le prochain endroit le plus près où il est possible de traverser le fleuve Saint-Laurent, par un autre service de traversier ou un pont, se trouve à Québec, ce qui constitue un détour d’environ 900 km.

    Avant l’arrivée de l’Apollo, le navire de la STQ affecté à cette route était le traversier roulier F.-A.-Gauthier. Le F.-A.-Gauthier avait été acheté neuf par la STQ et était en service depuis juillet 2015. Pendant cette période, le navire avait éprouvé des problèmes persistantsNote de bas de page 8 qui avaient donné lieu à des interruptions de service et qui avaient fait l’objet d’une couverture médiatique. Le 17 décembre 2018, le F.-A.-Gauthier a été retiré du service pendant 2 jours aux fins d’entretien. L’entretien a été prolongé de façon inattendue et, le 19 décembre, l’exploitation du F.-A.-Gauthier a été cessée indéfiniment. La STQ a informé le public que toutes les réservations de traversée étaient annulées.

    Après l’interruption du service de traversier, la STQ a commencé à recevoir des plaintes du publicNote de bas de page 9. L’arrêt inattendu du service et la gestion de la situation par la STQ ont également fait l’objet d’une couverture médiatique. Les plaintes et la couverture médiatique ont exercé une pression sur la STQ pour qu’elle rétablisse le service de traversier le plus rapidement possible. Au départ, la STQ a temporairement utilisé une combinaison de navires et d’avions afin de maintenir le service sur la route (tableau 2).

    Tableau 2. Mesures prises par la STQ pour continuer d’assurer le service sur la route Matane–Baie-Comeau–Godbout (Source : Société des traversiers du Québec : Rapport annuel de gestion 2018-2019)
    Période Mesure prise par la STQ
    Du 21 décembre 2018 au 7 janvier 2019 Un service aérien est offert entre Baie-Comeau et Mont-Joli (à l’exception de la période du 25 décembre 2018 au 1er janvier 2019) à un tarif réduit (inférieur au tarif du service de traversier pour piétons)
    Du 8 janvier 2019 au 31 janvier 2019 Le navire CTMA Vacancier est appelé en renfort pour fournir un service de traversier temporaire
    Du 1er février 2019 au 11 février 2019 Le navire CTMA Voyageur est appelé en renfort pour fournir un service de traversier temporaire (la priorité est accordée aux camions de transport)
    Du 12 février 2019 au 13 février 2019 Un service aérien est offert entre Baie-Comeau et Mont-Joli à un tarif réduit

    Environ 1 semaine après le retrait du service du F.-A.-Gauthier, la STQ a commencé des recherches pour acheter un navire qui serait utilisé temporairement pour desservir la route, en s’attendant à ce que le F.-A.-Gauthier soit remis en service avant la fin du mois de juin 2019. La STQ a pris 12 navires en considération, dont l’Apollo. Le WGOC était en voie de remplacer l’Apollo par un autre navire, car l’Apollo atteignait la fin de sa durée de vie utile.

    La STQ a communiqué avec le WGOC au sujet de l’achat de l’Apollo, qui était alors exploité entre Blanc-Sablon et St. Barbe et qui offrait des services similaires dans des conditions environnementales comparables. L’Apollo détenait un certificat de classe émis par sa société de classification, Bureau Veritas (BV), ainsi que tous les certificats canadiens nécessaires délivrés par BV, qui était également l’organisme reconnu (OR)Note de bas de page 10 de l’Apollo sous l’autorité de Transports Canada. Parmi les 12 navires envisagés par la STQ, l’Apollo était le seul disponible qui répondait à certains des critères de la STQ.

    1.5 Mise en service de l’Apollo par la Société des traversiers du Québec

    Une fois la convention de vente conclue, 11 membres d’équipage de la STQ ont été envoyés à St. Barbe afin que l’équipage de Labrador Marine Inc. puisse les aider à se familiariser avec le navire durant le voyage de livraison de ce dernier vers Matane. Les documents nécessaires au transfert de la propriété du navire dans le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments de TC n’avaient pas été remplis, et le WGOC était toujours responsable du navire pendant le voyage de livraison. L’équipe de la STQ est montée à bord de l’Apollo le 21 janvier 2019 et a relevé un certain nombre de problèmes de sécurité liés à l’état du navire. Le capitaine de l’équipe de la STQ a soulevé des préoccupations concernant la navigabilité de l’Apollo au capitaine du WGOC qui avait été affecté au navire pour le voyage de livraison, mais le capitaine du WGOC avait une perception différente de l’état de l’Apollo. Le capitaine de l’équipe de la STQ a ensuite appelé le surintendant de l’équipe d’entretien à terre de la STQ et lui a fait part de ses préoccupations.

    Le 22 janvier, des officiers supérieurs de l’équipe de la STQ, dont le capitaine, ont participé à une conférence téléphonique avec la gestion de la STQ, y compris le président-directeur général ainsi que le vice-président à l’exploitation. Les officiers supérieurs ont alors soulevé des préoccupations quant à l’état du navire, indiquant que ce dernier n’était pas en bon état de navigabilitéNote de bas de page 11 et que son exploitation représentait un danger. Ils ont également signalé que les systèmes de détection, d’alarme et d’extinction d’incendie du navire n’étaient pas fiables. Le capitaine de l’équipe de la STQNote de bas de page 12 a informé la gestion de la STQ que l’exploitation du navire représentait un danger et qu’il refusait d’assumer la responsabilité de son exploitation après son arrivée à Matane. Les officiers supérieurs ont affirmé à la gestion de la STQ que d’importantes réparations devaient être apportées au navire avant que celui-ci puisse traverser régulièrement le fleuve Saint-Laurent. Ils ont recommandé d’abandonner son achat en raison de son état.

    La gestion de la STQ a demandé à l’équipe à bord de rédiger une liste d’observations concernant le navire et de la faire parvenir à la gestion de la STQ. L’équipe n’a pas rédigé de liste et a plutôt demandé à ce que la gestion de la STQ communique avec une agence d’inspection indépendante pour faire inspecter le navire avant son départ. La gestion de la STQ n’a pas donné suite à la demande.

    La gestion de la STQ a communiqué avec le WGOC pour discuter des préoccupations de l’équipe et se renseigner sur l’état du navire. À la suite de la conversation, un représentant du WGOC a rencontré le capitaine de l’équipe de la STQ et l’a informé que la vente avait été conclue sans inspection préalable. Le représentant a indiqué que l’équipe de la STQ n’avait pas été autorisée à accéder au navire pour surveiller et vérifier ses systèmes et qu’elle n’avait été admise à bord qu’à des fins de familiarisation.

    Le capitaine de l’équipe de la STQ a communiqué avec un autre capitaine de la STQ qui comptait de nombreuses années d’expérience et lui a fait part de ses préoccupations au sujet de l’état de l’Apollo et de la surveillance qui était fournie par l’OR de l’Apollo. Un inspecteur de la sécurité maritime de TC (ISM) se trouvait en compagnie du capitaine de la STQ qui a reçu l’appel; ce dernier a expliqué la situation à l’ISM. L’ISM a ensuite appelé le capitaine de l’équipe de la STQ. Le capitaine de l’équipe de la STQ a fait part de ses préoccupations à l’ISM concernant la surveillance du navire par l’OR et l’état global du navire, particulièrement les problèmes avec les embarcations de sauvetage, les ponts qui fuyaient, l’entreposage des gilets de sauvetage, les conduites d’incendie qui fuyaient et les postes d’incendie non fonctionnels. Le capitaine de l’équipe de la STQ a également informé l’ISM qu’il avait une liste préliminaire de lacunes à signaler. L’ISM a informé le capitaine qu’il devrait faire part de ses préoccupations à l’OR du navire et que, s’il demeurait insatisfait, il devrait alors communiquer avec TC. Le capitaine a envoyé la liste préliminaire de lacunes à un bureau de TC le 22 janvier. Il n’a pas poursuivi l’affaire, ayant soulevé les préoccupations auprès de la gestion de la STQ et de TC.

    Le 25 janvier, l’Apollo a quitté St. Barbe en direction de Matane sous la conduite de l’équipage de Labrador Marine Inc., avec à son bord l’équipe de la STQ présente à des fins de familiarisation. Le voyage était d’environ 475 milles marins (NM) et se déroulait majoritairement dans le golfe du Saint-Laurent, le long de la Basse-Côte-Nord du Québec, une région peu peuplée où sont réparties de petites collectivités. Le voyage a duré 3 jours, et le navire est arrivé à Matane le 28 janvier. La STQ avait prévu que l’Apollo serait mis en service le 4 février, mais, après avoir identifié les réparations nécessaires sur le navire (annexe B), elle a repoussé la date de mise en service. Un équipage a été affecté à l’Apollo, lequel a commencé à effectuer des réparations le jour suivant, conjointement avec l’équipe d’entretien à terre et des entrepreneurs. Les réparations visaient principalement à s’assurer du fonctionnement des systèmes d’extinction d’incendie, de l’équipement de sauvetage et de l’équipement essentiel. La participation de l’équipage aux réparations a réduit le temps qu’il a passé à se familiariser avec le navire.

    Le 6 février, l’OR du navire et TC ont inspecté le navire en même temps et ont repéré un total de 19 lacunes. Le 10 février, après une visite du navire, et après avoir vérifié les travaux effectués par la STQ pour corriger les lacunes cernées, l’OR a délivré un certificat d’inspectionNote de bas de page 13 en vertu de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada pour l’Apollo, lequel certificat lui permettait de commencer à assurer le service de traversier. L’Apollo a effectué sa première traversée sur la route Matane–Baie-Comeau–Godbout le 14 févrierNote de bas de page 14.

    L’horaire du traversier était initialement conçu de façon à ce que l’Apollo effectue chaque jour 2 allers-retours de Matane à Godbout ou à Baie-Comeau. La durée d’une traversée dans une direction sur l’une ou l’autre de ces routes est d’environ 3 heures, y compris le temps requis pour l’embarquement et le débarquement. Des réparations étaient toujours en cours au moment où l’Apollo a été mis en service. En raison de préoccupations liées à l’état du navire, l’équipage a demandé à ce que la gestion de la STQ modifie l’horaire afin que l’Apollo puisse effectuer 2 allers-retours 4 jours par semaine et 1 aller-retour par jour le restant de la semaine afin d’accorder plus de temps pour procéder aux réparations. La gestion de la STQ a modifié l’horaire en conséquence.

    1.6 Chronologie du voyage

    Le 16 mars 2019, l’équipage préparait l’Apollo à son voyage de retour de 17 hNote de bas de page 15, de Godbout à Matane. En réponse à une demande du capitaine, le chef mécanicien s’était rendu à la console d’aileron de passerelle tribord en vue de remplacer le bouton servant à activer la commande du propulseur d’étrave à cette console. Le plan consistait à remplacer, au cours des jours à venir, le bouton existant par un bouton qui s’allumerait pour indiquer l’état de fonctionnement du propulseur d’étrave. Cela offrirait au capitaine un indice visuel de l’état du propulseur d’étrave pendant les manœuvres d’accostage. Le remplacement avait été demandé après que le disjoncteur principal du propulseur d’étrave se fut déclenché à quelques reprises à l’insu du capitaine alors que ce dernier utilisait le propulseur pour diriger le navire vers des infrastructures côtières. Le chef mécanicien avait ouvert le panneau de la console pour déterminer le circuit électrique du propulseur d’étrave, y déplaçant du même coup certains fils électriques. Lorsqu’il avait terminé, le chef mécanicien a réinstallé et fixé le panneau de la console.

    À 16 h 58, le capitaine s’est rendu à son poste, à la console d’aileron de passerelle bâbord, afin d’y préparer le départ du navire. Un capitaine stagiaire, le premier officier et le timonier se trouvaient aussi sur la passerelle. Le capitaine stagiaire n’était à bord qu’à titre d’observateur et ne participait pas activement aux activités de navigation du navire. Le premier officier assumait le rôle d’officier de quart.

    À 17 h 02, l’Apollo a quitté Godbout avec 66 passagers et 43 véhicules à bord. Le certificat spécifiant l’effectif minimal de sécurité de l’Apollo exigeait 15 membres d’équipage, mais le navire en comptait 28 (une combinaison de membres d’équipage, d’entrepreneurs et de membres de l’équipe d’entretien à terre), présents pour aider à effectuer les réparations.

    Au moment du départ, le vent soufflait de l’ouest à environ 20 nœuds. Selon les prévisions, le vent devait souffler de l’ouest à une vitesse de 25 à 35 nœuds pendant la traversée. À 17 h 45, à mi-chemin environ durant la traverse, le capitaine a réduit la vitesse du navire, car celle du vent avait augmenté et l’état de la mer s’était détérioré. Lorsque l’Apollo se trouvait à quelque 4 NM de Matane, le 3e groupe électrogène a été démarré, ce qui constituait une pratique non officielle découlant du fait que les 3 groupes électrogènes de l’Apollo fonctionnaient à capacité réduite. L’utilisation des 3 groupes électrogènes visait à supporter la charge accrue exercée par le propulseur d’étrave et l’équipement de pont pendant les manœuvres d’accostage.

    À 19 h 03, le capitaine a appelé le personnel de la STQ, à Matane, pour se renseigner sur la vitesse du vent dans le port; on lui a répondu qu’il soufflait plus fort qu’initialement prévu lors du départ et que sa vitesse atteignait maintenant entre 35 et 40 nœuds. À 19 h 08, alors que le navire se trouvait à environ 2 NM de Matane, l’équipe de la salle des machines a appelé le capitaine pour lui signaler que 2 groupes électrogènes s’étaient arrêtés automatiquement lorsque leurs capteurs de surchauffe s’étaient activés en raison du blocage de l’une des crépines d’une conduite de refroidissement par des algues et des débris. L’équipe de la salle des machines, laquelle avait maintenu le 3e groupe électrogène en marche en effectuant une commutation vers l’autre crépine de la conduite de refroidissement, a demandé au capitaine de lui accorder un certain temps pour régler le problème avant de procéder à l’amarrage à Matane (annexe D).

    Le capitaine a réduit la vitesse du navire à 2 nœuds et a ordonné un changement de cap pour mettre le navire au vent afin d’en réduire le roulis, pendant que l’équipe de la salle des machines retirait les sas d’air des conduites de refroidissement des groupes électrogènes. À environ 19 h 28, l’équipe avait réussi à redémarrer les groupes électrogènes, et le capitaine a décidé de reprendre la route vers Matane. À ce moment-là, l’équipe de la salle des machines a signalé au capitaine que le propulseur d’étrave avait été activé et qu’il était utilisable aux fins des manœuvres.

    À environ 19 h 30, juste avant l’arrivée du navire au port, le capitaine a informé l’équipe de la passerelle de la manœuvre d’accostage prévue. Pour réduire le risque posé par le vent, il comptait employer au moins 1 ancre. Il a demandé aux membres d’équipage de se tenir prêts à jeter 1 des ancres ou les 2, si nécessaire. Le capitaine prévoyait d’entrer dans le port l’étrave au vent, de jeter l’ancre bâbord pour créer un point de pivotement, s’il y avait lieu, et de reculer la poupe en premier jusqu’au quai (figure 3).

    Figure 3. Manœuvre prévue de l’Apollo (ligne pointillée) et manœuvre enregistrée (ligne pleine) durant l’événement à l’étude, avec les heures indiquées (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Manœuvre prévue de l’Apollo (ligne pointillée) et manœuvre enregistrée (ligne pleine) durant l’événement à l’étude, avec les heures indiquées (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Le capitaine a ordonné au premier officier de se rendre sur le gaillard d’avant afin de préparer les ancres. On a demandé au capitaine stagiaire de transmettre les communications entre le capitaine et les équipes d’amarrage avant et arrière.

    À 19 h 39, l’Apollo est entré dans le port de Matane. Le capitaine a pris la conduite du navire à partir de la console d’aileron de passerelle tribord et a appuyé sur le bouton pour transférer le contrôle du propulseur d’étrave de la passerelle à la console d’aileron de passerelle tribord aux fins d’accostage. Le vent soufflait de l’ouest à une vitesse de 35 à 40 nœuds et les vagues atteignaient environ 0,5 m. Alors que l’Apollo passait à côté du dernier duc-d’AlbeNote de bas de page 16, le capitaine a utilisé les commandes de moteur, de gouvernail et de propulseur d’étrave pour mettre l’étrave face au vent. Ces manœuvres ont eu peu d’effet sur le navire qui, poussé par le vent, a continué de suivre une route transversale.

    Entre-temps, l’équipe d’amarrage sur le gaillard d’avant demeurait prête à jeter l’ancre pendant les opérations d’accostage. Dans la salle de commande des machines, l’équipe surveillait attentivement l’ampèremètre du propulseur d’étrave afin de relever toute augmentation excessive de la charge, et les moteurs diesels des groupes électrogènes pour détecter des températures élevées. Si l’une ou l’autre de ces conditions se présentait, l’équipe devait en prévenir le capitaine pour qu’il réduise la poussée ou cesse d’utiliser le propulseur d’étraveNote de bas de page 17.

    Vers 19 h 42, le capitaine a ordonné à l’équipe d’amarrage de jeter l’ancre bâbord afin de créer un point de pivotement pour le navire. Peu après avoir jeté l’ancre, le vent a poussé l’Apollo vers le traversier-rail Georges-Alexandre-Lebel, lequel était amarré à proximité, et a entraîné la poupe de l’Apollo à moins de 45 m de l’étrave du traversier-rail (figure 3). Le capitaine a immédiatement ordonné à l’équipe d’amarrage de jeter l’ancre tribord afin que l’Apollo ne s’approche pas davantage du Georges-Alexandre-Lebel; l’ancre tribord a été jetée à environ 19 h 45.

    À 19 h 48, pour effectuer une approche différente, le capitaine a mis les 2 moteurs en mode « avant toute » avec les gouvernails complètement à tribord et a manipulé les commandes du propulseur d’étrave de manière à déplacer l’étrave du navire vers les ducs-d’Albe. Le capitaine a réussi à repositionner le navire pour la nouvelle approche, et on a ordonné à l’équipe de lever l’ancre tribord. À 19 h 52, le capitaine a commencé son approche vers les ducs-d’Albe, l’étrave en premier, alors que l’ancre bâbord traînait sur le fond marin.

    Pendant qu’elle surveillait toujours l’ampèremètre du propulseur d’étrave, l’équipe de la salle des machines a remarqué que l’instrument n’indiquait aucune consommation électrique pendant la manœuvre, et le chef mécanicien a appelé l’équipe de la passerelle afin de demander si le propulseur d’étrave était utilisé. Le timonier a pris l’appel et, après avoir constaté que les voyants blanc et ambré du propulseur d’étrave étaient allumés sur la console de passerelle, il a répondu par l’affirmative. L’activation de ces 2 voyants indique que le propulseur d’étrave est activé et qu’il est commandé depuis la console de passerelle.

    À 19 h 54, le côté tribord de l’Apollo a été positionné parallèlement aux ducs-d’Albe, mais la poupe a été poussée vers ces derniers par le vent. Le capitaine a mis les moteurs en mode « avant toute » et les gouvernails complètement à tribord, manœuvre qui a, combinée au vent fort, poussé l’étrave vers les ducs-d’Albe. Le capitaine a alors manipulé les commandes du propulseur d’étrave pour contrebalancer le déplacement de l’étrave du navire et a mis les gouvernails complètement à bâbord, mais l’étrave de l’Apollo a continué son déplacement vers les ducs-d’Albe pour finalement en heurter un, à 19 h 55.

    À 20 h 05, l’Apollo a été amarré le long du quai. Le capitaine a ordonné à l’équipage de vérifier s’il y avait des dommages au navire. Après avoir examiné les dommages, l’équipage a déterminé qu’il était sécuritaire de procéder au débarquement des passagers et des véhicules. Aucune blessure n’a été signalée.

    Après l’événement, l’électricien du navire a rencontré le capitaine sur la passerelle afin de vérifier l’état de fonctionnement du propulseur d’étrave. D’après les indications de l’ampèremètre du propulseur d’étrave dans la salle de commande des machines, on a conclu que le propulseur d’étrave ne répondait à aucune des commandes du capitaine pour les manœuvres dans le port.

    1.7 Propulseur d’étrave

    Le propulseur d’étrave de l’Apollo était une unité à tunnel de 478 kW avec une hélice à pales fixes. La direction de la poussée pouvait être orientée vers bâbord ou tribord et le propulseur avait 3 réglages de vitesse : faible (75 % du régime), intermédiaire (90 %) et plein (100 %).

    Le propulseur d’étrave pouvait être commandé depuis la console de passerelle, la console d’aileron de passerelle bâbord ou la console d’aileron de passerelle tribord. Chaque console comportait un levier de commande du propulseur d’étrave permettant de régler la vitesse et la direction de la poussée. Le contrôle du propulseur pouvait être transféré de l’une des consoles à une autre au moyen d’un bouton installé sur chaque console. Lorsque le propulseur d’étrave était contrôlé depuis 1 console, les commandes des 2 autres étaient verrouillées. De plus, la console de passerelle comportait un interrupteur d’arrêt d’urgence conçu pour désactiver le propulseur d’étrave à partir des 3 consoles.

    Le propulseur d’étrave est un appareil qui est essentiel durant l’accostage à Matane, car l’espace dans le port est restreint. Le propulseur d’étrave permet d’augmenter la manœuvrabilité du navire et aide à éviter les dangers (présence d’autres navires ou de glace, etc.). Dans le port de Matane, la pratique à bord de l’Apollo consistait à accoster la poupe en premier, de façon à ce que le côté tribord du navire longe le quai; par conséquent, le propulseur d’étrave était commandé à partir de la console d’aileron de passerelle tribord. À Baie-Comeau et à Godbout, la pratique visait à accoster l’étrave en premier afin que le côté bâbord du navire longe le quai, ce qui exigeait de contrôler le propulseur d’étrave depuis la console d’aileron de passerelle bâbord.

    Les capitaines de l’Apollo avaient pour pratique non officielle de mettre à l’essai le propulseur d’étrave à partir des consoles d’aileron de passerelle avant de l’utiliser, ainsi que d’en confirmer le fonctionnement d’après le bruit et la poussée visible dans l’eau. À quelques reprises, ils en avaient vérifié le fonctionnement en appelant la salle des machines et en demandant aux mécaniciens d’en relever la consommation électrique sur l’ampèremètre.

    Avant l’événement, c’était lors du départ de Matane, le matin de l’événement, que le capitaine avait utilisé avec succès pour la dernière fois le propulseur d’étrave depuis la console d’aileron de passerelle tribord. Pendant le voyage à l’étude, l’état de fonctionnement du propulseur d’étrave n’avait pas pu être vérifié à l’aide du bruit et de la poussée visible dans l’eau, car le vent et les vagues les rendaient indétectables. Le capitaine n’en avait également pas confirmé l’état de fonctionnement au moyen de l’ampèremètre dans la salle des machines.

    1.7.1 Alimentation électrique du propulseur d’étrave

    Au moins 2 des 3 groupes électrogènes devaient être activés pour que le moteur électrique du propulseur d’étrave soit alimenté en électricité. Pour des raisons de sécurité, un système de verrouillage empêchait ce moteur de démarrer si moins de 2 groupes électrogènes fonctionnaient. À faible régime, le propulseur d’étrave nécessitait 400 A, à régime intermédiaire, 600 A et à plein régime, 800 A.

    Après avoir acheté l’Apollo, la STQ avait cerné des problèmes liés aux injecteurs de carburant des moteurs diesels des groupes électrogènes et en avait commandé des nouveaux. Toutefois, lors de l’événement, les injecteurs de remplacement n’avaient pas encore été livrés. Les problèmes liés aux injecteurs empêchaient les 3 groupes électrogènes de l’Apollo d’être exploitées à plus d’environ 50 % de leur puissance nominale, car leurs moteurs diesels auxiliaires surchauffaient lorsque la demande en puissance se situait autour de 280 kW. Cela signifie qu’à faible régime, le propulseur d’étrave était utilisable indéfiniment; cependant, à régime intermédiaire, il était utilisable pendant quelques minutes, et à plein régime, c’était environ 20 secondes. Les équipes de la passerelle et de la salle des machines étaient au courant de la durée d’exploitation réduite du propulseur d’étrave.

    1.8 Avaries au navire

    L’Apollo a été endommagé là où la visière d’étrave et la coque se joignent (figures 4 et 5). Le bordé extérieur a été enfoncé et déformé sur approximativement 1 m, ce qui a créé une brèche entre la visière et la coque atteignant environ 0,3 m de large à son maximum. Il y a également eu un flambage de la structure autour de la brèche. Le 19 mars 2019, la STQ a définitivement retiré l’Apollo du service en raison des avaries causées par le heurt.

    Figure 4. Avaries à l’Apollo (encerclées) (Source : BST)
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    Avaries à l’Apollo (encerclées) (Source : BST)
    Figure 5. Avaries à l’Apollo (encerclées) (Source : BST)
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    Avaries à l’Apollo (encerclées) (Source : BST)

    1.9 Conditions météorologiques

    Le 16 mars 2019, à 16 h 58, à peu près au moment du départ de l’Apollo, le vent soufflait de l’ouest à environ 20 nœuds, à Godbout, et devait atteindre de 25 à 35 nœuds pendant la traversée. La température de l’air enregistrée se chiffrait à approximativement −4 °C.

    À 18 h, on a indiqué dans le journal de bord du navire que la vitesse du vent correspondait aux catégories F8 et F9 sur l’échelle de Beaufort : la catégorie F8 englobe les vents de 34 à 40 nœuds et la catégorie F9, les vents de 41 à 47 nœuds.

    Vers 19 h 40, le vent soufflait de l’ouest à une vitesse de 35 à 40 nœuds et les vagues atteignaient environ 0,5 m dans le port de Matane. Le ciel était dégagé, il faisait noir et la visibilité était d’environ 10 NM.

    1.10 Certification et expérience du personnel

    Le capitaine détenait un brevet de capitaine au long cours, délivré en janvier 2018. Il avait commencé à travailler à la STQ en mai 2018 en tant que premier officier sur le F.-A.-Gauthier et avait entrepris une formation sur ce navire pour devenir capitaine. En février 2019, il a été promu au grade de capitaine et a été affecté à l’Apollo. Au moment de l’événement, il avait navigué environ 1 semaine à titre de capitaine de l’Apollo. Dans le cadre de sa familiarisation avec le navire, il avait passé 15 heures à manœuvrer le navire. Avant de se joindre à la STQ, il avait travaillé en tant que premier officier sur divers chimiquiers/transporteurs de produits. Il possédait 12 ans d’expérience en mer.

    Le capitaine stagiaire détenait un brevet de capitaine, à proximité du littoral, délivré en février 2007. Avant de se joindre à la STQ en janvier 2019, il avait travaillé en tant que deuxième et troisième officier au sein de diverses entreprises. Il possédait 40 ans d’expérience en mer.

    Le premier officier détenait un brevet d’officier de pont de quart, à proximité du littoral, délivré en novembre 2007. Il s’est joint à la STQ en 2015 et est devenu premier officier en mars 2019. Il possédait 21 ans d’expérience en mer.

    Le chef mécanicien détenait un brevet de mécanicien de première classe, délivré en janvier 2012. Avant de se joindre à la STQ en avril 2018, il avait occupé un poste de chef mécanicien pendant 17 ans.

    Le timonier détenait un brevet d’homme de quart à la passerelle, délivré en février 2000. Il s’est joint à la STQ en 2010 et possédait 31 ans d’expérience en mer.

    Le capitaine de l’équipe de la STQ qui était à bord de l’Apollo à des fins de familiarisation lors du voyage de livraison détenait un brevet de capitaine, à proximité du littoral, délivré en février 2016. Il s’est joint à la STQ en janvier 2015 en tant que deuxième officier et premier officier de relève. Il a été promu au grade de capitaine à bord du F.-A.-Gauthier en novembre 2016. Avant de se joindre à la STQ, il avait travaillé comme officier de navigation sur différents navires. Il possédait 10 ans d’expérience en mer.

    1.10.1 Fatigue

    L’enquête a déterminé que la fatigue n’a pas été un facteur dans l’événement.

    1.11 Gestion du navire

    En application de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, chaque navire doit avoir un représentant autorisé (RA), qui est chargé d’agir à l’égard de toute question relative au navire dont aucune autre personne n’est responsable. Plus précisément, le RA :

    • veille à ce que le bâtiment ainsi que ses machines et son équipement satisfassent aux exigences prévues par les règlements d’application de la présente partie;
    • élabore des règles d’exploitation sécuritaire du bâtiment ainsi que la procédure à suivre en cas d’urgence;
    • veille à ce que l’équipage et les passagers reçoivent une formation en matière de sécuritéNote de bas de page 18.

    De plus, en ce qui concerne les documents maritimes canadiens (DMC)Note de bas de page 19, le RA veille à ce que :

    • le bâtiment, ses machines et son équipement soient inspectés en vue de l’obtention des documents maritimes canadiens exigés par la présente partie;
    • les modalités de ces documents soient respectéesNote de bas de page 20.

    Au moment de l’événement, le RA de l’Apollo était la STQ.

    1.11.1 Responsabilités du capitaine à l’égard de la sécurité des personnes

    La Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada stipule que le capitaine d’un bâtiment doit prendre toutes les mesures utiles pour assurer la sécurité du bâtiment et des personnes qui sont à son bord. Si on avise le capitaine d’un danger, le capitaine doit prendre les mesures indiquées pour protéger le bâtiment et les personnes à bord. S’il est impossible d'éliminer le danger, le capitaine d’un bâtiment canadien doit aviser le RANote de bas de page 21.

    1.12 Classification des navires

    La classification des navires est un service tarifié qui vise à assurer la conformité de ceux-ci à un ensemble de règles de construction et d’inspection établies par une société de classification. Ces règles établissent des normes par rapport à la résistance structurale des coques et des appendices d’un navire, la capacité des systèmes de propulsion, de gouverne et d’alimentation électrique, de même que celle d’autres composants et de systèmes auxiliaires. Les navires conformes aux exigences d’une classe se voient attribuer un certificat de classification et sont enregistrés dans le registre maritime de la société de classification.

    Une fois qu’un navire est classé, le propriétaire ou le RA invite une fois par an les experts maritimes de la société de classification à bord afin de vérifier la conformité du navire aux règles établies pour sa classe. Les experts maritimes peuvent également être invités à monter à bord à la suite de certaines demandes. Si tel est le cas, la portée de leur travail se limite à ce qui est demandé par le propriétaire ou le RA du navire. La société de classification a le droit de refuser de classer un navire ou de le retirer de sa classe si celui-ci ne satisfait plus aux exigences de la classe.

    L’Apollo était classé par BV de sa construction jusqu’au moment où il a été retiré du service en 2019. La dernière inspection effectuée pour valider son certificat de classification a eu lieu le 5 avril 2018.

    1.13 Programme de délégation des inspections obligatoires

    Par l’intermédiaire du Programme de délégation des inspections obligatoires (PDIO), TC délègue à des sociétés de classification choisies le pouvoir d’effectuer les inspections exigées par l’article 16 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et à délivrer certains DMCNote de bas de page 22 aux navires inscrits au programme. De nombreux autres États du pavillon disposent de programmes similaires.

    Le PDIO a été mis en œuvre en 2001. Il s’agissait au départ d’un programme facultatif offert aux navires classés qui visait à permettre à TC d’affecter des ressources en matière d’inspection et de surveillance aux navires présentant un risque plus élevé. En 2014, le PDIO est devenu obligatoire pour tous les navires canadiens d’une longueur de 24 m et plus. En mars 2021, un total de 699 navires étaient inscrits au PDIO.

    Le Canada compte actuellement 7 OR autorisés dans le cadre du PDIO. Tous les OR sont des sociétés de classification internationales qui exécutent des tâches similaires pour d’autres États du pavillon. Les OR rendent des comptes à TC pour le travail qu’ils effectuent en son nom et sont tenus d’informer immédiatement TC de toute lacune majeureNote de bas de page 23 ou question de sécurité majeure dont ils prennent connaissance relativement à un navire délégué.

    BV est l’un des 7 OR autorisés dans le cadre du PDIO; il et effectue des travaux liés au PDIO pour TC depuis 2003. L’Apollo a été inscrit pour la première fois au PDIO, avec BV comme OR, en 2014. Lors de l’événement, l’Apollo détenait des DMC valides délivrés par BV.

    1.13.1 Surveillance par Transports Canada des organismes reconnus

    Bien que les OR soient autorisés à exécuter des tâches liées au PDIO, TC demeure responsable de la surveillance du rendement des OR de diverses façons, y compris en effectuant des visites de surveillance dans les bureaux des OR et les inspections de conformité menées à bord de navires déléguésNote de bas de page 24.

    Le rôle de TC par rapport à la surveillance des OR est expliqué dans la politique du PDIONote de bas de page 25 et les directives de travail du PDIONote de bas de page 26. La politique du PDIO précise que TC surveillera le rendement des OR à divers moments du cycle de vie d’un navire.

    TC a également une directives de travail concernant les inspections des navires délégués existantsNote de bas de page 27. Ce document donne des détails sur l’attribution de la responsabilité de certaines lacunes aux OR. TC parle alors de « lacunes liées à l’OR ». Le document explique que, bien qu’il ne soit pas raisonnable de s’attendre à ce que les OR détectent toutes les lacunes à chaque inspection, « s’il existe des lacunes ayant une incidence importante sur la sécurité ou l’environnement qu’un OR devrait raisonnablement noter, cette lacune doit être attribuée à l’ORNote de bas de page 28 ».

    Le document établit les lignes directrices suivantes pour ce qui est de déterminer la responsabilité des OR :

    1. La lacune est structurelle (p. ex. corrosion, fissures)

    a) Il s’agit d’une grave lacune structurelle, incluant la corrosion, la détérioration, la fissuration et le gauchissement, sauf s’il est clair que la lacune s’est produite depuis la dernière inspection réalisée par l’OR.

    2. La lacune est non structurelle (p. ex. conduite d’incendie, rails) ou concerne l’équipement :

    a) Il s’agit d’une lacune grave concernant l’équipement ou les accessoires non structurels (comme les conduites d’incendie, les tuyaux d’aération, les écoutilles, les rails, les mâts, etc.) ET il s’est écoulé moins de 90 jours depuis la dernière inspection réalisée par l’OR.

    b) Il s’agit d’une lacune grave en ce qui concerne l’équipement ou les accessoires non structurels qui, de manière évidente, aurait existé au moment de la dernière inspection.

    c) Il s’agit d’une lacune grave relative à un équipement obsolète qui était déjà obsolète au moment de la dernière inspection.

    d) Accord ou approbation manquants en ce qui concerne les plans et les manuels s’ils sont requis pour se conformer aux dispositions relatives à l’émission de certificats statutaires qui auraient manifestement existé au moment de la dernière inspection.

    3. La lacune est une non-conformité majeure lorsqu’il existe une preuve claire d’un manque de mise en œuvre effective et systématique d’une exigence du Code ISM ET qu’il est évident qu’il existait lors de la dernière inspection effectuée par l’OR. Cela peut aussi comprendre des exercices opérationnels et des contrôles opérationnels et s’il existe une preuve claire de cette lacuneNote de bas de page 29.

    Le document précise que, si TC relève une lacune liée à un OR, l’agent de liaison du PDIO doit informer l’OR de la lacune en questionNote de bas de page 30. Il dit également qu’il faut faire parvenir une copie des communications à l’agent de programme du PDIONote de bas de page 31 afin de s’assurer de la tenue d’un dossier national des activités de surveillance. Finalement, il explique que l’agent de programme du PDIO est responsable des communications liées à la surveillance des activités des OR. Les directives de travail du PDIO indiquent que l’agent de programme du PDIO est chargé de tenir un dossier des non-conformités qui seront soulevées auprès de l’OR dans le cadre d’un examen de surveillanceNote de bas de page 32.

    Une entente d’autorisationNote de bas de page 33 conclue entre TC et un OR établit que TC est chargé de surveiller le travail de l’OR et qu’il peut entreprendre des vérifications à tout moment et pour quelque raison que ce soit. Une vérification peut notamment être effectuée en réponse à des rapports défavorables. La procédure du PDIO indique que TC « peut retirer un bâtiment du PDIO en tout temps, selon le rendement du RA ou de l’ORNote de bas de page 34 ».

    1.13.2 Inspections périodiques et occasionnelles

    Les OR effectuent des inspections périodiques des navires délégués, habituellement sous la forme d’inspections annuelles, quadriennales et quinquennales, afin de vérifier la conformité des navires à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et à ses règlements. Les OR mènent également des inspections occasionnelles au besoin, par exemple, pour vérifier une pièce d’équipement ou pour inspecter un navire avant de délivrer un certificat de transitNote de bas de page 35.

    Les inspections annuelles sont réalisées lorsque les navires sont à flot et visent la vérification de la structure, de l’étanchéité à l’eau, des moteurs principaux et auxiliaires, des systèmes de gouverne et de distribution électrique, des équipements de communication, de sauvetage et de lutte contre les incendies, des documents pertinents, etc. Les DMC relatifs à un navire sont délivrés après qu’un OR a confirmé la conformité réglementaire du navire.

    Les navires doivent non seulement être soumis à des inspections annuelles, mais également à des inspections quadriennales ou quinquennales, réalisées en cale sèche, afin de vérifier l’état de la coque et d’en mesurer l’épaisseur, ainsi que d’évaluer l’état des coffres de prise d’eau de mer, des soupapes, des gouvernails et des hélices, entre autres. L’annexe E présente l’historique d’inspection de l’Apollo qui remonte à 2014.

    Avant son départ de St. Barbe, l’Apollo a été soumis à une inspection occasionnelle afin d’obtenir un certificat de transit. Le rapport d’inspection notait la perforation par corrosion de tôles de plafond bâbord dans la salle des machines. BV a attribué un certificat de transitNote de bas de page 36 au navire pour un voyage direct avec un équipage de livraison, mais aucun passager, de St. Barbe ou de Blanc-Sablon vers Matane ou Baie-Comeau.

    1.13.3 Changement de propriétaire ou de représentant autorisé d’un navire délégué

    Lorsqu’il y a un changement de propriétaire ou de RA pour un navire délégué, le navire doit se réinscrire au PDIO. La procédure est décrite dans les directives de travail relatives au PDIO de 2016. Le propriétaire cédant ou le RA doit aviser l’OR et TC du changement. Le propriétaire cessionnaire ou le RA doit soumettre un formulaire à TC intitulé « Formulaire de notification de l’inscription au Programme de délégation des inspections obligatoires ». TC examine le formulaire pour déterminer si les conditions d’inscription sont remplies. Si les conditions d’inscription ne sont pas remplies ou si le formulaire est incomplet, TC en avise le nouveau propriétaire ou RA et planifie une inspection de passation des pouvoirs. L’OR émet des nouveaux DMC au navire et TC en avise le nouveau propriétaire ou RA ainsi que l’OR que le processus de délégation est terminé. En ce qui concerne les inspections, il est possible que TC accorde la priorité aux navires pour lesquels il y a un changement de propriétaire ou de RA; l’historique du navire ainsi que le nouveau propriétaire ou RA sont des facteurs dans cette priorisationNote de bas de page 37

    La STQ a suivi la procédure de réinscription de l’Apollo au PDIO. TC n’a pas exigé que l’Apollo fasse l’objet d’une inspection de passation des pouvoirs discrétionnaire.

    1.13.4 Inspections de conformité

    TC effectue des inspections de conformité afin de vérifier si les RA ont entretenu les navires conformément à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et à ses règlements. Ces inspections peuvent être prévues et imprévues. Au moment de l’événement, TC avait comme objectif d’inspecter 25 % des navires délégués chaque annéeNote de bas de page 38,Note de bas de page 39. TC est chargé de gérer les non-conformités efficacement, en temps opportun et de manière uniforme à l’échelle nationaleNote de bas de page 40. TC peut également avoir recours à des inspections de conformité pour vérifier que les OR s’acquittent de leurs responsabilités prévues dans le cadre de l’accord d’autorisation entre TC et l’OR.

    TC utilise une approche fondée sur les risques pour cibler les navires délégués qui seront soumis à des inspections de conformité. TC affirme que cette approche est adoptée « [a]fin de répondre au double besoin de surveiller la flotte au complet et de prêter une attention particulière aux navires qui sont les plus susceptibles de ne pas répondre aux normes requisesNote de bas de page 41 ». Au moment de l’événement, la grille d’évaluation des risques de TC utilisée pour évaluer les navires délégués était basée sur 17 critères et attribuait une note globale du risque (élevé [35 et plus], moyen [de 15 à 34] ou faible [de 0 à 14])Note de bas de page 42. Le niveau de risque de l’Apollo avait été évalué à moyen (16, 17 et 17) pour chacune des 3 années précédant l’événement. Les notes du risque étaient utilisées pour fournir aux responsables des régions de TC une liste de propositions de navires à surveiller au cours de l’année. Les notes du risque offraient également des orientations pour intervenir lorsque des inspections non prévues sont menées à la suite de rapports défavorables ou d’incidentsNote de bas de page 43.

    Les navires à passagers et les vieux navires sont ciblés pour des inspections de conformité plus fréquentes. L’historique d’inspection des navires est également pris en compte pour déterminer les navires ciblés, ce qui explique pourquoi TC insiste sur l’importance de tenir à jour les dossiers des naviresNote de bas de page 44. De plus, des navires peuvent être ciblés en raison d’autres facteurs, comme un accident maritime ou un rapport défavorable de la part d’un membre d’équipage, ou si TC prend connaissance d’un problème particulier à bord d’un navire.

    Les inspections de conformité sont menées en utilisant un processus d’échantillonnage conçu de manière à être suffisamment vaste et approfondi pour confirmer aux inspecteurs de la sécurité maritime (ISM) que le navire possède la certification nécessaire et ne pose aucun risque pour la sécurité, la santé ou l’environnement. Les ISM doivent aussi être convaincus que l’équipage est apte à exploiter le navire de manière sécuritaire.

    Pendant une inspection de conformité, les ISM commencent généralement par vérifier, avec le capitaine, les documents du navire et les certificats des membres d’équipage. Ils visitent ensuite le navire pour en évaluer l’état global, conformément aux directives de travail relatives à une inspection initiale, ce qui implique notamment d’examiner la coque, la structure, les compartiments des machines et l’équipement de sauvetage et de lutte contre les incendies des navires. Les inspections prennent généralement fin lorsque les documents relatifs au navire et la visite du navire ne soulèvent aucune préoccupationNote de bas de page 45.

    Lorsqu’un ISM a de bonnes raisonsNote de bas de page 46 de croire qu’un navire, son équipement ou son équipage s’avère non conforme aux exigences réglementaires, il entreprend une inspection plus poussée des éléments soulevant des préoccupations. Les directives de travail présentent des exemples précis de situations exigeant une inspection poussée : détérioration considérable de la coque ou de la structure, rapport ou plainte d’un capitaine, d’un membre d’équipage ou de toute personne ou organisation légitimement concernée, etc. Elles comprennent également les lignes directrices à suivre en matière d’inspections pousséesNote de bas de page 47. L’ISM peut demander à l’équipage d’un navire qu’il exécute au moins un exercice de sécurité (incendie, embarcation, etc.) ou qu’il mette à l’essai l’équipement de sauvetage ou de lutte contre les incendies de son navire (déploiement d’embarcations de sauvetage, démarrage de la pompe d’incendie d’urgence, etc.).

    Après qu’un ISM a effectué une inspection de conformité, l’ISM remet au capitaine une copie du rapport d’inspection et, s’il y a lieu, une copie de l’avis de défaut. Si des lacunes ont été relevées, l’ISM recourt à son jugement professionnel pour déterminer si d’autres mesures de conformité doivent être prises, selon la nature et la gravité des lacunes. L’ISM consigne les résultats de l’inspection dans le Système de rapports d’inspection des navires (SRIN)Note de bas de page 48 de TC et informe l’OR des résultats de l’inspection par l’intermédiaire de l’agent de liaison du PDIO.

    Si les conditions à bord se révèlent être bien en deçà de la norme, l’ISM peut décider d’interrompre l’inspection jusqu’à ce que le RA du navire ait pris des mesures pour rendre le navire conforme aux exigences réglementaires, ou de détenir le navire. L’ISM peut également instituer des mesures de conformité et d’application de la loi, telles que des sanctions administratives pécuniaires. Dans ce cas, TC coordonne le processus avec l’OR pour s’assurer que toutes les lacunes relevées sont corrigées de façon appropriée.

    1.13.4.1 Inspections de conformité à bord de l’Apollo

    TC avait réalisé des inspections de conformité à bord de l’Apollo pendant que ce dernier était exploité dans la région de l’Atlantique, en 2015 et en 2016. Chacune de ces inspections, lesquelles avaient été menées par une équipe de 2 ISM, à Terre-Neuve-et-Labrador, alors que le navire était géré par le WGOC, visait notamment la passerelle de navigation, les emménagements, la cuisine, le pont-garage, le pont et le gaillard d’avant, les espaces destinés aux passagers, les compartiments des machines et la salle de l’appareil à gouverner. La pompe d’incendie d’urgence, le groupe électrogène de secours et le système de direction d’urgence avaient également été soumis à des essais de contrôle opérationnel. De plus, des exercices d’incendie et d’abandon du navire avaient eu lieu. Au cours des inspections de conformité de 2015 et de 2016, les ISM n’ont relevé aucune lacune.

    Le 29 janvier 2019, le lendemain de l’arrivée de l’Apollo à Matane, 3 ISM sont montés à bord afin de procéder à une inspection de conformité. Deux experts maritimes de BV (expert 1 et expert 2) se sont également rendus à bord du navire pour effectuer une inspection de transfert de propriété dans le but d’émettre au navire ses nouveaux DMC.

    L’équipage a signalé à TC et à BV que les documents de transfert de propriété devant figurer dans le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments de TC n’avaient pas tous encore été produits. En outre, l’équipage a indiqué aux ISM que les systèmes de détection, d’alarme et d’extinction d’incendie présentaient des défaillances (une des soupapes d’isolement du collecteur d’incendie était obstruée, certaines bouches d’incendie ne fonctionnaient pas, diverses conduites fuyaient, la pompe d’incendie principale ne produisait aucune pression, etc.). Les inspections ont été reportées et on a informé l’équipage que le capitaine et le chef mécanicien étaient responsables d’empêcher toute exploitation du navire s’ils jugeaient ce dernier inapte à prendre la mer.

    Le 6 février, 2 nouveaux ISM sont montés à bord pour réaliser l’inspection de conformité. L’expert 1 s’est également rendu à bord pour effectuer une inspection de transfert de propriété. L’inspection de conformité a été effectuée en 2 jours et l’inspection de transfert de propriété a été effectuée en 1 jour. TC a émis un avis de défaut qui comprenait 19 lacunes relevées par TC et BV (tableau 3).

    Tableau 3. Lacunes relevées par Transports Canada et Bureau Veritas (Source : Transports Canada)
    Lacune Code de lacune Remarques des ISM
    Immatriculation – Modifications apportées aux navires C0003 Un des 2 moteurs de propulsion a été remplacé (il y a environ 8 ans) et la puissance totale n’a pas été ajustée sur le certificat d’immatriculation (actuelle : 7330 kW, sur le certificat d’immatriculation : 6660 kW).
    Double-fond (espace mort, citerne, etc.) 02163 Tuyaux de sonde dans les salles des machines auxiliaires des réservoirs WBT 22 et WBT 25; les tuyaux sont corrodés et les valves sont saisies ouvertes.
    Portes 03107 Porte d’accès arrière côté tribord pour pont numéro 5 ne ferme pas étanche. Poignée manquante et ouverture dans la structure de la porte. À être réparée pour l’intégrité d’incendie.
    Dalots, entrées et sorties 03112 Nettoyer les drains du pont des voitures.
    Cloisons d’incendie – Ponts, cloisons et pénétrations 07103 Des câbles de communication ont été passés au travers des cloisons coupe-feu. Les orifices doivent être scellés avec un scellant résistant haute température.
    Ouvertures/portes coupe-feu de cloisons d’incendie 07105 Quatre portes coupe-feu ne ferment pas ou les indicateurs n’indiquent pas que la porte est fermée, à rendre fonctionnel.
    Appareils et équipement de lutte contre les incendies 07110 Hydrant à feu stations numéros 2 et 9 non fonctionnels. Mettre les stations fonctionnelles.
    Registres coupe-feu 07115 Ventilateur de type champignon pont extérieur bâbord, poignée de registre cassée.
    Moyens d’évacuation 07120 Plusieurs sorties d’urgence, les lumières sont brûlées.
    Pompe d’incendie d’urgence 07161 Pompe d’incendie d’urgence a une pression insuffisante.
    Installations fixes d’extinction d’incendie (eau, mousse et vapeur) 07163 Salle de contrôle des gicleurs pour les ponts cargo à nettoyer et vider des équipements encombrants.
    Mises en garde 09217 Toutes les affiches de sécurité sont en anglais uniquement. Tous les affiches, instructions et équipement de sécurité et d’urgence doivent être bilingues (anglais/français).
    Poste d’appareil à gouverner d’urgence – Communication et lecture du compas 10163 Index des numéros de téléphone du navire est manquant à certains endroits (p. ex. appareil à gouverner d’urgence).
    Embarcations de sauvetage 11104 Les moteurs hors-bord des canots de sauvetage sont non opérationnels.
    Dispositifs de mise à l’eau des embarcations de sauvetage 11112 Les instructions pour mettre les radeaux à la mer correspondent avec la grue, mais les instructions ne sont pas à jour avec l’opération des crochets, des radeaux et des canots de sauvetage.
    Dispositifs de mise à l’eau des embarcations de sauvetage 11112 Aucune affiche d’opération de la grue des canots de sauvetage. Ne pas opérer le treuil électrique lorsque la manivelle est engagée.
    Pompes de cale et dispositifs de pompage 13104 Pompe de cale et de ballast (pompe à piston) non fonctionnelle.
    Propreté de la salle des machines principales 13161 Les fonds de la salle des machines devront être nettoyés, beaucoup d’accumulation d’huile.
    Machines de propulsion et machines auxiliaires 13675 Bloquer l’accès de la chambre des chaudières au public.

    L’expert 1 a retenu le certificat canadien de sécurité pour navire à passagers. Les 19 lacunes relevées ont été consignées dans le SRIN, mais aucune d’entre elles n’a été signalée à la gestion de TC comme étant liée à l’OR.

    Le 10 février, l’expert 2 est remonté à bord du navire et, après avoir examiné les travaux effectués par la STQ en réponse aux lacunes relevées, il a délivré un certificat canadien de sécurité pour navire à passagers à l’ApolloNote de bas de page 49. Le certificat a été signé par l’expert 2 au nom de l’expert 1.

    1.13.5 Formation relative au Programme de délégation des inspections obligatoires

    TC offre de la formation sur le PDIO aux ISM et aux experts maritimes des OR. La formation destinée aux experts maritimes des OR est offerte depuis 2015 et aborde ce qui suit :

    • un aperçu de la structure organisationnelle de TC, de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et du régime réglementaire du Canada, qui met l’accent sur certains règlements;
    • une explication de l’entente entre le ministre des Transports et les OR dans le cadre du PDIO;
    • un aperçu du PDIO et des directives de travail connexes;
    • une explication de la surveillance de TC des navires délégués et des OR;
    • une description du processus de certification des navires classés et non classés;
    • des aperçus des instructions relatives au système de gestion de la sécurité (SGS) et des vérifications de conformité liées au Code international de gestion de la sécurité (Code ISM);
    • une explication du rôle du Bureau d’examen technique en matière maritime (BETMM);
    • un aperçu des avis Flagstatenet et des bulletins de la sécurité des naviresNote de bas de page 50;
    • une description du régime réglementaire de TC en ce qui a trait à l’Arctique et au Recueil international de règles applicables aux navires exploités dans les eaux polaires.

    L’expert 1 avait suivi cette formation avant l’événement; ce n’était pas le cas pour l’expert 2.

    TC a commencé à offrir une formation en bonne et due forme sur le PDIO à l’intention des ISM en janvier 2019. Une fois que les ISM ont terminé la formation, leurs gestionnaires sont chargés de s’assurer qu’ils ont les compétences requises pour exécuter leurs diverses tâches, ce qui peut se faire notamment au moyen de formations en milieu de travail adaptées aux différents ISM. Pour les inspections menées sur des navires délégués, TC fournit aux ISM des directives de travail qui précisent les éléments à vérifierNote de bas de page 51. La direction de TC compte grandement sur l’expérience maritime des ISM pour que les inspections soient réalisées conformément aux directives de travail.

    Avant janvier 2019, la formation sur le PDIO destinée aux ISM était donnée en milieu de travail plutôt que dans le cadre d’une formation officielle. Aucun des ISM qui ont participé aux inspections de l’Apollo n’avait suivi la formation officielle sur le PDIO.

    1.14 Personnes et organismes autorisés à mener des inspections

    La Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada précise qui sont les personnes et les organismes autorisés qui ont le pouvoir d’effectuer des inspections. Elle stipule que les ISM et les OR peuvent monter à bord d’un navire à toute heure convenable pour procéder à une inspection afin d’en vérifier la conformitéNote de bas de page 52.

    1.14.1 Experts maritimes de Bureau Veritas

    BV compte 4 bureaux au Canada, situés à Halifax (Nouvelle-Écosse), à Québec (Québec), à Montréal (Québec) et à Vancouver (Colombie-Britannique). Au Canada, 2 de ses experts maritimes sont qualifiés pour inspecter les navires à passagers. La décision quant à savoir quel expert sera choisi pour effectuer une inspection est prise au cas par cas, selon les qualifications et la disponibilité des experts.

    L’expert 1 était formé en architecture navale et, avant de se joindre à BV au Canada, il avait travaillé à l’étranger. Il avait acquis 24 années d’expérience en tant qu’architecte naval, puis, plus tard, comme expert maritime pour diverses sociétés de classification. Il avait commencé à travailler à BV au Canada à titre d’expert maritime principal en octobre 2014 et était l’un des 2 experts maritimes de BV au Canada qui étaient qualifiés pour inspecter des navires à passagers. Depuis 2014, l’expert 1 avait mené 17 des 22 inspections de l’Apollo, tant celles requises à des fins de classification que celles réalisées dans le cadre du PDIO.

    L’expert 2 avait 6 années d’expérience de travail au sein d’un groupe de consultants maritimes, d’une société de classification et d’une entreprise privée. Il s’était joint à BV en septembre 2018, et était encadré par l’expert 1.La première fois que l’expert 2 est monté à bord de l’Apollo était au moment de l’arrivée du navire à Matane.

    1.14.2 Inspecteurs de la sécurité maritime de Transports Canada

    Le premier des 2 ISM qui ont participé à l’inspection de conformité de l’Apollo en 2019 était formé en architecture navale et comptait 10 ans d’expérience en tant qu’architecte naval au sein de divers chantiers navals avant de se joindre à TC, en 2000. Le deuxième ISM avait travaillé dans le domaine de la mécanique de marine et possédait 25 ans d’expérience en mer avant de se joindre à TC, en 2015.

    Les inspections de conformité de 2015 et de 2016 de l’Apollo ont été réalisées par une autre équipe de 2 ISM. L’ISM principal avait 30 ans d’expérience à TC en 2019, et l’autre comptait 18,5 ans d’expérience en 2019.

    1.15 Examen interne par Transports Canada

    Au cours de l’exercice 2012-2013, TC a effectué un examen interne de ses politiques, pratiques et processus de gestion relatifs aux inspecteurs et à leurs gestionnaires des modes de transport aérien, terrestre et maritimeNote de bas de page 53. L’examen découlait d’un certain nombre de vérifications et d’examens internes et externes qui révélaient des lacunes et des faiblesses dans les processus et les outils utilisés par les inspecteurs et leurs gestionnaires, notamment des faiblesses dans les pratiques de surveillance réglementaire (p. ex. des inspections pas menées conformément aux méthodes établies), des faiblesses dans la surveillance exercée par les gestionnaires et l’absence de programmes d’assurance de la qualité fonctionnels.

    1.16 Campagnes d’inspections concentrées

    TC mène des campagnes d’inspections concentrées (CIC) qui visent à vérifier certains éléments de sécurité spécifiques sur des navires sélectionnés. Les CIC sont axées sur des éléments pour lesquels les ISM ou les experts maritimes ont relevé un nombre élevé de lacunes, ou de nouvelles exigences issues de règlements ou de conventions s’appliquent depuis peu. Les CIC sont normalement effectuées tous les 2 ans et peuvent être réalisées parallèlement à des inspections de conformité.

    L’Apollo avait été visé par des inspections CIC en 2015 et en 2018. L’inspection de CIC de 2015 avait été réalisée durant l’inspection de conformité du navire, mais pas celle de 2018Note de bas de page 54. La CIC de 2015 était axée sur les exercices d’incendie et d’embarcation ainsi qu’à l’équipement de sauvetage, et celle de 2018, sur les procédures de sécurité et d’entretien des navires.

    Selon la liste de vérification de la CIC de 2018, les ISM devaient notamment contrôler les éléments suivants :

    • entretien adéquat de tout l’équipement de sauvetage et de lutte contre les incendies (au moyen d’une visite du navire);
    • conformité du navire au plan de lutte contre les incendies (marquage et mise en place adéquats de l’équipement de détection et d’extinction d’incendie);
    • emplacement de l’équipement de sauvetage conformément au plan relatif à l’équipement de sauvetage.

    Les directives fournies aux ISM chargés de la CIC de 2018 comprenaient une section sur la conformité à la loi et l’application de celle-ci dans laquelle on leur rappelait les pouvoirs qu’ils détiennent en vertu de l’article 222 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada en matière de détention de navires. Les directives présentaient aussi des exemples de lacunes jugées suffisamment graves pour justifier une détention, dont les suivantes :

    • équipement de sauvetage et de lutte contre les incendies désuet ou défectueux;
    • embarcations de sauvetage non opérationnelles;
    • lacunes influant considérablement sur la navigabilité;
    • nombre excessif de passagers à bord;
    • certificats échus ou invalides (en dehors de la classification de voyage approuvée);
    • dispositifs d’élimination d’eau des ponts inadéquats ou qui ne fonctionnent pas;
    • dispositifs de fermeture (écoutilles, portes étanches à l’eau, etc.) manquants, défectueux ou considérablement détériorés.

    Au cours de l’inspection de CIC de l’Apollo réalisée le 10 octobre 2018, les ISM ont relevé 3 lacunes mineures : 2 feux de bouée de sauvetage qui ne fonctionnaient pas, des panneaux d’identification manquants et un dispositif de largage hydrostatique mal fixé à son radeau de sauvetage gonflable. L’ensemble des résultats d’inspection figure à l’annexe F.

    Les lacunes n’ont pas été consignées dans le SRIN, qui est utilisé pour consigner les résultats des inspections. Les procédures relatives aux CIC ne donnaient pas la directive aux ISM d’enregistrer les données des inspections de CIC dans le SRIN, même si les lacunes constatées lors des CIC font partie de l’historique d’inspection des navires et pourraient devoir faire l’objet d’un suivi lors d’une inspection de conformité subséquenteNote de bas de page 55.

    1.17 Détention d’un navire

    Selon la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, il existe 2 types de détention de navires : la détention facultative et la détention obligatoire. Une détention facultative peut être imposée si l’ISM « a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu contravention, par un bâtiment ou à son égard, à une disposition visée ou qu’un bâtiment n’est pas en état de navigabilité […]Note de bas de page 56 ». L’ISM est tenu d’ordonner la détention obligatoire

    si la contravention porte sur l’article 110 (nombre de passagers supérieur à la limite permise) ou s’il a, de plus, des motifs raisonnables de croire que le bâtiment n’est pas sûr ou apte au transport de passagers ou de membres d’équipage ou que les machines ou l’équipement sont défectueux au point d’exposer à un danger grave les personnes à bordNote de bas de page 57.

    TC s’en remet au jugement professionnel des ISM pour ce qui est de déterminer les motifs raisonnables de détention. On tient compte de plusieurs facteurs lorsqu’on décide de détenir un navire, notamment la gravité des lacunes relevées ainsi que le risque immédiat pour la sécurité posé par ces lacunes. Dans certains cas, une seule lacune peut mener à la détention d’un navire. Lorsqu’une détention facultative ou obligatoire est imposée, le navire doit demeurer à quai jusqu’à l’annulation de l’ordre de détention. Une détention ne peut être ordonnée que par TC, et les ISM de TC doivent monter à bord du navire et examiner les mesures correctives prises avant d’annuler l’ordre.

    1.18 Navigabilité du navire

    On considère qu’un navire est apte à prendre la mer lorsqu’il s’avère en assez bon état pour jouer son rôle prévu de manière sûre, en tenant compte d’un éventail de facteurs, y compris son intégrité structurale, sa stabilité, son étanchéité à l’eau, l’état de ses systèmes et équipements courants et d’urgence, ainsi que l’état de la documentation de bord. Un certificat d’inspection valide témoigne qu’un navire est conforme à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et à ses règlements, confirmant ainsi la navigabilité du navire au moment de la délivrance du certificat.

    Des enquêteurs du BST sont montés à bord de l’Apollo 1 journée après l’événement et ont recueilli des données qui ont fourni de l’information sur la navigabilité du navire. Les problèmes ci-après ont été relevés.

    • Au niveau du pont-garage, un dalot était perforé par la corrosion, créant une brèche de 15 cm de large qui exposait le pont aux intempéries. Le dalot touché se trouvait à environ 4 m sous le point d’envahissement du navire (figure 6).
    Figure 6. Dalot percé par la rouille jusqu’au pont-garage (Source : BST)
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    Dalot percé par la rouille jusqu’au pont-garage (Source : BST)
    • Les vannes d’aspiration et de refoulement des pompes d’incendie principales et d’urgence étaient maintenues fermées pour éviter l’infiltration d’eau de mer dans différents compartiments par le collecteur d’incendie, lequel était perforé par la corrosion à divers endroits dans le navire. Un avis indiquant que les 6 vannes devaient être maintenues fermées était affiché dans la salle de commande des machines (figure 7). Les pompes d’incendie principales pouvaient être démarrées à distance à partir du pont-garage, mais l’activation et l’exploitation des pompes par télécommande nécessitaient que les vannes soient ouvertes.
    Figure 7. Photographie de l’avis affiché dans la salle de commande des machines, sur lequel « A.E » renvoie à la salle des machines auxiliaires et « M.E », à la salle des machines principales (Source : BST)
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    Photographie de l’avis affiché dans la salle de commande des machines, sur lequel « A.E » renvoie à la salle des machines auxiliaires et « M.E », à la salle des machines principales (Source : BST)
    • L’interrupteur de démarrage automatique du groupe électrogène de secours était maintenu à la position « OFF » (désactivé) et une note écrite à la main sur du ruban-cache, à côté de l’interrupteur, présentait la mention suivante : « METTRE ON SEULEMENT SI AUCUNE DES GEN’S NE PARTENT EN CAS DE BLACK OUT » (activer seulement si aucun des groupes électrogènes ne démarre en cas de panne) (figure 8).
    Figure 8. Interrupteur du groupe électrogène de secours (Source : BST)
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    Interrupteur du groupe électrogène de secours (Source : BST)
    • Le moteur principal tribord était strié par des résidus huileux et un certain nombre de composants électriques étaient recouverts de sacs en plastique destinés à les protéger contre des fuites d’huile et d’eau. Sur l’un des côtés du moteur, on avait fixé un récipient de plastique doté d’un tuyau afin de rediriger les fuites d’huile vers les fonds (figure 9).
    Figure 9. Moteur principal tribord (Source : BST)
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    Moteur principal tribord (Source : BST)
    • Dans la salle des machines et les compartiments étanches adjacents, des conduites d’eau de mer sous pression avaient été réparées au moyen de conduits en caoutchouc (figure 10).
    Figure 10. Conduite d’eau de mer réparée au moyen d’un conduit en caoutchouc (Source : BST)
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    Conduite d’eau de mer réparée au moyen d’un conduit en caoutchouc (Source : BST)

    Les données recueillies pendant la visite du BST à bord du navire ont également permis de relever d’autres problèmes touchant l’étanchéité à l’eau, les systèmes de détection, d’alarme et d’extinction d’incendie, les machines principales et auxiliaires, les composants électriques et l’équipement de pont et de navigation du navire (annexe G).

    1.19 Lignes de charge et conditions d’assignation de celles-ci

    On octroie un certificat international de franc-bordNote de bas de page 58 pour établir le franc-bord minimal d’un navire et confirmer que les lignes de charge pertinentes ont été marquées sur la coque, et que le navire est conforme à la Convention internationale de 1966 sur les lignes de charge. L’assignation du franc-bord minimal d’un navire repose sur l’hypothèse que ce dernier est complètement fermé, de même qu’étanche à l’eau et aux intempéries. Les conditions d’assignation des lignes de charge renvoient aux moyens employés pour protéger l’enveloppe d’un navire et en fermer les ouvertures (écoutilles, ouvertures dans le compartiment des machines et le pont de superstructure, manches à air, portes de chargement, conduites d’air, dalots, hublots, prises et décharges). Ces conditions d’assignation doivent être entretenues conformément à la Convention internationale de 1966 sur les lignes de charge pour que le franc-bord minimal et les lignes de charge du navire restent validesNote de bas de page 59. Le RA d’un navire qui détient un certificat international de franc-bord doit s’assurer que le navire est entretenu conformément aux exigences de la convention en tout temps.

    Les certificats internationaux de ligne de charge sont valides pour une durée de 5 ans et doivent être approuvés annuellement. Après la délivrance d’un certificat à un navire délégué, l’OR doit réaliser des inspections annuelles dans les 3 mois avant ou après la date d’octroi du document afin de confirmer que la coque et la superstructure du navire n’ont subi aucune modification qui influe sur l’emplacement des lignes de charge. Pendant ces inspections annuelles, l’OR doit également vérifier que les conditions d’assignation des lignes de charge sont toujours respectées et que les garde-corps, les sabords de décharge et les moyens d’accès aux quartiers de l’équipage sont en bon état. Les conditions d’assignation sont consignées dans un document dans lequel sont décrits chaque élément visé et son emplacement. Dans le cas de certains navires, ce document est assorti de dessins montrant l’emplacement de chaque élément sur les ponts concernés. Le document doit demeurer à bord du navire et être mis à la disposition de l’OR ou de TC pendant l’approbation ou le renouvellement du certificat du navire. Le document de l’Apollo était disponible à bord, mais il renvoyait à un dessin qui s’avérait introuvable et dont BV et TC ne détenaient aucun exemplaire dans leurs dossiers.

    Lors de l’événement, l’Apollo détenait un certificat international de ligne de charge valide. Le certificat avait d’abord été délivré par BV au moment de la construction du navire, et BV l’avait renouvelé et approuvé depuis. La dernière inspection annuelle avait été effectuée le 6 avril 2018. Le certificat devait être renouvelé le 22 mars 2019.

    1.20 Bureau d’examen technique en matière maritime

    Le BETMM a été créé dans le cadre de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et autorise TC à examiner les demandes d’exemptions des exigences réglementaires présentées par des RA canadiens pour certains navires (p. ex. pour remplacer certaines exigences de sécurité par des exigences équivalentes ou obtenir une exemption d’une exigence qui n’est pas liée à la sécurité)Note de bas de page 60. Les exemptions réglementaires et les remplacements doivent être accordés en tenant compte de l’intérêt public et ne doivent pas compromettre la sécurité ni mettre en danger l’environnement. Les remplacements doivent donner lieu à un niveau de sécurité équivalent ou supérieur à l’exigence originale. Pour les navires inscrits au PDIO, l’OR présente habituellement une demande au BETMM au nom du RA du navire. Les responsabilités du BETMM n’ont pas été déléguées aux OR dans le cadre du PDIO.

    Lorsqu’une demande est présentée, le BETMM convoque un groupe d’experts qui comprend habituellement le directeur et le gestionnaire de TC responsables de la réglementation à laquelle se rapporte la demande, ainsi que le directeur de la région dans laquelle le navire est exploité. Les décisions sont prises en fonction des renseignements fournis dans la demande. Lors du processus décisionnel, le groupe d’experts du BETMM doit être convaincu que le remplacement proposé ne pose aucun risque supplémentaire pour la sécurité ou l’environnement. Une décision du BETMM a le même pouvoir juridique que l’exigence réglementaire qu’elle remplace.

    Au début de janvier 2019, le WGOC a présenté une demande au BETMM en vue de repousser de 5 mois la date de mise en cale sèche quinquennale obligatoire de l’ApolloNote de bas de page 61. Le report de la date de mise en cale sèche était l’une des conditions de la STQ pour l’achat de l’Apollo. BV était chargé de présenter la demande au nom du WGOC et de fournir au BETMM les renseignements d’inspection relatifs à l’état du navire.

    Le BETMM a autorisé le report de 5 mois, soit jusqu’au 29 juin 2019, de la date de mise en cale sèche du navire et a exigé la réalisation d’une inspection sous-marine avant le 30 janvier 2019. Les inspections en cale sèche sont différentes des inspections sous-marines : les inspections en cale sèche sont menées par un ISM ou un expert maritime de l’OR lorsque le navire n’est plus à l’eau afin de permettre un examen plus approfondi de la coque et des appendices sous la ligne de flottaison. Les inspections en cale sèche permettent la réalisation de certaines réparations impossibles à exécuter alors que le navire est à flot, comme la remise à neuf des soupapes d’isolement sur la muraille et le placage inférieur du navire (comme celles utilisées pour les pompes d'incendie, les caissons de prise d'eau, etc.). Les inspections sous-marines sont effectuées par un plongeur qui, avec une caméra vidéo, fournit des images de la carène du navire à un ISM ou à un expert maritime de l’OR afin de lui donner un aperçu général du bordé et des appendices, mais elles ne permettent pas d’effectuer des réparations aux soupapes d’isolement situées sous la ligne de flottaison. Les inspections sous-marines n’offrent pas les mêmes possibilités que les inspections en cale sèche lorsqu’on veut mener un examen approfondi de la coque d’un navire, et plusieurs facteurs peuvent avoir une incidence sur la netteté des images produites (p. ex., des sédiments suspendus dans l’eau et une faible luminosité).

    Avant l’événement, la dernière inspection en cale sèche de l’Apollo remontait au 30 janvier 2016. Le 23 janvier 2019, le navire a fait l’objet d’une inspection sous-marine et d’un examen interne du bordé et des membrures au droit de la zone de bordé renforcé, de même que d’un examen interne du coqueron avant et des compartiments du propulseur d’étrave, des machines et de l’appareil à gouverner.

    1.21 Système de gestion de la sécurité

    Le Code international de gestion de la sécurité (Code ISM) vise principalement à ce que les navires soient exploités de manière sûre afin de prévenir des blessures, des décès et des dommages matériels et environnementauxNote de bas de page 62. Selon le chapitre IX de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer de 1974 (Convention SOLAS), certains exploitants de navire doivent respecter le Code ISM et élaborer un SGS. Au Canada, ces exploitants comprennent ceux des navires suivants :

    • navires à passagers, y compris les engins à passagers à grande vitesse, qui effectuent des voyages internationaux;
    • pétroliers, chimiquiers, transporteurs de gaz, vraquiers et engins à cargaison à grande vitesse d’une jauge brute d’au moins 500 effectuant des voyages internationaux;
    • autres navires de charge et unités mobiles de forage extracôtier d’une jauge brute d’au moins 500 effectuant des voyages internationaux.

    Un SGS fait appel à des personnes de tous les niveaux d’une organisation et favorise une approche logique par rapport à la détermination des dangers et à l’évaluation et l’atténuation des risques. Un SGS comprend des procédures, des plans, des instructions et des listes de vérification élaborés par le propriétaire ou le RA d’un navire, conjointement avec les capitaines et l’équipage. Les exploitants auxquels le Code ISM ne s’applique pas peuvent décider d’adopter volontairement un SGS. L’Apollo n’était pas requis d’avoir un SGS, mais la STQ était volontairement en train de mettre en œuvre un SGS pour le navire au moment de l’événement.

    Les exploitants de navires qui sont dans l’obligation de disposer d’un SGS doivent se soumettre à une vérification effectuée par une tierce partie (un OR ou une société de classification) afin de s’assurer que leur SGS satisfait aux exigences du Code ISM et que l’entreprise et le navire mènent leurs activités conformément au SGS. L’entreprise et le navire doivent tous deux obtenir les certificats nécessaires qui attestent de leur conformité (l’entreprise reçoit une attestation de conformité [AC] et le navire se voit délivrer un certificat de gestion de la sécurité [CGS]).

    Les entreprises qui mettent en œuvre un SGS à titre volontaire peuvent choisir de soumettre leur système à une vérification par une tierce partie. La norme établie par le Code ISM qui doit être respectée pendant les vérifications est la même pour les compagnies et les navires à qui on exige d’avoir un SGS ainsi que pour ceux qui en adoptent un volontairement. Après avoir vérifié que le SGS volontaire répond aux exigences du Code ISM et que l’entreprise et le navire mènent leurs activités conformément au SGS, la tierce partie délivrera une AC à l’entreprise et un CGS au navire. Au moment de l’événement, la STQ avait reçu une attestation de conformité pour l’exploitation sécuritaire d’un « autre navire de charge » et était en train d’obtenir un CGS pour l’Apollo.

    Lors d’une vérification effectuée en vue de délivrer une AC ou un CGS, la tierce partie peut noter des non-conformités majeures, des non-conformités ou des observations. Les non-conformités majeures sont des écarts qui représentent un danger important pour la sécurité du personnel, du navire ou de l’environnement et qui nécessitent la prise de mesures correctives immédiates. Les non-conformités sont des situations dans lesquelles des éléments de preuve objectifs indiquent le non-respect d’une exigence particulière conformément à la réglementation applicable. Les observations sont des exposés de faits étayés par des éléments de preuve objectifs.

    Lorsqu’un avis de non-conformité est délivré, l’entreprise dispose d’un délai de 3 mois pour corriger la situation. Les non-conformités qui ne sont pas éliminées après cette période peuvent donner lieu à des non-conformités majeures. Il n’y a aucune période précise pour régler les points soulevés dans les observations, mais ces dernières peuvent donner lieu à des non-conformités si aucune mesure n’est prise pour corriger la situation pendant un certain temps. Pour les exploitants de navires qui doivent avoir un SGS, lorsqu’une non-conformité majeure est émise, le navire n’est plus autorisé pour la navigation et doit être soumis à une autre vérification avant de pouvoir reprendre ses activités. Cette exigence ne s’applique pas aux exploitants de navires qui ne sont pas tenus d’avoir un SGS, car leur SGS est volontaire.

    Lorsqu’une entreprise détenant une AC ajoute un nouveau navire à sa flotte, elle peut demander un certificat provisoire de gestion de la sécurité pour le navire en question. Il s’agit d’un certificat temporaire qui accorde un délai de 6 mois pour mettre en œuvre un SGS à bord du navire et pour qu’une vérification interne dudit SGS soit réalisée. Pour être admissible à un certificat provisoire de gestion de la sécurité, le navire doit détenir un certificat d’inspection et tous les autres DMC requis. On avait émis un certificat provisoire de gestion de la sécurité à l’Apolloen tant que « navire à passagers ». Le type de navire inscrit sur le certificat provisoire de gestion de la sécurité et sur l’AC doit être le même, mais ce n’était pas le cas pour les certificats émis à l’Apollo.

    Lors d’une vérification menée en vue de délivrer un certificat provisoire de gestion de la sécurité, la tierce partie évalue la conformité du navire aux règles et aux règlements d’application obligatoireNote de bas de page 63, effectue une visite du navire, rencontre les membres d’équipage et s’assure que :

    • l’entreprise possède une AC valide et que le type de navire indiqué sur le certificat provisoire de gestion de la sécurité est le même que celui indiqué sur l’AC;
    • le SGS de l’entreprise tient compte des principaux éléments du Code ISMNote de bas de page 64 et qu’il a été évalué par une tierce partie;
    • l’entreprise a prévu une vérification interne du SGS;
    • le capitaine et les officiers sont familiers avec le SGS et sa mise en œuvre à bord;
    • les instructions de bord essentielles sont fournies avant de naviguer afin de permettre au nouvel équipage de se familiariser avec l’équipement de bord et les opérations propres au navire;
    • les renseignements pertinents sont fournis dans la langue de travail de l’équipageNote de bas de page 65.

    Une fois la vérification terminée, la tierce partie détermine si le navire respecte le Code ISM. Si le navire ne satisfait pas aux exigences (c.-à-d. si des non-conformités ou des non-conformités majeures ont été relevées dans le cadre de la vérification), aucun certificat provisoire de gestion de la sécurité ne doit être délivré. La tierce partie peut délivrer un certificat provisoire de gestion de la sécurité lorsque des observations ont été notées.

    À l’heure actuelle, les navires à passagers ne ressortissant pas à la Convention SOLAS qui sont exploités dans le cadre de voyages intérieurs ne sont pas tenus de disposer d’un SGS, bien que TC encourage les compagnies exploitant ces navires à se doter d’un SGS. TC n’assume aucune responsabilité à l’égard de la surveillance des SGS volontaires. Par conséquent, toute surveillance externe d’un SGS volontaire est de la propre initiative de l’entreprise par l’intermédiaire d’une entente contractuelle conclue avec une tierce partieNote de bas de page 66.

    Le WGOC possédait un SGS pour une autre de ses entreprises de transport maritime qui exploite des pétroliers. Certains éléments du SGS étaient applicables à Labrador Marine Inc., mais ne concernaient pas spécifiquement l’Apollo. Aucun CGS n’avait été délivré à l’Apollo lorsqu’il était exploité par le WGOC.

    1.21.1 Évaluation des risques dans le cadre du Code international de gestion de la sécurité

    Un des objectifs du Code ISM est le suivant : « [l]es objectifs de la compagnie en matière de gestion de la sécurité devraient notamment être les suivants : […] évaluer tous les risques identifiés pour ses navires, son personnel et l’environnement et établir des mesures de sécurité appropriées […]Note de bas de page 67. » L’Association internationale de sociétés de classification a élaboré un document d’orientation pour aider à interpréter le Code ISM, lequel énonce ce qui suit [traduction] :

    Bien que l’on ne les définisse pas souvent ainsi, l’élaboration et la mise en œuvre d’un SGS documenté constituent un exercice de gestion des risques. La rédaction ou la modification de procédures écrites nécessite d’examiner les activités et les opérations de l’entreprise, de déterminer ce qui pourrait mal tourner et de décider ce qu’il faut faire pour tenter d’éviter la situation. Les procédures documentées sont les moyens par lesquels les contrôles sont appliquésNote de bas de page 68.

    Les résultats d’une évaluation des risques doivent être consignés par écrit, de manière à démontrer que le processus décisionnel a été appliqué. Les risques doivent être réduits à un niveau le plus faible raisonnablement réalisable. Ce niveau est atteint lorsque toutes les mesures raisonnables d’atténuation des risques cernés ont été mises en œuvre. Les instructions de bord essentielles, qui couvrent les urgences, les inspections et l’entretien, constituent la preuve que des processus de détermination des dangers et d’évaluation des risques ont été menés et que des mesures d’atténuation sont en place. Les évaluations des risques doivent être mises à jour au besoin, et les activités nouvelles ou peu fréquentes doivent précisément faire l’objet d’une évaluation des risquesNote de bas de page 69.

    1.21.2 Système de gestion de la sécurité de la Société des traversiers du Québec

    La STQ avait comme politique de gérer chacun de ses navires par l’intermédiaire d’un SGS et avait volontairement mis en œuvre un SGS à bord de ses navires, et ce, depuis 1999. La STQ avait fait appel à Lloyd’s RegisterNote de bas de page 70 pour agir en tant que tierce partie pour la certification accordée en vertu du Code ISM. Lloyd’s Register avait délivré une AC à la STQ le 14 octobre 2016, et tous les navires de la STQ ont par la suite reçu un CGS valide.

    Le SGS de la STQ comprenait un manuel de gestion de la sécurité de l’entreprise et des manuels d’instructions de bord propres à chaque navire. Le manuel de gestion de la sécurité de l’entreprise a été publié en décembre 2014 et énonçait les instructions de bord minimales requises.

    1.21.2.1 Procédure d’évaluation des risques

    Le manuel de gestion de la sécurité de l’entreprise indiquait que le comité du SGS approprié devait procéder à une évaluation des risques pour chaque navireNote de bas de page 71. Le manuel comprenait une procédure d’évaluation des risques, qui définissait les responsabilités du personnel concerné, ainsi que le processus relatif à la détermination, à l’évaluation, à la gestion et au contrôle des risques. L’évaluation des risques devait être examinée au moins une fois par année, ou au besoin en cas de modification apportée aux opérations, à la technologie ou à l’équipement.

    Le manuel de gestion de la sécurité de l’entreprise ne comportait aucune procédure concernant les navires nouvellement acquis. Aucune évaluation des risques n’a été réalisée avant la mise en service de l’Apollo, ni après un événement mettant en cause l’Apollo survenu le 25 février 2019Note de bas de page 72, lorsque des problèmes avec les voyants d’état du propulseur d’étrave sur les consoles d’aileron de passerelle ont été relevés.

    1.21.2.2 Gestion des risques pour les navires nouvellement acquis

    L’application de processus de gestion des risques peut aider les propriétaires à déterminer et à gérer les risques liés à l’acquisition d’un nouveau navire et à sa mise en service. Notamment, lorsqu’un navire n’est pas nouvellement construit, une évaluation des risques peut aider les propriétaires à évaluer l’état du navire et à établir un ordre de priorité des mesures à prendre pour assurer la sécurité de son exploitation. Une bonne pratique de gestion des risques lors de l’achat d’un navire consiste à effectuer une inspection préalable à l’achat, qui peut fournir au nouveau propriétaire un rapport détaillé sur l’état du navire et permettre de cerner les réparations nécessaires. L’imposition de conditions de vente, comme le transfert des dossiers d’entretien, peut également aider le nouveau propriétaire à obtenir des renseignements importants sur l’état opérationnel du navire. Enfin, les nouveaux propriétaires peuvent aussi gérer les risques en procédant à une évaluation complète des divers facteurs qui entrent en jeu dans l’exploitation du navire nouvellement acquis (p. ex. l’équipage, la préparation aux situations d’urgence, la formation et la familiarisation, et l’entretien de l’équipement) afin de limiter le plus possible les dangers.

    Au cours des années précédentes, la STQ avait mis en service des navires nouvellement acquis, mais il s’agissait de navires neufs construits spécialement pour la STQ. La STQ avait mené des évaluations des risques avant de mettre en service ces navires nouvellement acquis.

    Lorsque la STQ cherchait à acquérir un navire pour la route Matane–Baie-Comeau–Godbout, l’Apollo était le seul navire disponible qui répondait à certains des critères de la STQ. Le processus d’acquisition s’est fait rapidement afin de rétablir le service de traversier le plus rapidement possible. La STQ n’a effectué aucune inspection du navire préalable à la vente avant qu’elle n’accepte de l’acheter et n’a pas mené d’évaluation des risques avant de mettre l’Apollo en service.

    1.21.2.3 Procédure en cas de conditions météorologiques défavorables

    Le manuel de gestion de la sécurité de l’entreprise comprenait des instructions pour une navigation sécuritaire dans des conditions de mer difficiles entre Matane, Baie-Comeau et Godbout. Les instructions concernaient spécifiquement l’ancien traversier roulier Camille-Marcoux et le traversier roulier Félix-Antoine-Savard, utilisé occasionnellement en remplacement. Il n’existait pas d’instructions propres à l’Apollo. Les caractéristiques du Camille-Marcoux et du Félix-Antoine-Savard étaient différentes de celles de l’Apollo.

    Les instructions pour le Camille-Marcoux et le Félix-Antoine-Savard comprenaient des directives sur la vérification des prévisions météorologiques, la visibilité réduite, etc. Pour le Camille-Marcoux, les instructions fournissaient un tableau indiquant les vitesses maximales du vent au-delà desquelles il ne fallait pas tenter d’accoster dans l’un des 3 ports (tableau 4).

    Tableau 4. Directives relatives à la vitesse du vent pour le Camille-Marcoux (Source : Manuel de gestion de la sécurité de la Société des traversiers du Québec)
    Port Nombre de moteurs Secteur de vent Force du vent Remarques
    Matane 3 De N à E >F8 (de 34 à 40 nœuds) Vent persistant
    Matane 4 De N à E >F9 (de 41 à 47 nœuds) Vent persistant
    Godbout 3 De E à SSW >F7 (de 27 à 33 nœuds) Vent persistant
    Godbout 4 De E à SSW >F8 (de 34 à 40 nœuds) Vent persistant
    Baie-Comeau 3 De S à SW >F8 (de 34 à 40 nœuds) Vent persistant
    Baie-Comeau 4 De S à SW >F9 (de 41 à 47 nœuds) Vent persistant

    Pour le Félix-Antoine-Savard, les instructions précisaient que le navire ne devait pas naviguer si les vagues étaient de plus de 2,5 m ou si la vitesse moyenne du vent était de 37 nœuds ou plus. Enfin, les instructions comprenaient une remarque que la décision finale de prendre la mer ou non revenait au capitaine.

    Les capitaines de la STQ qui naviguaient sur l’Apollo avaient discuté entre eux des possibles seuils de vitesse du vent pour la navigation, mais, contrairement à ce qui avait été fait pour les autres navires de la flotte de la STQ, aucun seuil de vent officiel n’avait été établi pour l’Apollo.

    1.21.2.4 Vérification annuelle du système de gestion de la sécurité de l’entreprise

    Depuis la délivrance de l’AC à la STQ en 2016, le SGS de la STQ a fait l’objet de vérifications annuelles effectuées par Lloyd’s Register en 2016, en 2017 et en 2018. Le rapport de vérification de 2016 comprenait 5 observations au total, dont 1 soulignant que les rapports sur les pannes et les lacunes survenues sur les navires devaient être officialisés et faire l’objet d’une surveillance constante. Le rapport de vérification de 2017 comprenait 9 observations, dont 1 signalant que le manuel de gestion de la sécurité de l’entreprise devait être mis à jour pour tenir compte des récents changements apportés au SGS et à la flotte. Le rapport de vérification de 2018 comprenait 7 observations, dont la même observation, indiquant à nouveau que le manuel de gestion de la sécurité de l’entreprise devait être mis à jour pour tenir compte des récents changements apportés au SGS et à la flotte. L’observation concernant le manuel de gestion de la sécurité de l’entreprise n’a pas donné lieu à une non-conformité la 2e année où elle a été formulée, et la STQ n’a pas pris de mesures pour corriger la situation.

    1.21.2.5 Mise en œuvre d’un système de gestion de la sécurité à bord de l’Apollo

    Afin de mettre en place un SGS à bord de l’Apollo, la personne désignée à terre de la STQ a établi une liste de tâches à accomplir, dont les suivantes :

    • obtenir les certificats requis pour le navire;
    • mettre à jour les plans en vue de leur approbation par l’OR;
    • renouveler divers contrats (p. ex. pour l’intervention environnementale);
    • élaborer des instructions de bord;
    • créer le système informatisé de gestion de l’entretien (SIGE) du navireNote de bas de page 73;
    • traduire le livret de stabilité en français;
    • fournir toute la documentation de bord;
    • afficher la signalisation requise, conformément à la réglementation.

    La STQ a utilisé un outil de gestion de projet pour planifier certains aspects de la mise en service de l’Apollo, dont les modifications des rampes de Matane, Baie-Comeau et Godbout, et les essais effectués avec les rampes modifiées.

    La STQ utilisait un SIGE pour ses navires et prévoyait en mettre un en œuvre sur l’Apollo, mais ne l’avait pas encore fait au moment de l’événement. Pour ce qui est de l’entretien du navire, la gestion de la STQ et l’équipage privilégiaient les mesures correctives par rapport aux mesures préventives. L’équipage utilisait le journal de la salle des machines, des tableurs et des fichiers électroniques pour faire le suivi des réparations. À bord de l’Apollo, il n’y avait aucun dossier d’entretien continu ni d’anciennes instructions de bord du WGOC concernant l’exploitation sécuritaire du navire lorsque la STQ a acquis ce dernier. Il n’y avait pas non plus de pièces de rechange pour l’équipement essentiel à bord à ce moment-là.

    Ni le Code ISM ni les règlements de TC n’exigent que des dossiers d’entretien continu soient fournis aux nouveaux propriétaires lors de la vente d’un navire. Le transfert de ces dossiers des anciens propriétaires aux nouveaux propriétaires peut permettre à ces derniers d’obtenir un portrait complet de l’historique d’entretien du navire ainsi que des besoins d’entretien actuels. Bien que les nouveaux propriétaires puissent consulter les rapports d’état de la société de classification du navire ou de TC pour obtenir des renseignements sur les résultats d’inspection, ceux-ci ne fournissent pas les détails quotidiens que l’on trouve dans un dossier d’entretien continu, comme les résultats des inspections, l’entretien et les réparations effectués par l’équipage, et l’information à savoir si l’équipement a été entretenu conformément aux exigences d’entretien du fabricant et s’il y a eu des rapports de défaillances ou d’incidents antérieurs.

    À la suite d’un événement survenu le 11 avril 2007 mettant en cause le chimiquier/transporteur de produits Sichem Aneline, qui s’est échoué dans le fleuve Saint-Laurent, le BST a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant les exigences imposées au secteur maritime national quant à la continuité des dossiers d’entretiens et de défaillances :

    Transports Canada reconnaît l’importance de maintenir des registres d’entretien continu pour les aéronefs, mais aucune exigence semblable n’est en place pour l’industrie maritime au Canada. En conséquence, le Bureau est préoccupé de constater que les armateurs gérants ne sont peut-être pas au courant des vices cachés de leur navire ou de ses problèmes inhérents qui ont été identifiés antérieurement. Cette situation peut faire obstacle à un entretien approprié et à l’analyse des tendances, et de ce fait pose un risque pour les passagers, l’équipage et l’environnement. Le Bureau va continuer à surveiller la situationNote de bas de page 74.

    1.21.2.6 Instructions de bord essentielles de l’Apollo

    Pour élaborer les instructions de bord essentielles de l’Apollo, l’équipage avait sélectionné celles du F.-A.-Gauthier jugées pertinentes, déterminé si des modifications étaient nécessaires pour les adapter à l’Apollo, puis révisé certaines d’entre elles. Lors de l’événement, certaines instructions de bord essentielles à réviser n’avaient pas encore été modifiées, dont celles touchant les conditions météorologiques défavorables, le groupe électrogène de secours, les soupapes d’arrêt d’urgence à distance de l’alimentation en carburant, ainsi que l’utilisation de la pompe d’incendie et du propulseur d’étrave. De plus, au moment de l’événement, le livret de stabilité de l’Apollo n’avait pas encore été traduit en français.

    1.21.2.7 Certificat provisoire du système de gestion de la sécurité de l’Apollo

    Le 8 février 2019, un expert maritime de Lloyd’s Register est monté à bord de l’Apollo à la demande de la STQ afin d’y effectuer une vérification préalable à la délivrance d’un certificat provisoire de gestion de la sécurité. Durant la vérification, laquelle a duré une demi-journée, les 5 observations suivantes ont été notées :

    • un certificat d’inspection radio devait être délivré à nouveau;
    • le panneau de surveillance d’incendie indiquait la présence de problèmes dans le système de détection d’incendie;
    • les portes de sortie de secours situées au milieu du navire, sur le pont 7, étaient verrouillées;
    • de grandes quantités de résidus huileux s’étaient accumulées dans le fond de la salle des machines;
    • certains équipements d’éclairage des voies d’évacuation de la salle des machines ne fonctionnaient pas.

    Le rapport de vérification indiquait que des instructions de bord essentielles propres au navire étaient à bord et avaient été examinées à la satisfaction de l’expert maritime. Il précisait également que le navire disposait de tous les certificats requis pour son exploitation, que ces certificats étaient valides et que tous les documents de bord étaient en français. Le rapport expliquait qu’un SIGE avait été jugé fonctionnel et était utilisé par les services de la salle des machines et du pont. Enfin, le rapport indiquait que des contrôles de gestion des risques avaient été mis en œuvre à bord de l’Apollo, conformément au Code ISM.

    L’Apollo a reçu son certificat provisoire de gestion de la sécurité le jour de la vérification. À ce moment-là, il n’avait pas encore reçu son certificat d’inspection, qui a été délivré 2 jours plus tard.

    1.22 Gestion des ressources à la passerelle

    Le terme « gestion des ressources à la passerelle » (GRP) désigne la gestion et l’utilisation efficaces de l’ensemble des ressources, tant humaines que techniques, mises à la disposition de l’équipe de la passerelle pour assurer la sécurité du voyage. La communication efficace, le travail d’équipe, la résolution de problèmes, la prise de décisions et la conscience situationnelleNote de bas de page 75 sont au cœur du concept de GRPNote de bas de page 76.

    Les officiers de navigation, en plus d’exécuter leurs tâches habituelles, ont la responsabilité de travailler en équipe afin de veiller à l’acquisition d’une compréhension commune du déroulement du voyage et de faire face aux urgences au moment où elles se produisent. Plus précisément, les membres de l’équipe de la passerelle sont chargés de rester en communication constante afin de maintenir une conscience situationnelle globale et de s’acquitter de leurs tâches respectives.

    Avant d’entrer dans le port de Matane, le capitaine avait communiqué à l’équipe de la passerelle la manœuvre d’accostage qu’il comptait effectuer. Les membres de l’équipage savaient que le navire éprouvait des problèmes persistants avec ses groupes électrogènes qui pouvaient nuire au fonctionnement du propulseur d’étrave. L’équipe de la salle des machines surveillait régulièrement l’ampèremètre et la température des groupes électrogènes lorsque le propulseur d’étrave était utilisé afin de signaler toute anomalie à l’équipe de la passerelle.

    1.22.1 Formation sur la gestion des ressources à la passerelle

    En application de la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille de 1978, et selon les modifications de Manille de 2010Note de bas de page 77, il est devenu obligatoire en 2017 que les gens de mer canadiens réussissent un cours de navigation électronique simulée de niveau opérationnel (NES-O) pour obtenir un brevet d’officier. Les gens de mer souhaitant obtenir un brevet de capitaine doivent réussir un cours de navigation électronique simulée de niveau gestion (NES-G)Note de bas de page 78. Les formations susmentionnées ont remplacé les cours de navigation électronique simulée de niveau 1 et 2. Les cours de NES-O et de NES-G comprennent une formation sur la GRP qui traite généralement des sujets suivants : conscience situationnelle, compétences de communication, préparation des traversées, organisation à la passerelle, leadership et travail d’équipe, stress et fatigue, relations des membres de l’équipe de la passerelle avec les pilotes et d’autres membres d’équipage, etc.

    Les capitaines et les officiers qui ont obtenu leurs brevets avant 2017 n’étaient pas tenus de suivre un cours sur la GRP dans le cadre de leur formation. De plus, il n’y a aucune obligation réglementaire pour les capitaines et les officiers de suivre les cours NES-O et NES-G pour renouveler leurs brevets respectifs tous les 5 ans. Toutefois, les entreprises peuvent exiger que leurs officiers de pont suivent un cours sur la GRP.

    Le capitaine de l’Apollo pendant le voyage à l’étude avait suivi une formation sur la GRP en mai 2011. Le timonier n’avait pas suivi de formation sur la GRP et n’était pas tenu de le faire.

    1.23 Ergonomie de la passerelle

    Le terme « ergonomie de la passerelle » désigne la conception et la disposition des commandes et des affichages en vue d’en optimiser l’efficacité et la facilité d’utilisation, tout en réduisant au minimum le risque d’erreur par l’opérateur. Une conception inadéquate peut nuire à la conscience situationnelle de l’opérateur et, par conséquent, à la conduite et à la sécurité du navire. Des rapports d’enquête antérieurs du BSTNote de bas de page 79 ont mis en évidence des problèmes d’ergonomie de la passerelle qui nuisaient à l’exploitation sécuritaire des navires.

    Diverses organisations fournissent des conseils en matière de conception ergonomique des passerelles de navigation à l’intention des concepteurs, des constructeurs et des exploitants de naviresNote de bas de page 80,Note de bas de page 81,Note de bas de page 82. Par exemple, selon des lignes directrices publiées par l’Association internationale de sociétés de classification [traduction] :

    Le type d’équipement installé sur chaque passerelle, les configurations des systèmes et le niveau d’automatisation peuvent avoir une incidence sur la méthode de navigation, les procédures opérationnelles et les niveaux de qualification. On considère qu’il incombe aux propriétaires et aux utilisateurs de veiller à ce que les connaissances et la formation du personnel de la passerelle ainsi que les procédures utilisées par ce dernier soient adaptées au système de passerelle de chaque navire. Ces questions doivent figurer dans le manuel de procédures de la passerelle propre à l’entreprise et au navire et dans le manuel de procédures du Code ISM du navireNote de bas de page 83.

    Une conception optimale des affichages et des commandes tient les opérateurs informés de l’état des systèmes en tout temps de manière à assurer la conscience situationnelle et à permettre d’intervenir en temps opportun. Les opérateurs doivent connaître les caractéristiques particulières des affichages et des commandes d’un navire. Les affichages et les commandes dont la conception est intuitive peuvent s’avérer plus fiables lors de situations d’urgence et d’opérations essentielles à la sécurité au cours desquelles les opérateurs dépendent d’une rétroaction précise et opportune des systèmes pour prendre des décisions.

    La console de passerelle de l’Apollo comptait 4 voyants (rouge, blanc, vert et ambré) conçus pour indiquer l’état de fonctionnement du propulseur d’étrave à son opérateur (figure 11).

    Figure 11. Disposition des commandes du propulseur d’étrave sur la console de passerelle (Source : BST)
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    Disposition des commandes du propulseur d’étrave sur la console de passerelle (Source : BST)

    Le voyant rouge comportait l’étiquette « Bow Port Side » (étrave, bâbord) et indiquait que la poussée était dirigée vers bâbord. Le voyant vert présentait l’étiquette « Bow Std Side » (étrave, tribord) et indiquait que la poussée était dirigée vers tribord. Le voyant blanc était doté de l’étiquette « Bow Bridge » (étrave, passerelle) et ne s’allumait que lorsque le voyant ambré, lequel était muni de l’étiquette « BogProp.TillNote de bas de page 84 », était allumé afin d’indiquer que le propulseur d’étrave était commandé depuis la console de passerelle. La luminosité des voyants blanc et ambré diminuait lorsque ces derniers étaient allumés simultanément.

    Lorsque le contrôle du propulseur d’étrave était transféré à l’une des consoles d’aileron de passerelle, le voyant blanc s’éteignait et le voyant ambré demeurait allumé afin d’indiquer que le propulseur était commandé depuis l’une de ces consoles (sans préciser laquelle). L’enquête a montré que les membres de l’équipe de la passerelle ne connaissaient pas tous la signification des voyants du propulseur d’étrave sur la console de passerelle.

    La disposition de l’équipement et les voyants différaient d’une console d’aileron de passerelle à l’autre et de ceux de la console de passerelle. Trois des voyants (blanc, vert et rouge) de la console d’aileron de passerelle bâbord n’étaient pas étiquetés (figure 12); les voyants rouge et vert indiquaient que la poussée était dirigée vers bâbord ou tribord respectivement et le blanc, que le propulseur d’étrave était commandé depuis la console d’aileron de passerelle bâbord. La console d’aileron de passerelle tribord n’avait aucun voyant (figure 13). Lors d’essais menés par le BST après l’événement, on a déterminé qu’aucun des 3 voyants de la console d’aileron de passerelle bâbord ne fonctionnait.

    Figure 12. Console d’aileron de passerelle bâbord (Source : BST)
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    Console d’aileron de passerelle bâbord (Source : BST)
    Figure 13. Console d’aileron de passerelle tribord (Source : BST)
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    Console d’aileron de passerelle tribord (Source : BST)

    1.24 Événements antérieurs

    Le BST a enquêté sur d’autres événements dans lesquels la surveillance réglementaire a été un facteur (annexe H). Le BST a également reçu des rapports d’autres événements mettant en cause l’Apollo (annexe I).

    1.25 Programme alternatif de la conformité des États-Unis

    La U.S. Coast Guard dispose d’un programme semblable au PDIO, appelé l’Alternative Compliance Program, ou ACP (programme alternatif de conformité). En vertu de l’ACP, les sociétés de classification autorisées effectuent leurs activités au nom de la U.S. Coast Guard d’une manière similaire aux OR qui effectuent leurs activités au nom de TC par l'entremise du PDIO. À la suite d’un événement survenu en 2015, au cours duquel le navire de charge El Faro a sombré avec 33 membres d’équipage à son bord, le National Transportation Safety Board et la U.S. Coast Guard ont mené des enquêtes. Les enquêteurs se sont penchés sur l’efficacité de l’ACP et ont conclu que :

    • La U.S. Coast Guard ne disposait d’aucune procédure ni d’aucun pouvoir lui permettant d’évaluer le rendement des experts maritimes de sociétés de classification autorisées qui effectuaient des inspections en son nomNote de bas de page 85.
    • Des navires qui avaient réussi des inspections réalisées par une société de classification autorisée ont par la suite été soumis à des inspections menées par la U.S. Coast Guard qui ont révélé des lacunes de sécurité importantes, dont certaines ont entraîné la démolition de navires ou l’imposition d’interdictions de naviguer. Les lacunes n’avaient pas été relevées lors des examens de surveillance initiaux effectués par la U.S. Coast GuardNote de bas de page 86.
    • Les experts maritimes de sociétés de classification autorisées n’avaient pas à rendre de comptes lorsqu’ils effectuaient des inspections inadéquates dans le cadre de l’ACP et que des lacunes de sécurité évidentes n’étaient pas relevées, et la U.S. Coast Guard ne disposait d’aucun système pour associer une société de classification autorisée à une inspection non satisfaisante réalisée en son nomNote de bas de page 87.
    • Les experts maritimes de sociétés de classification autorisées hésitaient à retenir des navires commerciaux lorsqu’ils effectuaient des inspections dans le cadre de l’ACP, particulièrement dans le cas des inspections de classificationNote de bas de page 88.

    L’enquête de la U.S. Coast Guard a révélé que, selon les examens réalisés en 2015 et en 2016, plusieurs navires de charge américains étaient exploités dans des conditions inférieures aux normes pendant des périodes prolongées et qu’un changement fondamental dans la gestion et l’exécution globales de l’ACP était nécessaire pour assurer des conditions sécuritaires à bord des navires commerciaux des États-Unis.

    L’enquête a donné lieu à un certain nombre de recommandations, dont l’une visait la société de classification autorisée, c’est-à-dire d’améliorer la formation de ses experts maritimes afin de s’assurer qu’ils disposent des qualifications appropriées et de l’appui nécessaires pour effectuer des inspections de navires efficaces, exactes et transparentes qui répondent à toutes les exigences législatives et réglementaires.

    La U.S. Coast Guard a également mis sur pied un groupe de travail chargé de surveiller le rendement des sociétés de classification, la Third Party Oversight Review Team (T-PORT). En 2020, la U.S. Coast Guard et la Commission européenne ont conclu une entente de coopération sur la surveillance des sociétés de classification reconnues par les 2 administrationsNote de bas de page 89. La U.S. Coast Guard et TC avaient signé un protocole d’entente similaire en 2016Note de bas de page 90.

    1.26 Recommandations actives du BST sur les systèmes de gestion de la sécurité et les processus de gestion des risques

    À la suite d’un événement survenu le 23 juin 2002 au cours duquel le véhicule amphibie à passagers Lady Duck a pris l’eau et a sombré dans la rivière des Outaouais, à Ottawa (Ontario), entraînant la mort de 4 personnesNote de bas de page 91, le Bureau a recommandé que

    le ministère des Transports prenne des mesures pour assurer que les entreprises exploitant des petits navires à passagers aient un système de gestion de la sécurité en place.
    Recommandation M04-01 du BST

    De plus, à la suite d’un événement survenu le 25 octobre 2015 au cours duquel le navire à passagers Leviathan II a chaviré à Clayoquot Sound (Colombie-Britannique), entraînant la mort de 6 personnesNote de bas de page 92, le Bureau a recommandé que

    le ministère des Transports exige que les exploitants de navires à passagers commerciaux adoptent des processus explicites de gestion des risques et qu’il élabore des lignes directrices exhaustives pour aider les exploitants de navires et les inspecteurs de Transports Canada à mettre en œuvre et à surveiller ces processus.
    Recommandation M17-02 du BST

    Dans sa plus récente réponse à ces recommandations en décembre 2021, TC a indiqué proposer des modifications au Règlement sur le système de gestion de la sécurité maritime qui feront en sorte que les exigences relatives aux SGS et à la surveillance s’appliqueront à tous les navires passagers au pays. Les navires à passagers canadiens de grande taille et à risque élevé seraient conformes au Code ISM de l’Organisation maritime internationale, sous réserve de l’inspection et de l’approbation annuelles par un OR. Les petits navires à passagers canadiens devraient mettre en œuvre un SGS national adapté et être assujettis au régime de surveillance normalisé axé sur les risques de TC. TC a récemment indiqué que des modifications au Règlement sur le système de gestion de la sécurité maritime devraient être publiées au préalable dans la Partie I de la Gazette du Canada en juin 2022 et dans la Partie II de la Gazette du Canada au printemps 2023.

    Dans son évaluation de mars 2022 des réponses de TC à ces recommandations, le BST a affirmé qu’une fois que le projet de modification du Règlement sur le système de gestion de la sécurité maritime sera publié, la lacune de sécurité associée à la recommandation M04-01 sera considérablement atténuée. De plus, étant donné que la gestion des risques fait partie intégrante d’un SGS, l’application élargie de ce règlement ainsi que du Bulletin de la sécurité des navires 09/2018Note de bas de page 93 devrait permettre de corriger en grande partie la lacune de sécurité associée à la recommandation M17-02. Par conséquent, on estime que les réponses aux recommandations M04-01 et M17-02 dénotent une intention satisfaisanteNote de bas de page 94,Note de bas de page 95.

    1.27 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    La gestion de la sécurité et la surveillance réglementaire sont des enjeux qui figurent sur la Liste de surveillance 2020. Dans l’événement à l’étude, les risques connus liés à l’exploitation de l’Apollo n’ont pas été atténués en raison de l’absence d’une évaluation des risques, laquelle fait partie intégrante de la mise en œuvre d’un SGS à bord d’un navire.

    MESURES À PRENDRE

    La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport maritime jusqu’à ce que :

    • TC mette en œuvre de la réglementation obligeant tous les exploitants commerciaux à adopter des processus formels pour la gestion de la sécurité;
    • les transporteurs qui ont un SGS démontrent à TC qu’il fonctionne bien et qu’il permet donc de cerner les dangers et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour atténuer les risques.

    De plus, lors de l’événement à l’étude, TC avait délégué les inspections obligatoires de l’Apollo à un OR, mais avait conservé la responsabilité de surveiller la conformité réglementaire du navire et le rendement de l’OR par l’intermédiaire d’inspections de conformité. Cependant, la surveillance de l’OR et du RA exercée par TC n’a pas été suffisante pour déceler les problèmes de sécurité du navire.

    MESURES À PRENDRE

    La surveillance réglementaire restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport maritime jusqu’à ce que TC assure une plus grande surveillance des processus d’inspection des navires commerciaux en démontrant que sa supervision et sa surveillance sont efficaces pour veiller à ce que les représentants autorisés et les organismes reconnus respectent les exigences réglementaires.

    1.28 Rapport de laboratoire du BST

    Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    • LP 054 2019 – Failure analysis [analyse de défaillance]

    L’ensemble du bouton du propulseur d’étrave de la console d’aileron de passerelle tribord et les fils électriques connexes ont été retirés (figure 14) et expédiés au Laboratoire d’ingénierie du BST, à Ottawa (Ontario).

    Figure 14. Bouton de la console d’aileron de passerelle tribord, à gauche, et ensemble du bouton et fil électrique cassé, à droite (Source : BST)
    Image
    Bouton de la console d’aileron de passerelle tribord, à gauche, et ensemble du bouton et fil électrique cassé, à droite (Source : BST)

    L’examen a révélé qu’un des 2 fils électriques connectés au module du bouton du propulseur d’étrave était cassé et ne permettait pas d’activer ce dernier sur la console d’aileron de passerelle tribord. L’examen a également montré qu’à son extrémité séparée, le fil électrique cassé était partiellement recouvert de vert-de-gris, qu’il y était entaillé à 6 endroits et que du matériel manquait, ce qui découlait probablement de l’utilisation d’un outil à dénuder. Les entailles en réduisaient le diamètre extérieur et la résistance mécanique. Le fil électrique cassé présentait des indices de contraintes ductiles et de fatigue causée par le cisaillement, car au fil du temps, il avait subi des vibrations en raison de sa fixation inadéquate. Enfin, l’examen a indiqué que le fil électrique cassé consistait en un fil de cuivre étamé à toron simple plutôt qu’en un fil de cuivre toronné exigé par la réglementation.

    L’examen a aussi permis de constater que les dessins du fabricant du propulseur d’étrave indiquaient que l’Apollo était à l’origine équipé de voyants indiquant l’état de fonctionnement du propulseur sur sa console d’aileron de passerelle tribord, mais ces voyants n’étaient plus présents au moment de l’événement (figure 13).

    2.0 Analyse

    L’analyse se concentrera sur les facteurs qui ont conduit au heurt du duc-d’Albe à Matane (Québec). Elle examinera également l’état de navigabilité, la gestion du navire, le système de gestion de la sécurité et la surveillance réglementaire de l’Apollo. Enfin, elle se penchera sur les exigences de formation en matière de gestion des ressources à la passerelle et sur la conception des voyants d’état du propulseur d’étrave du navire.

    2.1 Facteurs ayant entraîné le heurt

    Lorsque l’Apollo se trouvait à environ 4 milles marins (NM) du port de Matane, on a informé le capitaine que le vent y soufflait à une vitesse de 35 à 40 nœuds, soit une vitesse supérieure à celle prévue à son départ. Le capitaine n’avait aucune limitation de vitesse de vent propre au navire pour les manœuvres d’accostage, et sa décision de poursuivre l’accostage malgré la force du vent était probablement influencée par la proximité de l’Apollo à sa destination et les risques inhérents posés par un retour à Godbout (Québec), surtout compte tenu des problèmes touchant les groupes électrogènes. Pour atténuer les risques liés au vent, le capitaine avait planifié une manœuvre d’accostage qui se servirait d’au moins 1 ancre et avait ordonné à l’équipage de se tenir prêt à mouiller 1 ancre ou les 2, s’il y avait lieu.

    Pendant l’entrée de l’Apollo dans le port de Matane, le capitaine a appuyé sur le bouton de la console d’aileron de passerelle tribord afin d’y transférer le contrôle du propulseur d’étrave depuis la passerelle, mais aucun transfert n’a eu lieu en raison d’un fil électrique cassé. Ce dernier était en mauvais état et s’était probablement cassé juste avant que l’Apollo ne quitte Godbout, lorsque le panneau de la console avait été ouvert aux fins des vérifications préalables à l’installation d’un voyant d’état du propulseur d’étrave. Étant donné l’obscurité ainsi que le bruit du vent et des vagues présents au moment des manœuvres d’accostage à Matane, il a été impossible de confirmer l’état de fonctionnement du propulseur d’étrave d’après le bruit ou la poussée visible normalement produit dans l’eau. En outre, la console d’aileron de passerelle tribord ne présentait aucun voyant indiquant l’état du propulseur d’étrave au capitaine. L’équipe de passerelle aurait pu vérifier l’état de fonctionnement du propulseur d’étrave en consultant l’équipe de la salle des machines au sujet de l’indication de la consommation du propulseur sur l’ampèremètre, mais personne ne l’a fait, et, par conséquent, le capitaine ignorait que le contrôle du propulseur d’étrave n’était pas transféré à la console d’aileron de passerelle tribord.

    Lorsqu’on a constaté que la manœuvre ne se déroulait pas comme prévu, le capitaine a ordonné qu’on mouille les ancres et a continué d’effectuer de multiples manipulations des commandes du propulseur d’étrave, des moteurs et du gouvernail afin de maintenir la maîtrise du navire dans le port. Toutefois, en l’absence de voyants d’état sur la console d’aileron de passerelle tribord, le capitaine a poursuivi l’accostage, inconscient que le propulseur d’étrave ne répondait pas à ses commandes.

    Le bruit du vent et des vagues ainsi que l’obscurité et l’absence de voyants d’état sur la console d’aileron de passerelle tribord ont empêché le capitaine de remarquer que le propulseur d’étrave ne répondait pas à ses commandes.

    Alors que l’Apollo approchait du quai, on a remarqué que l’ampèremètre n’indiquait aucune consommation électrique pour le propulseur d’étrave, et le chef mécanicien a appelé la passerelle afin de vérifier si le propulseur d’étrave était utilisé. En réponse à la question du chef mécanicien, le timonier a observé que les voyants blanc et ambré de la console de passerelle étaient allumés et, sans vérifier auprès du capitaine, il a mal interprété que le propulseur d’étrave était en cours d’utilisation. Par conséquent, le capitaine ne savait pas que le propulseur d’étrave ne fonctionnait pas.

    Pendant les manœuvres d’accostage, la présence de forts vents et le fait que les commandes du propulseur d’étrave ne fonctionnaient pas ont entraîné un heurt entre l’étrave du navire et l’un des ducs-d’Albe, ce qui a mené à la perforation de la coque du navire.

    2.2 Navigabilité du navire

    La navigabilité d’un navire est un élément essentiel de la sécurité de l’équipage, des passagers et de l’environnement, ainsi que de la réussite de toute opération maritime. On considère qu’un navire est apte à prendre la mer lorsque ses composants et son équipement se révèlent adéquats pour jouer leur rôle prévu.

    L’enquête a soulevé plusieurs préoccupations relatives à la navigabilité de l’Apollo. Sur le plan structural, de l’eau pénétrait ou pouvait s’infiltrer à un certain nombre d’endroits dans le navire, ce qui en réduisait l’étanchéité. Par exemple, l’un des dalots était perforé par la corrosion, créant une brèche qui exposait le pont-garage aux intempéries et pouvait laisser de l’eau s’infiltrer sous le point d’envahissement et ainsi influer sur la stabilité du navire. Même une quantité relativement faible d’eau accumulée sur le pont-garage aurait pu rendre le navire instable en raison de l’effet de carène liquide. De plus, la présence d’une brèche dans l’enveloppe de l’Apollo, sous son point d’envahissement, en rendait invalide le livret de stabilité et le certificat international de ligne de charge.

    Certains équipements d’urgence du navire n’étaient pas immédiatement utilisables et ses systèmes de détection, d’alarme et d’extinction d’incendie posaient un certain nombre de problèmes. Par exemple, les pompes d’incendie principales et d’urgence n’étaient pas immédiatement utilisables, car leurs vannes étaient maintenues fermées pour prévenir des fuites le long du collecteur d’incendie corrodé, si bien que si un feu était survenu, un des membres d’équipage aurait dû se rendre dans la salle des machines pour les ouvrir manuellement afin de permettre l’utilisation des pompes. Ceci aurait non seulement retardé toute intervention immédiate en cas d’incendie, mais également pu empêcher l’équipage d’atteindre les vannes si la salle des machines s’était révélée inaccessible pendant la situation d’urgence (p. ex. en raison du feu, de la fumée ou de l’utilisation d’un système d’extinction fixe). On a également constaté que le groupe électrogène de secours du navire n’était pas immédiatement utilisable, car son interrupteur de démarrage automatique était maintenu à la position « OFF » (désactivé), de sorte que si une panne s’était produite, l’équipage aurait dû démarrer le groupe électrogène manuellement, ce qui aurait retardé l’intervention et posé des risques quant à l’accessibilité à ce groupe électrogène. Cela contrevenait aussi à une exigence de Transports Canada (TC) visant à ce que le groupe électrogène de secours démarre automatiquement en cas de panne d’alimentation électrique et atteigne sa pleine charge nominale en 45 secondes tout au plus.

    Enfin, des lacunes ont été relevées en ce qui concernait les machines et les composants électriques du navire. Certains des systèmes et des machines principaux et auxiliaires de la salle des machines étaient mal entretenus, comme en témoignait la présence de fuites d’huile et d’eau, ainsi que de corrosion. On a remarqué la présence de joints mécaniques de tuyau et de réparations au moyen de conduits en caoutchouc sur des conduites sous pression, réparations inadéquates, car elles peuvent avoir une incidence sur la capacité des conduites de résister à la pression exercée. On a aussi observé du câblage électrique non conforme dans divers composants, y compris la console d’aileron de passerelle tribord; le fil électrique cassé du bouton a été un facteur causal dans l’événement.

    Au moment de l’événement, plusieurs conditions dangereuses liées à la structure, aux machines, à l’équipement de sécurité et aux composants électriques étaient présentes à bord de l’Apollo, ce qui contrevenait à divers règlements canadiens, dont le Règlement sur les lignes de charge, le Règlement sur l’équipement de sauvetage, le Règlement sur la sécurité contre l’incendie des bâtiments et le Règlement sur les machines de navires. Les conditions dangereuses à bord influaient sur la navigabilité de l’Apollo et posaient des risques pour le navire, de même que pour son équipage, ses passagers et l’environnement.

    2.3 Entretien du navire par le Woodward Group of Companies

    Les propriétaires ou les représentants autorisés (RA) de navires sont chargés de veiller à ce que leurs navires soient maintenus en état de navigabilité et qu’ils respectent tous les règlements applicables. Cela s’applique également aux navires inscrits au Programme de délégation des inspections obligatoires (PDIO). Lorsque ces responsabilités ne sont pas assumées au fil du temps, l’état du navire peut commencer à se détériorer et des lacunes dans la sécurité de son exploitation peuvent se manifester.

    Pendant qu’il était la propriété du Woodward Group of Companies (WGOC), l’Apollo était un navire vieillissant qui approchait de la fin de sa durée de vie. Le WGOC avait prévu de le remplacer par un autre navire et de retirer définitivement l’Apollo du service.

    Aucun dossier d’entretien continu n’était disponible, ce qui a empêché les enquêteurs de déterminer comment l’Apollo était entretenu par le WGOC. Cependant, l’enquête a révélé que certaines des conditions dangereuses relevées à bord du navire étaient présentes depuis longtemps, celles-ci s’y étant produites ou perpétuées sous la gestion du WGOC. Voici certaines des conditions cernées :

    • perforations par corrosion dans le collecteur d’incendie;
    • dalot perforé par la corrosion exposant le pont-garage aux intempéries;
    • fuites d’huile multiples sur le moteur principal tribord en raison d’un mauvais entretien des moteurs principaux au fil du temps;
    • portes étanches à l’eau fuyant en raison de joints de caoutchouc détériorés et de cadres rouillés;
    • registres coupe-feu qui n’étaient plus étanches à l’air en raison de joints de caoutchouc détériorés et de structures rouillées;
    • brèche du bordé de muraille de la visière d’étrave;
    • cadres de fenêtre d’aluminium corrodés, sous le point d’envahissement, faisant en sorte que les fenêtres n’étaient plus fixées adéquatement à la superstructure du navire;
    • réparation temporaire d’une fissure sur la superstructure avec une tôle superposée qui s’est également fissurée et qui a rouillé;
    • perforation par corrosion des bâtis d’extrémité des refroidisseurs intermédiaires des moteurs diesels auxiliaires;
    • usure considérable des guindeaux et des treuils d’amarrage;
    • ventilateurs d’aspiration du pont-garage corrodés qui ne fonctionnaient plus en raison de leur détérioration.

    Si un navire n’est pas entretenu de manière appropriée, il en résulte un risque que son état se détériore et que des lacunes dans la sécurité de son exploitation se présentent.

    2.4 Voyage de livraison

    Avant le voyage de livraison, l’équipe de la Société des traversiers du Québec (STQ) a fait part de ses préoccupations concernant l’état du navire à la direction de la STQ, et ces préoccupations ont été transmises au WGOC. Elles ont également été portées à l’attention de TC. Après avoir été mis au courant de ces préoccupations, le WGOC, qui était responsable du navire pendant le voyage de livraison, n’a pas pris de mesures pour y remédier avant le départ du navire. La STQ n’a pas effectué de suivi auprès du WGOC et a permis à son propre équipage de demeurer à bord du navire pendant le voyage de livraison, malgré les préoccupations soulevées. TC n’a pas fait part des préoccupations à Bureau Veritas (BV), qui avait certifié le navire pour le voyage de livraison, et n’a pas vérifié l’état du navire avant son départ.

    Le voyage de livraison consistait en un voyage de 3 jours de près de 500 NM dans le golfe du Saint-Laurent, le long de la Basse-Côte-Nord du Québec, une région en grande partie isolée, durant l’hiver. Ce type de voyage était très différent des traversées habituelles de 2 heures effectuées par l’Apollo entre les ports, et cela signifiait qu’il y avait peu d’endroits où l’équipage pouvait obtenir de l’aide ou débarquer en cas d’urgence. La conception de l’Apollo, qui comporte de vastes espaces de chargement ouverts accessibles par des portes à la proue et à la poupe, présentait un risque de conséquences graves en cas d’incendie ou d’inondation. Cependant, BV avait certifié le navire pour son voyage de livraison même s’il présentait des problèmes d’étanchéité à l’eau et que ses systèmes de détection, d’alarme et d’extinction d’incendie n’étaient pas fiables.

    Bien que la responsabilité ultime à l’égard de la sécurité du navire et des personnes à bord incombe aux capitaines, la direction, TC et les sociétés de classification doivent les appuyer dans la prise de décisions qui privilégient la sécurité. Sans cet appui, il peut être difficile pour les capitaines de jouer le rôle d’uniques responsables de la sécurité. Dans l’événement à l’étude, le capitaine de l’équipe de la STQ avait exprimé des préoccupations quant à l’état de navigabilité de l’Apollo au capitaine du WGOC, qui avait été affecté au navire pour le voyage de livraison et qui était donc ultimement responsable de la décision de prendre la mer. Cependant, le capitaine du WGOC avait une perception différente de l’état de l’Apollo et, par conséquent, aucune mesure n’a été prise. Bien que le capitaine de l’équipe de la STQ ait également fait part de ses préoccupations à la STQ et à TC, aucun d’eux n’a pris de mesures pour corriger la situation avant le départ du navire pour le voyage de livraison.

    2.5 Gestion de la sécurité

    Un navire à passagers peut être exposé à un certain nombre de risques en fonction de son âge, de son état et de l’environnement maritime dans lequel il est exploité. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre des processus efficaces de gestion des risques afin de s’assurer que les risques sont aussi faibles que raisonnablement réalisables. Il est essentiel de gérer les risques au moyen de processus officiels, non seulement dans le cadre des activités régulières, mais aussi lors de l’acquisition d’un nouveau navire et de sa mise en service.

    Lorsqu’ils cherchent à acheter un navire, et surtout s’il ne s’agit pas d’un navire neuf, les propriétaires potentiels peuvent rencontrer des risques liés à l’état du navire et à sa compatibilité avec l’exploitation prévue. Pour gérer ces risques, les propriétaires potentiels peuvent prendre certaines mesures, comme réaliser une inspection préalable à la vente, imposer des conditions à la vente afin de s’assurer que tous les renseignements pertinents sont obtenus au moment de l’achat, et procéder à une évaluation complète des risques afin de déterminer l’état du navire et sa compatibilité avec les activités prévues.

    Après la mise hors service inattendue du F.-A.-Gauthier, la STQ ne disposait d’aucun autre navire pour desservir la route Matane–Baie-Comeau–Godbout et subissait des pressions populaires pour acquérir rapidement un nouveau navire et rétablir le service. Bien que la STQ avait élaboré des critères pour l’aider à sélectionner un navire qui répondrait à ses besoins, l’Apollo était le seul navire disponible qui répondait à certains des critères, et la STQ n’a donc pas suivi ses pratiques habituelles d’acquisition de navires.

    En général, la STQ effectuait des évaluations des risques pour ses navires nouvellement acquis. Cependant, lors de l’acquisition de l’Apollo, la STQ s’est largement fiée au fait que le navire était classé et avait reçu tous les certificats canadiens requis, ce qui a été considéré par la STQ comme une indication de son état de préparation au service. Par conséquent, la STQ n’a pas effectué d’évaluation des risques préalable à la vente. La pression temporelle exercée sur la STQ a également contribué à l’achat du navire sans inspection au préalable, car l’inspection aurait retardé la mise en service de l’Apollo. Or, sans inspection préalable, la STQ a acheté, sans le savoir, un navire qui nécessitait des réparations importantes.

    Ce n’est qu’après avoir acquis l’Apollo que la STQ a commencé à se rendre compte de l’état de détérioration du navire. L’équipage de la STQ au cours du voyage de livraison a été le premier à exprimer des préoccupations au sujet du navire, mais, à ce moment-là, la STQ n’a pris que peu de mesures. La STQ n’avait aucun recours auprès du WGOC, puisque la convention de vente avait déjà été conclue. Également, la nouvelle de l’état de détérioration du navire était inattendue. Une fois l’Apollo arrivé à Matane, la STQ a constaté que des réparations importantes étaient requises. La situation a retardé la date à laquelle la STQ avait prévu de mettre le navire en service, prolongeant ainsi le problème de service sur la route en question et accentuant la pression qu’elle subissait.

    Confrontée à la pression du public, la STQ s’est alors employée à effectuer des réparations correctives à bord du navire afin de le mettre en service le plus rapidement possible et n’a pas procédé à une évaluation des risques. Sans évaluation des risques, la STQ a manqué une occasion importante de cerner les dangers liés à la mise en service de l’Apollo et de gérer les risques de façon proactive.

    La mise en service de l’Apollo comme traversier roulier sur la route Matane–Baie-Comeau–Godbout comportait un certain nombre de risques :

    • L’Apollo était un navire vieillissant qui nécessitait de nombreuses réparations, ce qui augmentait le risque de pannes mécaniques et de défaillances d’équipement.
    • L’Apollo était un nouveau navire de la STQ, il desservait une nouvelle route et avait à son bord un nouvel équipage qui n’avait pas accès aux dossiers d’entretien historiques ou aux instructions de bord précédentes du navire, ce qui augmentait la possibilité que des risques inconnus surgissent.
    • La traversée présentait des risques liés aux conditions météorologiques défavorables et à l’état de la mer et des glaces.

    De plus, comme c’est le cas avec d’autres traversiers, on passait beaucoup de temps à manœuvré l’Apollo au quai, ce qui augmente les risques de heurt. Les conséquences d’un heurt (blessures, dommages et pollution) peuvent être lourdes pour les traversiers, puisqu’ils sont susceptibles de transporter un grand nombre de véhicules et de passagers.

    Sans évaluation des risques, la STQ était limitée dans sa capacité de déterminer objectivement si le navire était exploitable, de même que de prioriser les mesures à prendre pour atténuer les risques connus. Par exemple, l’absence de voyants d’état du propulseur d’étrave sur la console d’aileron de passerelle tribord et des voyants non étiquetés et non opérationnels sur la console d’aileron de passerelle bâbord représentaient un risque parce que le capitaine ne pouvait pas connaître l’état de fonctionnement du propulseur d’étrave. De plus, bien que le propulseur d’étrave soit essentiel à l’exécution des manœuvres d’accostage, surtout lorsque les conditions météorologiques étaient défavorables, les groupes électrogènes du navire fonctionnaient à capacité réduite, présentant des risques d’arrêt soudain du propulseur d’étrave ou de panne d’électricité.

    Puisqu’elle n’a pas relevé les dangers susmentionnés, la STQ a raté une occasion d’en évaluer la gravité et de prendre les mesures d’atténuation qui s’imposaient, dont les suivantes : établissement d’instructions de bord visant à s’assurer que l’équipage connaissait les fonctions, les voyants et les limites du propulseur d’étrave; élaboration d’un protocole de communication entre la passerelle, la salle des machines et les consoles d’aileron de passerelle en ce qui concernait l’utilisation du propulseur d’étrave; et création d’une procédure d’essai ayant pour but de s’assurer que le propulseur d’étrave fonctionne avant tout accostage. Les risques liés au propulseur d’étrave ont donc persisté. Même après qu’un rapport d’enquête interne de la STQ portant sur l’événement du 25 février 2019 mettant en cause l’Apollo a relevé des problèmes touchant les voyants du propulseur d’étrave sur les consoles d’aileron de passerelle, aucune évaluation des risques n’a été entreprise.

    Poussée par les pressions pour rétablir le service de traversier et considérant que l’Apollo serait un navire temporaire destiné à une utilisation à court terme, la STQ a mis le navire en service sans effectuer un repérage adéquat des dangers ni une évaluation des risques connexes. Même si les risques liés au propulseur d’étrave de l’Apollo étaient connus, aucune mesure d’atténuation officielle n’a été mise en œuvre, de sorte que le capitaine ne savait pas que le propulseur d’étrave ne fonctionnait pas au moment où il accostait le navire dans des forts vents à Matane.

    2.5.1 Surveillance externe des systèmes de gestion de la sécurité

    Il est important d’assurer une surveillance externe efficace pour vérifier que les systèmes de gestion de la sécurité (SGS) répondent aux principaux objectifs du Code international de gestion de la sécurité (Code ISM), c’est-à-dire de veiller à l’exploitation sécuritaire des navires, de prévenir les blessures et les pertes de vie et d’éviter les dommages aux biens et à l’environnement.

    2.5.1.1 Surveillance externe du système de gestion de la sécurité de l’Apollo

    La surveillance externe du SGS volontaire de l’Apollo consistait uniquement en des vérifications par une tierce partie menées par Lloyd’s Register, car TC n’assure aucune surveillance des SGS volontaires. Bien que Lloyd’s Register ait effectué une vérification du navire et délivré un certificat provisoire de gestion de la sécurité, le rapport de vérification ne faisait pas état de l’absence d’une évaluation des risques au moment de mettre l’Apollo en service ni de l’absence d’instructions de bord essentielles, notamment concernant les conditions météorologiques défavorables et l’exploitation du propulseur d’étrave. Le rapport de vérification ne faisait également pas état de l’absence d’un système informatisé de gestion de l’entretien à bord ni du fait que le livret de stabilité n’était pas disponible en français, malgré l’exigence de fournir tous les documents pertinents dans la langue officielle de l’équipage.

    De plus, dans le certificat provisoire de gestion de la sécurité, le type de navire indiqué pour l’Apollo était « navire à passagers », ce qui était différent du type inscrit dans le document de conformité de la STQ, malgré le fait que le même type de navire doit figurer dans les 2 documents. Le certificat provisoire de gestion de la sécurité de l’Apollo a également été délivré avant son certificat d’inspection, ce qui contrevient au Code ISM. Même si l’expert maritime a visité le navire, ce qui lui a donné l’occasion d’observer l’état global du navire, la vérification n’a donné lieu qu’à 5 observations, et aucune des conditions dangereuses liées à la structure, aux machines, aux composants électriques et à l’équipement essentiel à la sécurité du navire n’a été relevée.

    2.5.1.2 Surveillance externe du système de gestion de la sécurité de la Société des traversiers du Québec

    L’enquête a aussi examiné l’historique récent de la surveillance externe liée au SGS de la STQ et a déterminé que Lloyd’s Register avait formulé une observation en 2017 et en 2018 par rapport au fait que le manuel de gestion de la sécurité de la STQ devait être mis à jour afin de refléter les changements apportés au SGS et à la flotte. Toutefois, cela n’a pas été fait, et l’observation n’a pas donné lieu à une non-conformité la 2e année où elle a été soulevée. Par ailleurs, lorsque les inspecteurs de Lloyd’s Register sont montés à bord de l’Apollo aux fins de la délivrance du certificat provisoire de gestion de la sécurité, aucune mesure n’avait été prise en réponse à l’observation. Le manuel de gestion de la sécurité n’avait toujours pas été mis à jour au moment de l’événement.

    Si la surveillance externe d’un SGS ne relève aucune condition dangereuse ou ne vérifie pas si les observations et les non-conformités existantes sont traitées, il en résulte un risque que le navire soit exploité en présentant des dangers non atténués, compromettant la sécurité du navire, de son équipage et de ses passagers, et menaçant l’environnement.

    2.6 Surveillance réglementaire des navires délégués

    Il est essentiel que TC assure une surveillance efficace des navires délégués afin de veiller à ce que ceux-ci satisfassent à l’ensemble de la réglementation canadienne applicable et qu’ils soient maintenus dans un état qui permet leur exploitation sécuritaire. Dans le cadre du PDIO, TC a attribué des responsabilités liées à l’inspection des navires et aux tâches connexes à des organismes reconnus (OR). Les experts maritimes des OR ont les mêmes responsabilités que les inspecteurs de la sécurité maritime (ISM) de TC lorsqu’ils inspectent des navires délégués.

    2.6.1 Bureau Veritas

    Au cours des dernières années, alors que l’Apollo était la propriété du WGOC, les inspecteurs de BV sont montés à bord du navire à de nombreuses reprises dans le contexte des rôles de BV en tant qu’OR du navire et société de classification, ce qui leur a donné plusieurs occasions de surveiller l’état général du navire et de déceler les conditions dangereuses et les situations non conformes à la réglementation.

    Avant le voyage de livraison, BV a effectué une inspection le 23 janvier 2019, n’a enregistré qu’une seule lacune mineure, et a délivré à l’Apollo un certificat de transit pour le voyage de livraison. Avant le départ de St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador), et à l’arrivée à Matane, l’équipe de la STQ a relevé de nombreuses conditions dangereuses à bord, dont bon nombre contrevenaient à la réglementation canadienne. Puis, le 6 février, les inspecteurs de BV ont mené une inspection de transfert de propriété au même moment où TC effectuait une inspection de conformité. Les visites simultanées ont permis de relever 19 lacunes. Le 25 février, BV a mené une autre inspection à la suite du heurt de l’Apollo avec le quai de Godbout et n'a recensé que des lacunes mineures. Toutefois, environ 1 mois plus tard, les données recueillies par le BST ont révélé un certain nombre de conditions dangereuses.

    Certaines des conditions dangereuses relevées à bord de l’Apollo par la STQ, TC et le BST découlaient directement d’éléments qui doivent être spécialement vérifiés par BV durant une inspection pour la délivrance ou l’approbation d’un certificat international de franc-bord (p. ex., portes étanches à l’eau et aux intempéries, fenêtres et coque du navire). D’autres conditions étaient rattachées à des éléments qui doivent être vérifiés par BV durant une inspection pour l’octroi d’un certificat d’inspection (p. ex., pompes d’incendie d’urgence, pompes de cale et conduites d’incendie). Même si ces inspections particulières avaient été effectuées pour l’Apollo en avril 2018, les inspections effectuées par la suite présentaient d’autres occasions de vérifier ces éléments.

    Lorsqu’un expert maritime monte à bord d’un navire à la fois au nom d’un OR et d’une société de classification, il est tenu, conformément à l’entente d’autorisation conclue avec TC, de vérifier que celui-ci respecte la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. Cela signifie que si l’expert maritime observe des lacunes à un quelconque moment alors qu’il est à bord, celles-ci doivent être consignées et une inspection poussée doit être effectuée, si nécessaire. Cependant, lorsqu’un expert maritime monte à bord d’un navire au nom d’une société de classification seulement, il effectue le travail demandé par le propriétaire du navire ou le RA.

    Lorsqu’un expert maritime assume les 2 rôles simultanément, les responsabilités associées à ces rôles peuvent entrer en conflit et nuire au travail prévu par l’entente d’autorisation. Par exemple, si un expert maritime assumant ces 2 rôles monte à bord d’un navire pour inspecter un appareil particulier en vue de vérifier sa conformité aux règles établies par la classification et constate plusieurs conditions non sécuritaires dans la salle des machines, l’expert doit mener une inspection plus approfondie du navire. Cependant, cette obligation peut représenter un conflit avec la portée des tâches de l’expert maritime à bord du navire à ce moment, qui est d’inspecter un appareil particulier à la demande du RA.

    Dans l’événement à l’étude, l’expert maritime de BV responsable de la majorité des travaux d’inspection réalisés sur l’Apollo travaillait simultanément pour l’OR et la société de classification depuis 2014. Même si cet expert maritime avait consigné certaines lacunes relevées à bord de l’Apollo et avisé TC de certaines d’entre elles, plusieurs conditions non sécuritaires sont demeurées présentes. Il est possible que les deux rôles qu’assumait l’expert maritime aient contribué au fait que ces lacunes de sécurité n’ont pas été consignées ni signalées à TC, contrairement à l’entente d’autorisation relative au PDIO conclue avec l’OR.

    Lorsqu’un expert maritime effectue des travaux d’inspection dans le cadre du PDIO en même temps que des tâches pour le compte d’une société de classification, des conflits entre les responsabilités associées à ces 2 rôles peuvent survenir et mener à des lacunes de sécurité non signalées et non corrigées.

    2.6.2 Transports Canada

    TC exige, qu’au minimum, 25 % des navires délégués soient soumis à une inspection de conformité tous les 4 ans. Les navires dont le niveau de risque attribué est plus élevé, comme les navires à passagers et les navires plus anciens, sont soumis à des inspections par les ISM plus fréquemment. Les inspections de conformité donnent à TC l’occasion de vérifier que le RA entretient le navire conformément à la réglementation applicable. Elles lui donnent également la possibilité de surveiller le travail effectué par l’OR. L’ordre de priorité des inspections de conformité des navires délégués est établi à l’aide de la grille d’évaluation des risques de TC. Au cours des 3 années qui ont précédé l’événement, l’Apollo avait toujours été classé dans la tranche inférieure de la catégorie de risque moyen de la grille d’évaluation.

    La grille d’évaluation des risques permet de fournir aux régions de TC une proposition de liste de navires à surveiller au cours de l’année. Cependant, à bord de l’Apollo, un certain nombre de conditions dangereuses n’avaient pas été relevées par l’OR et étaient donc inconnues de TC. Par conséquent, le niveau de risque attribué à l’Apollo ne reflétait pas l’état du navire et a probablement fait diminuer la fréquence à laquelle celui-ci a été ciblé pour des inspections de conformité au cours des dernières années.

    Le 10 octobre 2018, soit environ 3 mois avant la vente de l’Apollo à la STQ, le navire avait été sélectionné au hasard pour faire partie d’une campagne d’inspection concentrée (CIC). Même si les inspections de CIC ne sont pas aussi complètes que les inspections de conformité, elles offrent une autre occasion aux ISM de vérifier l’état général d’un navire. Bien que les ISM soient guidés par une liste de vérification pendant une CIC, ils sont tout de même tenus de procéder à une inspection de conformité si l’état du navire le justifie. Malgré la présence d’un certain nombre de conditions dangereuses à bord de l’Apollo au moment de cette CIC, elles n’ont pas été décelées; ainsi, l’occasion de les corriger a été manquée.

    Lorsque l’Apollo est arrivé à Matane, les ISM sont montés à bord du navire avec l’intention de procéder à une inspection de conformité. Cependant, les ISM n’ont pas effectué l’inspection même après que l’équipage de la STQ a signalé des problèmes avec les systèmes de détection et d’extinction d’incendie du navire. L’inspection a plutôt été reportée et l’équipage a été informé qu’il était de sa responsabilité d’empêcher le navire de naviguer si celui-ci n’était pas jugé apte à naviguer.

    Lorsque les ISM et les experts de BV sont retournés à bord du navire environ 1 semaine plus tard, ils ont relevé 19 lacunes, dont un certain nombre concernait de l’équipement essentiel à la sécurité, ce qui justifiait la détention du navire. Bien que certaines réparations sur le navire étaient requises, certaines situations non conformes à la réglementation décelées à bord du navire ont finalement été négligées et n’ont pas été éliminées. Ces situations non conformes n’ont probablement pas fait l’objet de mesures pour diverses raisons, dont les suivantes :

    • L’Apollo constituait une solution temporaire en attendant le retour du F.-A.-Gauthier prévu pour 3 à 4 mois plus tard.
    • La STQ subissait des pressions pour mettre un navire en service le plus rapidement possible afin de rétablir le service sur une route essentielle.
    • BV avait récemment inspecté et certifié l’Apollo.
    • Dans la récente CIC, seulement 3 lacunes mineures avaient été relevées.

    Puisque la surveillance exercée par TC n’a pas permis de déceler et d’éliminer toutes les conditions dangereuses à bord de l’Apollo, le navire a été mis en service à Matane avec un certain nombre d’entre elles toujours présentes.

    Si la surveillance des navires délégués assurée par TC et les OR ne conduit pas à la détection et à l’élimination en temps opportun des conditions dangereuses et des situations non conformes à la réglementation, il en résulte un risque pour la sécurité du navire, de son équipage et de ses passagers, ainsi que pour l’environnement.

    2.7 Surveillance des organismes reconnus par Transports Canada

    Si TC délègue certains pouvoirs aux OR en vertu de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, TC doit s’assurer qu’il surveille le rendement de ces OR ainsi que l’état des navires délégués. TC peut procéder à des vérifications du travail des OR à tout moment et pour n’importe quelle raison. Les vérifications peuvent être déclenchées, entre autres, à la suite de la constatation d’irrégularités dans la conformité aux exigences canadiennes, de la présentation de rapports défavorables ou d’inspections de TC qui font un constat défavorable de l’intervention de l’OR à bord. TC a le pouvoir de retirer tout navire du PDIO en fonction du rendement de l’OR ou du RA.

    Dans le cas de l’Apollo, TC avait 2 sources d’information différentes pour indiquer que le navire n’avait pas été entretenu conformément à la réglementation et que l’OR n’assurait pas le niveau de surveillance qui aurait permis de déceler le problème. La 1re source d’information était le rapport défavorable concernant l’état de l’Apollo et le travail effectué par l’OR transmis à TC par le capitaine de l’équipe de la STQ. Un rapport défavorable de cette nature concernant un navire inscrit au PDIO devrait donner lieu à un examen approfondi. Cependant, après avoir reçu le rapport, TC n’a pas visité le navire avant le voyage de livraison pour enquêter sur les préoccupations et n’a pas assuré de suivi auprès de BV, qui avait certifié le navire pour le voyage de livraison.

    Le 6 février, TC a entamé une inspection de conformité à Matane pendant que les experts maritimes de BV menaient une inspection de transfert de propriété. Les deux visites ont permis de relever 19 lacunes. Cependant, seulement 2 semaines auparavant, BV avait également inspecté le navire pour lui accorder la certification nécessaire au voyage de livraison et n’avait détecté aucune lacune. La divergence entre les résultats des inspections effectuées dans ce court laps de temps constituait une 2e source d’information indiquant que l’OR permettait l’exploitation de l’Apollo alors que le navire n’était pas apte à prendre la mer. Une fois de plus, TC n’a effectué aucun suivi afin de savoir pourquoi les lacunes n’avaient pas été détectées par BV et a continué de se fier à BV pour délivrer la certification au navire.

    Le processus de surveillance de TC à l’égard des OR repose en grande partie sur les inspections de conformité, qui doivent être suffisamment fréquentes et rigoureuses pour déceler toute lacune dans le travail des OR. Lorsque des lacunes liées à un OR sont constatées, l’agent de programme du PDIO doit en être informé afin qu’il puisse les porter à l’attention de l’OR et tenir un dossier de surveillance. Même si l’Apollo était un navire à passagers vieillissant présentant des conditions dangereuses depuis longtemps, son niveau de risque moyen selon la grille d’évaluation des risques de TC signifiait qu’il n’avait pas été ciblé pour une inspection de conformité au cours des dernières années, ce qui a fait en sorte que les lacunes dans le travail de BV n’ont pas été relevées.

    Des questions similaires concernant la surveillance des OR ont été soulevées lors de l’enquête américaine sur l’événement lié à l’El Faro, qui a révélé des lacunes dans le travail des experts maritimes des sociétés de classification effectué dans le cadre du programme alternatif de conformité et une surveillance insuffisante exercée par la U.S. Coast Guard pour corriger ces lacunes. Aux États-Unis, l’enquête a permis de cerner plusieurs navires battant pavillon américain qui avaient été exploités dans des conditions inférieures aux normes pendant une période prolongée.

    Si la surveillance exercée par TC à l’égard des OR qui effectuent des travaux dans le cadre du PDIO est inefficace, des navires en mauvais état de navigabilité risquent d’être certifiés et exploités, compromettant la sécurité de l’équipage et des passagers et menaçant l’environnement.

    2.8 Surveillance interne de Transports Canada

    Pour qu’une organisation soit efficace, les employés de tous les niveaux doivent avoir des rôles, des responsabilités et des normes clairs relativement au travail qu’ils effectuent. L’organisation doit également disposer de processus efficaces pour donner des directives et des orientations aux employés et pour surveiller leur rendement afin de garantir l’uniformité et la qualité du travail effectué.

    Un examen interne de TC réalisé au cours de l’exercice 2012-2013 a permis de constater que TC présentait des lacunes dans certains domaines critiques liés au travail effectué par les inspecteurs et leurs gestionnaires. Des enquêtes antérieures du BST ont également relevé des lacunes dans le travail effectué par les ISM.

    À l’heure actuelle, TC se fie uniquement aux ISM pour assurer la conformité aux politiques, aux procédures et aux lignes directrices, et ne dispose d’aucun processus lui permettant de vérifier la qualité et l’uniformité des inspections. En l’absence d’une surveillance interne par TC des travaux d’inspection effectués par les ISM, il est impossible de déceler et de corriger les écarts dans l’application des normes d’inspection ou de s’assurer que les ISM appliquent correctement les politiques, les procédures et les lignes directrices. L’enquête a permis de relever des lacunes dans les travaux d’inspection effectués par les ISM sur l’Apollo au cours des dernières années. Toutefois, aucune de ces lacunes n’avait été constatée par TC.

    Si TC ne dispose d’aucun processus pour surveiller le travail effectué par ses ISM, des lacunes dans les travaux d’inspection peuvent ne pas être décelées, ce qui augmente le risque que des navires soient exploités malgré des lacunes de sécurité.

    2.9 Détention de navires

    TC a la responsabilité de s’assurer que les non-conformités sont traitées de manière uniforme à l’échelle nationale. Il doit notamment veiller à ce que les navires en mauvais état de navigabilité soient détenus.

    Actuellement, il n’y a aucune ligne directrice précise pour les ISM lorsqu’ils envisagent la détention d’un navire canadien. Cela signifie que les ISM ne disposent d’aucune norme commune sur laquelle fonder leurs décisions, ce qui peut avoir pour conséquence que des navires en mauvais état de navigabilité ne sont pas détenus alors qu’ils devraient l’être. Ainsi, TC s’en remet au jugement professionnel des ISM.

    Si TC ne fournit pas de lignes directrices précises pour aider les ISM à déterminer quand détenir un navire canadien, il en résulte un risque que des navires en mauvais état de navigabilité continuent d’être exploités.

    2.10 Décisions du Bureau d’examen technique en matière maritime

    Le Bureau d’examen technique en matière maritime (BETMM) a pour mandat de s’assurer que toute substitution liée aux exigences réglementaires qui est accordée à des navires se traduit par un niveau de sécurité équivalent ou supérieur. Le BETMM doit également s’assurer que toute information prise en compte pour prendre ses décisions est exacte.

    La demande de reporter la date de la mise en cale sèche quinquennale obligatoire de l’Apollo a été présentée par le WGOC et était une condition de l’acquisition du navire par la STQ. Le BETMM, dans sa décision de reporter la date de la mise en cale sèche, s’est appuyé sur l’information fournie par BV concernant l’état du navire vieux de 49 ans. Cependant, l’historique d’inspection récente de l’Apollo consigné par BV n’était pas représentatif de l’état réel du navire, et la surveillance exercée par TC n’avait pas permis de constater ce fait.

    Lorsqu’il a pris la décision de reporter la date de la mise en cale sèche du navire, le BETMM a également exigé la réalisation d’une inspection sous-marine à la place de l’inspection en cale sèche. Cependant, cela signifiait qu’il y avait moins de possibilités d’examiner de près la coque du navire pour repérer les brèches et les problèmes liés à l’épaisseur. Cela signifiait aussi qu’il était impossible de réparer les soupapes des coffres de prise d’eau et les conduites d’eau de mer sous pression qui fuyaient, car ces réparations ne peuvent être effectuées que lorsque le navire est hors de l’eau. Par conséquent, le navire ne bénéficiait pas d’un niveau de sécurité équivalent.

    La décision du BETMM prise 2 mois avant l’événement de reporter de 5 mois la date de la mise en cale sèche de l’Apollo était fondée sur l’information fournie par l’OR qui n’était pas représentative de l’état réel du navire, et le navire a été autorisé à continuer d’être exploité malgré des conditions dangereuses qui n’avaient pas été relevées.

    2.11 Formation sur la gestion des ressources à la passerelle

    Pour que la gestion des ressources à la passerelle (GRP) soit efficace, les informations doivent être continuellement communiquées et actualisées entre les membres de l’équipe de la passerelle tout au long du voyage et lors des manœuvres critiques. Une formation sur la GRP offerte à tous les membres de l’équipe de la passerelle les aide à mieux comprendre ces concepts et améliore leur capacité de communiquer et de travailler efficacement de manière à assurer la navigation sécuritaire du navire.

    Dans l’événement à l’étude, le capitaine avait communiqué à l’équipe de la passerelle sa manœuvre d’accostage prévue avant d’entrer dans le port, et les membres de l’équipe savaient que le navire avait des problèmes récurrents avec ses groupes électrogènes qui pouvaient nuire au fonctionnement du propulseur d’étrave. Toutefois, pendant la manœuvre d’accostage, un élément d’information essentiel concernant le propulseur d’étrave n’a pas été communiqué de la passerelle au capitaine. Après que le chef mécanicien eut été avisé que l’ampèremètre du propulseur d’étrave n’indiquait aucune consommation électrique, il a appelé l’équipe de la passerelle pour demander si le propulseur d’étrave fonctionnait; toutefois, la question n’a pas été transmise au capitaine, qui se trouvait à ce moment-là sur l’aileron de passerelle tribord. Le premier officier était occupé avec les ancres au moment de l’appel, ce qui signifiait qu’il n’y avait aucun officier supérieur sur la passerelle qui participait activement à la navigation du navire pour s’assurer que cette question clé était posée au capitaine.

    À l’heure actuelle, rien n’oblige les membres d’une équipe de la passerelle de suivre une formation sur la GRP.

    Si tous les membres d’une équipe de la passerelle ne sont pas tenus de suivre une formation sur la GRP, ou si les membres d’une équipe de la passerelle n’appliquent pas les principes clés de la GRP, il se peut qu’ils ne communiquent et ne travaillent pas efficacement en équipe, ce qui augmente le risque d’accident.

    2.12 Conception des voyants d’état du propulseur d’étrave

    Les voyants d’état jouent un rôle important, car ils renseignent les opérateurs sur les systèmes du navire et leur permettent d’agir en conséquence, grâce à une rétroaction opportune et à une conception intuitive. Les voyants dont la conception n’est pas optimale peuvent nuire à la conscience situationnelle de l’opérateur et, par conséquent, influer négativement sur la conduite et la sécurité du navire.

    À bord de l’Apollo, l’absence de voyants pour certains aspects du système du propulseur d’étrave et la conception d’autres voyants ont entraîné un risque d’erreur de la part de l’opérateur. Par exemple :

    • La console d’aileron de passerelle tribord ne comportait aucun voyant indiquant l’état du propulseur d’étrave (mise sous ou hors tension, utilisation depuis cette console ou une autre console, réponse aux commandes, etc.), si bien qu’aucune rétroaction sur l’état et les réponses du système n’était fournie à l’opérateur.
    • Les voyants blanc et ambré sur la console de passerelle ne renseignaient pas intuitivement l’opérateur sur l’exécution du transfert du contrôle du propulseur d’étrave (depuis la console de passerelle aux consoles d’aileron de passerelle ou vice versa) et n’indiquaient pas à partir de quelle console d’aileron de passerelle le système était contrôlé.
    • La console d’aileron de passerelle bâbord présentait 3 voyants (rouge, blanc et vert), mais aucun d’eux n’était doté d’une étiquette indiquant sa fonction ni ne fonctionnait au moment de l’événement.

    En outre, certaines des étiquettes des voyants de la console de passerelle s’avéraient difficiles à comprendre, surtout celle du voyant blanc, dont la mention était écrite en suédois.

    Lorsque les voyants d’un navire ne renseignent pas de manière exacte et intuitive sur l’état des systèmes, des informations cruciales risquent d’être mal interprétées ou indisponibles, et les mesures qui doivent en découler peuvent être prises de façon tardive et inefficace.

    2.13 Accessibilité des dossiers d’entretien continu

    S’assurer que les dossiers d’entretien continu sont conservés à bord des navires tout au long de leur durée de vie, y compris lorsqu’il y a changement de propriétaire, contribue à l’exploitation sécuritaire des navires en permettant aux propriétaires d’avoir accès à l’historique d’entretien complet des navires.

    Le BST avait déjà soulevé que les dossiers d’entretien continu ne sont pas toujours transférés au nouveau propriétaire lorsqu’un navire est vendu, ce qui signifie que le nouveau propriétaire commence à exploiter le navire sans connaître son historique d’entretien. Il peut alors être difficile pour les nouveaux propriétaires de connaître pleinement l’état des navires et de réaliser des entretiens préventifs fondés sur les risques et l’analyse des tendances, ce qui augmente les risques de défaillances des machines. Bien que les nouveaux propriétaires puissent obtenir les rapports d’état des navires auprès de la société de classification ou de TC, la plupart des renseignements généraux qu’ils contiennent se limitent aux machines et à la structure des navires et ne comprennent pas l’information quotidienne consignée dans les dossiers d’entretien continu.

    Dans l’événement à l’étude, aucun dossier d’entretien continu ne se trouvait à bord de l’Apollo au moment de son acquisition par la STQ. L’absence de dossier a limité la capacité de l’équipe d’ingénieurs de la STQ à prévoir et à prévenir les problèmes susceptibles de toucher l’équipement essentiel. L’absence de dossier signifiait également que l’équipe d’ingénieurs de la STQ n’avait aucune information sur laquelle se fonder pour commencer l’entretien et établir un programme d’entretien préventif. Par conséquent, elle a dû consacrer beaucoup de temps à inspecter chaque équipement essentiel pour en évaluer l’état, établir l’ordre de priorité des réparations et commander des pièces de rechange, au besoin.

    S’il n’est pas exigé que les dossiers d’entretien continu soient conservés à bord des navires tout au long de leur durée de vie, il en résulte un risque que ces dossiers ne soient pas transférés lors de changements de propriétaire, ce qui prive ainsi les nouveaux propriétaires de renseignements clés liés à la sécurité concernant l’équipement essentiel à bord.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. Le capitaine a appuyé sur le bouton de la console d’aileron de passerelle tribord afin d’y transférer le contrôle du propulseur d’étrave depuis la passerelle, mais aucun transfert n’a eu lieu en raison d’un câble électrique cassé.
    2. Le bruit du vent et des vagues ainsi que l’obscurité et l’absence de voyants d’état sur la console d’aileron de passerelle tribord ont empêché le capitaine de remarquer que le propulseur d’étrave ne répondait pas à ses commandes.
    3. En réponse à la question du chef mécanicien, le timonier a signalé que les voyants blanc et ambré de la console de passerelle étaient allumés et, sans vérifier auprès du capitaine, il a mal interprété que le propulseur d’étrave était en cours d’utilisation. Par conséquent, le capitaine ne savait pas que le propulseur d’étrave ne fonctionnait pas.
    4. Pendant les manœuvres d’accostage, la présence de forts vents et le fait que les commandes du propulseur d’étrave ne fonctionnaient pas ont entraîné un heurt entre l’étrave du navire et l’un des ducs-d’Albe, ce qui a mené à la perforation de la coque du navire.
    5. Poussée par les pressions pour rétablir le service de traversier et considérant que l’Apollo serait un navire temporaire destiné à une utilisation à court terme, la Société des traversiers du Québec a mis le navire en service sans effectuer un repérage adéquat des dangers ni une évaluation des risques connexes. Même si les risques liés au propulseur d’étrave de l’Apollo étaient connus, aucune mesure d’atténuation officielle n’a été mise en œuvre, de sorte que le capitaine ne savait pas que le propulseur d’étrave ne fonctionnait pas au moment où il accostait le navire dans des forts vents à Matane.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

    1. Les conditions dangereuses à bord influaient sur la navigabilité de l’Apollo et posaient des risques pour le navire, de même que pour son équipage, ses passagers et l’environnement.
    2. Si un navire n’est pas entretenu de manière appropriée, il en résulte un risque que son état se détériore et que des lacunes dans la sécurité de son exploitation se présentent.
    3. Si le personnel maritime qui participe à l’exploitation du navire n’est pas soutenu par sa direction et Transports Canada dans la prise de décisions qui accordent la priorité à la sécurité, il existe un risque que les navires soient exploités dans des conditions dangereuses.
    4. Si la surveillance externe d’un système de gestion de la sécurité ne relève aucune condition dangereuse ou ne vérifie pas si les observations et les non-conformités existantes sont traitées, il en résulte un risque que le navire soit exploité en présentant des dangers non atténués, compromettant la sécurité du navire, de son équipage et de ses passagers, et menaçant l’environnement.
    5. Si la surveillance des navires délégués assurée par Transports Canada et les organismes reconnus ne conduit pas à la détection et à l’élimination en temps opportun des conditions dangereuses et des situations non conformes à la réglementation, il en résulte un risque pour la sécurité du navire, de son équipage et de ses passagers, ainsi que pour l’environnement.
    6. Si la surveillance exercée par Transports Canada à l’égard des organismes reconnus qui effectuent des travaux dans le cadre du Programme de délégation des inspections obligatoires est inefficace, des navires en mauvais état de navigabilité risquent d’être certifiés et exploités, compromettant la sécurité de l’équipage et des passagers et menaçant l’environnement.
    7. Si Transports Canada ne dispose d’aucun processus pour surveiller le travail effectué par ses inspecteurs de la sécurité maritime, des lacunes dans les travaux d’inspection peuvent ne pas être décelées, ce qui augmente le risque que des navires soient exploités malgré des lacunes de sécurité.
    8. Si Transports Canada ne fournit pas de lignes directrices précises pour aider les inspecteurs de la sécurité maritime à déterminer quand détenir un navire canadien, il en résulte un risque que des navires en mauvais état de navigabilité continuent d’être exploités.
    9. Si tous les membres d’une équipe de la passerelle ne sont pas tenus de suivre une formation sur la gestion des ressources à la passerelle, ou si les membres d’une équipe de la passerelle n’appliquent pas les principes clés de la gestion des ressources à la passerelle, il se peut qu’ils ne communiquent et ne travaillent pas efficacement en équipe, ce qui augmente le risque d’accident.
    10. Lorsque les voyants d’un navire ne renseignent pas de manière exacte et intuitive sur l’état des systèmes, des informations cruciales risquent d’être mal interprétées ou indisponibles, et les mesures qui doivent en découler peuvent être prises de façon tardive et inefficace.
    11. S’il n’est pas exigé que les dossiers d’entretien continu soient conservés à bord des navires tout au long de leur durée de vie, il en résulte un risque que ces dossiers ne soient pas transférés lors de changements de propriétaire, ce qui prive ainsi les nouveaux propriétaires de renseignements clés liés à la sécurité concernant l’équipement essentiel à bord.

    3.3 Autres faits établis

    Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

    1. Au moment de l’événement, plusieurs conditions dangereuses liées à la structure, aux machines, à l’équipement de sécurité et aux composants électriques étaient présentes à bord de l’Apollo, ce qui contrevenait à divers règlements canadiens, dont le Règlement sur les lignes de charge, le Règlement sur l’équipement de sauvetage, le Règlement sur la sécurité contre l’incendie des bâtiments et le Règlement sur les machines de navires.
    2. Lorsqu’un expert maritime effectue des travaux d’inspection dans le cadre du Programme de délégation des inspections obligatoires en même temps que des tâches pour le compte d’une société de classification, des conflits entre les responsabilités associées à ces 2 rôles peuvent survenir et mener à des lacunes de sécurité non signalées et non corrigées.
    3. La décision du Bureau d’examen technique en matière maritime prise 2 mois avant d’événement de reporter de 5 mois la date de la mise en cale sèche de l’Apollo était fondée sur l’information fournie par l’organisme reconnu qui n’était pas représentative de l’état réel du navire, et le navire a été autorisé à continuer d’être exploité malgré des conditions dangereuses qui n’avaient pas été relevées.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada

    Le 17 mars 2019, après être monté à bord de l’Apollo, le BST a signalé à Transports Canada (TC) que l’étanchéité à l’eau, le câblage électrique et le système de lutte contre les incendies du navire posaient des problèmes de sécurité. Le 17 mai 2019, le BST a effectué un suivi auprès de TC par le biais d’un avis de sécurité maritime Note de bas de page 96 portant sur les problèmes de sécurité. Le BST a demandé à être informé de toute mesure prise par TC à ce chapitre. Le 14 juin 2019, TC a répondu au BST que des inspecteurs de TC avaient inspecté l’Apollo le 21 mars 2019 et imposé une interdiction de départ.

    4.1.2 Société des traversiers du Québec

    Après l’événement, la Société des traversiers du Québec (STQ) a réalisé une évaluation des risques et une enquête interne. Dans le rapport d’enquête interne, on indiquait que le propulseur d’étrave ne fonctionnait pas et que le capitaine ne disposait d’aucun dispositif lui indiquant la vitesse du vent, le régime des moteurs principaux et du propulseur d’étrave, de même que la route fond du navire, données essentielles que le capitaine devait posséder pour évaluer la situation et effectuer une manœuvre adéquate.

    Le rapport faisait également état d’une pression générale, surtout après le heurt du quai en février 2019, qui concernait principalement l’exploitation du navire et provenait à la fois de sources internes (en raison de la volonté de continuer à offrir un service sur cette route) et de sources externes (en raison de la couverture médiatique).

    Le rapport formulait les recommandations suivantes :

    • Informer les services de la STQ de leurs rôles en cas d’événement ayant une incidence majeure sur l’organisation.
    • Mettre en œuvre une formation ou une séance d’information sur la prévention de la fatigue et la gestion du stress. L’offrir à tous les employés afin qu’ils disposent des moyens nécessaires pour déceler rapidement les symptômes associés à la fatigue et au stress.
    • Rappeler aux capitaines les responsabilités liées à leur rôle par rapport à la continuité des services.
    • Déployer des ressources à terre disposant de compétences techniques en matière de navigation pour aider les capitaines, ce qui faciliterait la prise de décisions liées à la continuité et à la sécurité dans des situations précaires, comme les conditions météorologiques défavorables.
    • Obtenir les dossiers d’entretien historiques avant d’acheter un navire existant.
    • Effectuer une inspection préalable à l’achat axée sur l’équipement essentiel sans mettre l’accent sur l’urgence de rétablir le service.
    • Mettre en œuvre un programme d’analyse des risques adapté aux activités quotidiennes qui permet à l’équipage de réaliser facilement et rapidement une analyse des risques par lui-même, sans avoir besoin de consulter le siège social.
    • S’assurer que les postes de commandement sont équipés de manière adéquate afin que le capitaine puisse évaluer efficacement la situation et effectuer une manœuvre adéquate.
    • Ajouter un point à la procédure de quart à la passerelle qui exige que tous les navires vérifient leurs commandes avant chaque manœuvre.
    • Modifier la procédure en cas de conditions météorologiques défavorables afin qu’elle tienne compte de la familiarité du capitaine avec le navire.

    En réponse aux recommandations, la STQ a pris les mesures suivantes :

    • Une présentation a été donnée à l’ensemble de la gestion du traversier afin de sensibiliser les membres des services à leurs rôles en cas d’événement ayant une incidence majeure sur l’organisation.
    • Un comité de gouvernance a été créé, lequel est composé du président et directeur général, du vice-président à l’exploitation, du vice-président des ressources humaines, du directeur de l’exploitation, du directeur du service maritime, du directeur du service de génie et du directeur de la santé-sécurité au travail et du mieux-être. Le comité de gouvernance aborde la sécurité et les incidents maritimes.
    • Le directeur de la sécurité et de l’environnement de la STQ a participé à une formation de TC sur la gestion de la fatigue dans le domaine maritime et a ensuite rencontré les responsables des ressources humaines pour mettre sur pied un groupe de travail en vue d’une formation interne sur le sujet.
    • On a rappelé verbalement à tous les capitaines leurs responsabilités liées à leur rôle par rapport à la continuité des services.
    • La STQ a créé et mis sur pied un poste de directeur adjoint pour chacune des traverses de la STQ. La fonction principale de ce poste est axée sur la sécurité liée directement aux activités et à la conformité aux procédures, y compris celles relatives aux conditions météorologiques défavorables.
    • Le service maritime a été informé de la nécessité d’obtenir les dossiers d’entretien historiques avant d’acheter un navire existant.
    • Le service maritime a été mis au fait de la nécessité d’effectuer une inspection préalable à l’achat axée sur l’équipement essentiel sans mettre l’accent sur l’urgence de rétablir le service. Cette mesure a été appliquée lors de l’achat récent d’un navire, le Saaremaa I.
    • Le service maritime a été informé de la nécessité de veiller à ce que les postes de commandement soient équipés de manière adéquate.
    • Une formation de 3 jours a été donnée aux nouveaux directeurs adjoints afin de les familiariser avec leurs nouvelles responsabilités. Une partie de la formation portait sur l’analyse des risques, et les directeurs adjoints ont été informés qu’ils étaient responsables de l’évaluation des risques pour leurs traversées.
    • Les 2 modifications des procédures qui étaient demandées dans les recommandations du rapport interne ont été apportées.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Configuration générale de l’Apollo

    Annexe A – Configuration générale de l’Apollo
    Image
    Configuration générale de l’Apollo

    Source : Dover Ferry Photos

    Annexe B – Liste des mesures correctives à prendre

    Après l’acquisition de l’Apollo, la Société des traversiers du Québec a déterminé que les mesures correctives suivantes devaient être prises :

    • la soupape reliant le tuyau de cale et le collecteur d’incendie devait être réparée;
    • l’une des sections de la conduite d’aspiration principale alimentant la pompe d’incendie d’urgence, dans la salle du purificateur, devait être remplacée;
    • la pompe d’incendie d’urgence de la salle du purificateur présentait une contre-rotation en raison d’une mauvaise connexion électrique; une connexion adéquate devait être rétablie;
    • l’une des pompes de cale (identifiée comme une pompe d’incendie d’urgence sur le plan d’équipement d’incendie approuvé) devait être réparée;
    • les vannes de commande hydraulique de la cale devaient être remises à neuf;
    • six sections de tuyau de cale perforées devaient être coupées et remplacées;
    • les alarmes de cale devaient être réparées;
    • les pompes de cale et de ballast devaient être révisées et remises en service;
    • les garants d’embarcation de bossoir devaient être remplacés;
    • les instructions d’utilisation de bossoir devaient être affichées près du bossoir;
    • le moteur hors-bord de l’embarcation de sauvetage tribord était grippé et devait être remplacé;
    • la gouverne de l’embarcation de sauvetage bâbord devait être réparée;
    • le plan de sauvetage du carré d’équipage devait être actualisé;
    • l’ascenseur du navire n’était pas conforme au Règlement sur les ascenseurs de navires et son système de commande devait être modifié, car l’ascenseur servait d’élévateur;
    • deux des robinets d’eau de ballast à fermeture automatique fixés aux tuyaux de sonde étaient bloqués en position ouverte par du sel de mer, dans la salle des machines;
    • la modification apportée en 2005 à la puissance propulsive du navire devait être signalée au registraire en chef du Canada et inscrite au Registre canadien d’immatriculation des bâtiments;
    • la salle de contrôle des gicleurs devait être nettoyée;
    • les buses du système d’extinction devaient être retirées, nettoyées et réinstallées;
    • des sections de tuyau du système d’extinction étaient perforées par la rouille et devaient être remplacées (mezzanine avant, extrémité arrière du navire et salle de CO2 bâbord);
    • dix sections de tuyau à extrémité filetée devaient être remplacées sur la conduite de distribution principale du système d’extinction;
    • deux sections de la conduite de distribution principale du système d’extinction étaient partiellement bloquées et devaient être réparées;
    • des instructions et des affiches devaient être traduites dans les 2 langues officielles du Canada, conformément à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et au Règlement sur l’équipement de sauvetage;
    • des tables bloquaient la sortie de secours du pont 6 et devaient être retirées;
    • les drains du pont-garage devaient être nettoyés;
    • les taquets et les joints d’étanchéité des portes des 2 descentes situées à l’avant du pont 5 devaient être réparés;
    • les 2 panneaux d’écoutille étanches à l’eau, à l’arrière du pont 5, étaient perforés par la corrosion et leurs bordés, taquets et joints d’étanchéité devaient être réparés;
    • le joint d’étanchéité de la porte étanche à l’eau/coupe-feu du pont-garage (pont 3) menant à la salle des machines devait être réparé;
    • le taquet de la porte interne avant devait être réparé;
    • des modifications devaient être apportées à la porte de la salle de CO2 afin qu’elle puisse se fermer;
    • les ampoules des voyants du panneau de surveillance des portes étanches à l’eau/coupe-feu devaient être remplacées;
    • l’interrupteur de fin de course d’une porte d’accès du pilote, sur le pont-garage (pont 5), devait être réparé;
    • le fusible du groupe hydraulique 1 actionnant les portes coulissantes étanches à l’eau devait être remplacé;
    • le moteur électrique du groupe hydraulique 2 actionnant les portes coulissantes étanches à l’eau était défectueux (alimentation depuis le tableau de distribution d’urgence);
    • il fallait prendre des mesures pour que les portes coulissantes étanches à l’eau/coupe-feu du pont-garage (pont 3) fonctionnent;
    • l’un des engrenages du treuil d’amarrage devait être réparé;
    • l’axiomètre devait être réparé et étalonné;
    • le compas gyroscopique devait être remis à neuf;
    • un magnétron de radar devait être remplacé;
    • l’une des soupapes d’isolement du collecteur d’incendie avait été condamnée en raison de la fuite touchant la conduite d’incendie dans la salle des machines, et des sections corrodées du collecteur devaient être remplacées;
    • la soupape d’isolement du collecteur d’incendie du pont-garage (pont 3) devait être remplacée;
    • trois sections corrodées du collecteur d’incendie, sur le pont-garage (pont 3), devaient être remplacées;
    • l’une des sections du collecteur d’incendie située dans la salle du groupe électrogène de secours (pont 7) devait être remplacée;
    • le collecteur d’incendie était perforé et fuyait sous l’escalier situé près du poste d’équipage (pont 2);
    • la borne d’incendie H-2 du pont 7 et la borne H-9 du pont 6 étaient hors service et de nouveaux tuyaux s’avéraient nécessaires pour remettre les postes d’incendie en service;
    • dix soupapes à bille de borne d’incendie de 2 pouces devaient être remplacées;
    • les tuyaux externes de borne d’incendie devaient être modifiés pour prévenir toute rupture causée par une accumulation et un gel de l’eau;
    • neuf extincteurs d’incendie désuets devaient être remplacés;
    • une cloison coupe-feu devait être réparée;
    • le dispositif de fermeture de registre coupe-feu situé du côté bâbord avant devait être réparé;
    • un support devait être fabriqué et installé pour soutenir le registre coupe-feu de la cheminée;
    • le panneau de commande et le système de détection d’incendie émettaient de faux signaux d’alarme et devaient être réparés;
    • les détecteurs d’incendie défectueux devaient être remplacés;
    • les ventilateurs d’aspiration avant et arrière, à bâbord, sur le pont-garage, devaient être remplacés;
    • des ampoules du système d’éclairage d’urgence devaient être remplacées;
    • l’interrupteur d’arrêt à distance de la ventilation dans la chaufferie, sur le pont-garage, devait être réparé;
    • les soupapes à fermeture rapide des réservoirs de chaudière et de décantation devaient être réparées;
    • l’interrupteur de la pompe de prélubrification du moteur principal Wärtsilä devait être réparé;
    • les capteurs de température élevée du moteur principal Wärtsilä étaient obstrués et devaient être remplacés;
    • les joints d’étanchéité des crémaillères d’injection du moteur principal Wärtsilä fuyaient et devaient être réparés;
    • la conduite d’eau de mer de refroidissement du moteur principal Wärtsilä présentait une réparation temporaire (placard à joint plastique);
    • la vanne de régulation de température à 3 voies du moteur principal MAN devait être remise à neuf;
    • le drain de récupération du moteur principal MAN devait être réparé;
    • deux écrous de capot de cylindre du moteur principal MAN étaient mal serrés à 400 bars. Tous les écrous devaient être serrés selon une pression de 600 bars;
    • la conduite d’eau de mer de refroidissement du moteur principal MAN présentait une réparation temporaire (placard à joint plastique) et 3 sections de la conduite devaient être remplacées;
    • le dispositif d’aspiration à la mer de la pompe d’incendie Big Bertha fuyait;
    • la conduite d’eau de mer de refroidissement le groupe électrogène 1 fuyait et devait être remplacée;
    • le refroidisseur à eau douce du groupe électrogène e 2 devait être réparé;
    • la conduite d’eau de mer de refroidissement du groupe électrogène 3 fuyait et devait être soudée;
    • la soupape d’isolement du coffre de prise d’eau à forte aspiration bâbord ne fermait pas de manière serrée;
    • la soupape d’isolement du coffre de prise d’eau à faible aspiration tribord ne fermait pas de manière serrée;
    • la salle de CO2 devenait inondée et exigeait un pompage;
    • l’épurateur d’huile de lubrification posait problème;
    • une brèche dans la coque, à l’arrière et à tribord, devait être réparée;
    • un étalonnage devait être effectué afin d’éliminer l’écart de 4 à 5 degrés vers bâbord qui séparait les valeurs de l’axiomètre de celles du répétiteur de timonerie.

    Annexe C – Chronologie des principaux événements relatifs à l’Apollo après son achat par la Société des traversiers du Québec

    Date Événement
    15 janvier 2019 La Société des traversiers du Québec (STQ) et le Woodward Group signent un protocole d’accord pour l’achat de l’Apollo.
    18 janvier 2019 BV commence à effectuer une inspection de classification et une inspection de navires de l’État du pavillon à bord de l’Apollo à St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador).
    21 janvier 2019 L’équipe de la STQ monte à bord de l’Apollo à St. Barbe.
    22 janvier 2019 L’équipage et le capitaine de l’équipe de la STQ participent à une téléconférence avec la gestion de la STQ au sujet des préoccupations concernant l’état de l’Apollo.
    22 janvier 2019 TC reçoit un rapport sur les préoccupations relatives à l’état de l’Apollo.
    23 janvier 2019 BV termine l’inspection de classification et l’inspection de navires de l’État du pavillon et délivre un certificat à l’Apollo pour le voyage de livraison.
    25 janvier 2019 L’Apollo quitte St. Barbe en direction de Matane (Québec).
    28 janvier 2019 L’Apollo arrive à Matane.
    29 janvier 2019 L’équipe de TC arrive pour effectuer une inspection de conformité et l’équipe de BV arrive pour réaliser une inspection de passation des pouvoirs, mais les 2 inspections sont reportées parce que le transfert de propriété du navire n’est pas terminé.
    29 janvier 2019 La STQ et le Woodward Group officialisent le transfert de propriété de l’Apollo.
    Du 29 janvier 2019 jusqu’à ce que le navire soit retiré du service La STQ effectue des réparations sur le navire.
    6 février 2019 BV effectue une inspection de passation des pouvoirs.
    6 et 7 février 2019 TC effectue une inspection de conformité.
    8 février 2019 Lloyd’s Register procède à une vérification du navire et lui délivre un certificat provisoire de gestion de la sécurité.
    10 février 2019 BV vérifie les lacunes relevées par TC et délivre à l’Apollo ses documents maritimes canadiens.
    14 février 2019 L’Apollo effectue sa première traversée de Matane à Baie-Comeau (Québec).
    25 février 2019 L’Apollo heurte le quai de Godbout (Québec).
    25 février 2019 TC effectue une inspection de conformité.
    Du 26 février au 7 mars 2019 BV effectue différentes inspections de classification et inspections de navires de l’État du pavillon.
    8 mars 2019 Le moteur principal bâbord de l’Apollo tombe en panne peu après le départ de Matane.
    16 mars 2019 L’Apollo heurte le quai de Matane.
    21 mars 2019 TC effectue une inspection de conformité.
    22 mars 2019 BV effectue différentes inspections de classification et inspections de navires de l’État du pavillon.

    Source : BST

    Annexe D – Région où s’est produit l’événement

    Annexe D – Région où s’est produit l’événement
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    Région où s’est produit l’événement

    Source de l’image principale : Carte 1236(02) du Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST; source de l’image en médaillon : Google Earth, avec annotations du BST

    Annexe E – Historique d’inspection de l’Apollo

    Date du rapport d’inspection Lieu de l’inspection Responsable de l’inspection Type d’inspection
    22 mars 2019 (à la suite du heurt de l’Apollo avec un duc-d’Albe à Matane) Matane (Québec) Bureau Veritas (BV)
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection occasionnelle de sécurité de Transports Canada (TC) en matière de cargaisons
    • Inspection de renouvellement en matière de sécurité radioélectrique
    • Inspection annuelle en matière de pollution par des hydrocarbures
    21 mars 2019 (à la suite du heurt de l’Apollo avec un duc-d’Albe à Matane) Matane (Québec) TC Inspection de conformité de TC
    Du 26 février au 7 mars 2019 (à la suite du heurt de l’Apollo avec le quai de Godbout) Matane (Québec) BV
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection occasionnelle des machines
    • Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    25 février 2019 (à la suite du heurt de l’Apollo avec le quai de Godbout) Godbout (Québec) TC Inspection de conformité de TC
    9 février 2019 Matane (Québec) BV Suivi relatif à l’inspection de passation des pouvoirs liée au Programme de délégation des inspections obligatoires (PDIO) et délivrance du certificat d’inspection du navire
    8 février 2019 Matane (Québec) Lloyd’s Register Vérification externe selon le Code international de gestion de la sécurité (Code ISM)
    6 et 7 février 2019 Matane (Québec) TC Inspection de conformité de TC
    6 février 2019 Matane (Québec) BV
    • Inspection de passation des pouvoirs
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection occasionnelle des machines
    • Inspection de renouvellement de TC en matière de sécurité des passagers
    • Inspection de renouvellement en matière de sécurité radioélectrique
    Du 18 au 23 janvier 2019 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection occasionnelle des machines
    • Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    17 novembre 2018 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection occasionnelle de la coque
    10 octobre 2018 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) TC Inspection dans le cadre de la campagne d’inspection concentrée de TC
    30 mai 2018 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection occasionnelle des machines
    • Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    Du 3 au 6 avril 2018 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection périodique sous-marine
    • Inspection annuelle de la structure
    • Inspection continue des machines
    • Inspection annuelle des machines
    • Inspection annuelle des lignes de charge
    • Inspection de renouvellement de TC en matière de sécurité des passagers
    • Inspection de renouvellement en matière de sécurité radioélectrique
    • Inspection annuelle en matière de pollution par des hydrocarbures
    Du 22 au 24 août 2017 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    • Inspection périodique sous-marine
    11 mai 2017 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection occasionnelle des machines
    • Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    Du 11 au 13 avril 2017 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection annuelle en matière de pollution atmosphérique
    • Inspection annuelle de la coque
    • Inspection annuelle de la structure
    • Inspection annuelle des machines
    • Inspection annuelle des lignes de charge
    • Inspection annuelle en matière de pollution par des hydrocarbures
    • Inspection de renouvellement en matière de sécurité radioélectrique
    • Inspection de renouvellement de TC en matière de sécurité des passagers
    23 novembre 2016 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) TC Inspection de conformité de TC
    14 et 15 novembre 2016 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection intermédiaire de la coque
    • Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    11 juillet 2016 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    11 et 12 avril 2016 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    • Inspection de renouvellement de TC en matière de sécurité des passagers
    • Inspection continue des machines
    27 février 2016 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV Inspection occasionnelle des machines
    Du 12 au 30 janvier 2016 St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection intermédiaire en matière de pollution atmosphérique
    • Inspection annuelle de la coque
    • Inspection annuelle de la structure
    • Inspection annuelle des machines
    • Inspection continue des machines
    • Inspection annuelle des lignes de charge
    • Inspection intermédiaire en matière de pollution par des hydrocarbures
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection de renouvellement en matière de sécurité radioélectrique
    • Inspection de TC visant le fond des navires à passagers
    • Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    • Inspection complète de l’arbre porte-hélice bâbord
    11 novembre 2015 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    7 octobre 2015 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) TC Inspection de conformité de TC
    26 mai 2015 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection occasionnelle des machines
    • Inspection annuelle de la structure
    • Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    28 et 29 avril 2015 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection occasionnelle des machines
    Du 20 au 26 avril 2015 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection annuelle de la coque
    • Inspection annuelle de la structure
    • Inspection annuelle des machines
    • Inspection annuelle des lignes de charge
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection occasionnelle en matière de sécurité radioélectrique
    • Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    • Inspection de renouvellement de TC en matière de sécurité des passagers
    7 et 8 avril 2015 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection annuelle en matière de pollution atmosphérique
    • Inspection annuelle en matière de pollution par des hydrocarbures
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection de renouvellement en matière de sécurité radioélectrique
    18 mars 2015 Corner Brook (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection continue des machines
    • Inspection occasionnelle des machines
    10 novembre 2014 St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection occasionnelle de TC en matière de sécurité des passagers
    30 septembre 2014 St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection occasionnelle des machines
    24 avril 2014 St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) BV
    • Inspection de passation des pouvoirs avec TC
    • Inspection occasionnelle du système antisalissure
    • Inspection annuelle de la coque
    • Inspection annuelle des machines
    • Inspection continue des machines
    • Inspection périodique du fond en cale sèche
    • Inspection périodique harmonisée en matière de sécurité radioélectrique
    • Inspection de renouvellement en matière de pollution atmosphérique
    • Inspection périodique des lignes de charge
    • Inspection occasionnelle de la coque
    • Inspection occasionnelle des machines
    • Inspection périodique en matière de sécurité des passagers
    • Inspection périodique en matière de pollution par des hydrocarbures
    • Essai quinquennal des dispositifs de mise à l’eau
    • Inspection de renouvellement de la classe de coque
    • Inspection modifiée de l’arbre porte-hélice tribord
    24 février 2014 St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) TC Inspection de passation des pouvoirs / réunion de clôture

    Les cellules grisées indiquent les inspections menées par Transports Canada.

    Annexe F – Résultats de l’inspection de l’Apollo réalisée dans le cadre de la campagne d’inspection concentrée de 2018 axée sur les procédures de sécurité et d’entretien des navires (en anglais seulement)

    Annexe F – Résultats de l’inspection de l’Apollo réalisée dans le cadre de la campagne d’inspection concentrée de 2018 axée sur les procédures de sécurité et d’entretien des navires (en anglais seulement)
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    Résultats de l’inspection de l’Apollo réalisée dans le cadre de la campagne d’inspection concentrée de 2018 axée sur les procédures de sécurité et d’entretien des navires (en anglais seulement)
    Annexe F – Résultats de l’inspection de l’Apollo réalisée dans le cadre de la campagne d’inspection concentrée de 2018 axée sur les procédures de sécurité et d’entretien des navires (en anglais seulement)
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    Résultats de l’inspection de l’Apollo réalisée dans le cadre de la campagne d’inspection concentrée de 2018 axée sur les procédures de sécurité et d’entretien des navires (en anglais seulement)

    Source : Transports Canada

    Annexe G – Données recueillies pendant la visite de l’Apollo effectuée par le BST du 17 au 19 mars 2019

    Étanchéité à l’eau

    • La rouille avait percé une brèche d’environ 2 cm de largeur sur 1 cm de hauteur dans le bordé de la visière d’étrave. De la rouille et de la corrosion étaient visibles autour de la brèche (figure G1).
    Figure G1. Brèche percée par la rouille à travers la visière d’étrave (Source : BST)
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    Brèche percée par la rouille à travers la visière d’étrave (Source : BST)
    • Les robinets à fermeture automatique de 2 des tuyaux de sonde des réservoirs à double fond étaient bloqués en position ouverte par de la rouille et des résidus de sel (figure G2).
    Figure G2. Robinet à fermeture automatique de réservoir à double fond bloqué en position ouverte (Source : BST)
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    Robinet à fermeture automatique de réservoir à double fond bloqué en position ouverte (Source : BST)
    • L’une des citernes de ballast à double fond (no 22) était sous pression et de l’eau en était continuellement projetée dans la salle des machines lorsque le tuyau de sonde était ouvert (figure G3).
    Figure G3. Eau de mer projetée depuis un tuyau de sonde ouvert (Source : BST)
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    Eau de mer projetée depuis un tuyau de sonde ouvert (Source : BST)
    • Au moins 3 des couples de coque avaient été modifiés par découpage (figure G4).
    • Il manquait certains des boulons de fixation des vannes de coque au sein de celles servant à évacuer l’eau de mer par-dessus bord (figure G4).
    Figure G4. Modifications de couples par découpage et boulons manquants au sein de vannes de coque (Source : BST)
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    Modifications de couples par découpage et boulons manquants au sein de vannes de coque (Source : BST)
    • Les cadres d’aluminium servant à fixer les fenêtres de verre trempé situées sous le point d’envahissement du navire étaient corrodés autour des trous de vis et, par endroits, ils n’étaient plus rattachés à la structure qui les entourait (figure G5).
    • Les fenêtres de verre trempé n’étaient plus étanches à l’eau et des résidus de sel s’étaient accumulés à l’intérieur d’un certain nombre de fenêtres et de cadres de fenêtre, là où des fuites étaient survenues (figure G5).
    Figure G5. Cadres de fenêtre d’aluminium corrodés (Source : BST)
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    Cadres de fenêtre d’aluminium corrodés (Source : BST)
    • La superstructure du navire était fissurée sur environ 10 cm, à partir du coin inférieur de l’une des fenêtres (figure G6). À un certain moment, une plaque avait été soudée sur la fissure, réparation temporaire qui ne s’avérait toutefois plus efficace.
    Figure G6. Fissure dans la superstructure dont la réparation a échoué (Source : BST)
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    Fissure dans la superstructure dont la réparation a échoué (Source : BST)
    • Les cadres de porte et les portes des descentes du pont avant n’étaient plus étanches à l’eau en raison de la rouille et de la détérioration de joints d’étanchéité (figure G7).
    Figure G7. Descentes, à gauche, et portes et cadres de porte rouillés dans les descentes, à droite (Source : BST)
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    Descentes, à gauche, et portes et cadres de porte rouillés dans les descentes, à droite (Source : BST)
    • De nombreux découpages avaient été effectués à travers une cloison longitudinale devant être étanche à l’eau afin de permettre l’installation d’équipement dans le panneau de commande de la visière d’étrave (figure G8).
    Figure G8. Découpages dans une cloison longitudinale étanche à l’eau (Source : BST)
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    Découpages dans une cloison longitudinale étanche à l’eau (Source : BST)
    • L’une des 2 pompes hydrauliques actionnant les portes coulissantes hydrauliques étanches à l’eau des ponts 1 et 2 ne fonctionnait pas. La pompe hors service faisait partie de l’équipement essentiel du navire et devait être alimentée par le tableau de distribution d’urgence en cas de panne. La pompe qui fonctionnait n’était pas alimentée par le tableau de distribution d’urgence et ne fonctionnait que de façon intermittente en raison d’un problème continu posé par son fusible.

    Systèmes de détection, d’alarme et d’extinction d’incendie

    • Une section du collecteur d’incendie passant dans le plafond du pont 2 avait fui par le passé, et des parties du collecteur avaient été définitivement bloquées pendant l’exploitation du navire à Terre-Neuve-et-Labrador afin de prévenir de nouvelles fuites, ce qui coupait l’alimentation en eau de plusieurs postes d’incendieNote de bas de page 97 rattachés à cette section. De l’amiante installé dans le plafond empêchait l’équipage d’atteindre cette section du collecteur d’incendie pour la réparer.
    • Certains détecteurs d’incendie et de fumée installés dans les environs du collecteur d’incendie, dans le plafond du pont 2, avaient été endommagés par de l’eau de mer (figure G9).
    Figure G9. Détecteur endommagé (Source : BST)
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    Détecteur endommagé (Source : BST)
    • Certaines sections du collecteur d’incendie étaient corrodées et fuyaient, et plusieurs réparations au moyen de placards à joint plastique et de joints mécaniques de tuyau y avaient été effectuées (figure G10). L’une des sections du collecteur d’incendie fuyait dans l’escalier situé entre les ponts 2 et 3 (figure G11).
    Figure G10. Joints mécaniques de tuyau (Source : BST)
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    Joints mécaniques de tuyau (Source : BST)
    Figure G11. Eau fuyant dans l’escalier du pont 2 avec une image en médaillon montrant un trou dans le même escalier (Source : BST)
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    Eau fuyant dans l’escalier du pont 2 avec une image en médaillon montrant un trou dans le même escalier (Source : BST)
    • Des membres d’équipage avaient signalé que le panneau de détection d’incendie produisait des messages d’erreur récurrents.
    • Des résidus de sel s’étaient accumulés là où la pompe d’incendie d’urgence avait fui (figure G12).
    Figure G12. Résidus de sel issus d’un fouloir fuyant sur la pompe d’incendie d’urgence (Source : BST)
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    Résidus de sel issus d’un fouloir fuyant sur la pompe d’incendie d’urgence (Source : BST)
    • Certaines des cloisons de la salle des machines devant servir de coupe-feu n’avaient pas l’isolation ignifuge nécessaire pour empêcher un incendie de se propager (figure G13).
    Figure G13. Manque d’isolation ignifuge dans la salle des machines (Source : BST)
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    Manque d’isolation ignifuge dans la salle des machines (Source : BST)
    • Des résidus huileux, des chiffons contaminés et des tampons d’absorption d’huile reposaient un peu partout dans les salles des machines principales et auxiliaires, y posant tous un danger d’incendie (figure G14).
    Figure G14. Résidus huileux dans les cales de la salle des machines (Source : BST)
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    Résidus huileux dans les cales de la salle des machines (Source : BST)
    • Plusieurs des portes coulissantes coupe-feu semi-étanches à l’eauNote de bas de page 98 du pont-garage ne s’ouvraient et ne se fermaient pas de manière fiable quand l’assiette du navire n’était pas neutre (figure G15), et plusieurs des mécanismes de commande locale ne fonctionnaient plus.
    Figure G15. Porte coulissante coupe-feu pneumatique semi-étanche à l’eau, sur le pont-garage (Source : BST)
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    Porte coulissante coupe-feu pneumatique semi-étanche à l’eau, sur le pont-garage (Source : BST)
    • Certains des joints de caoutchouc entourant les registres coupe-feu des conduits d’entrée d’air du navire n’étaient plus étanches à l’air lorsque les registres étaient fermés (figure G16).
    Figure G16. Conduits d’entrée d’air (Source : BST)
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    Conduits d’entrée d’air (Source : BST)
    • Aucun panneau n’indiquait à quels compartiments les registres coupe-feu correspondaient.
    • Aucun panneau ne signalait qu’il fallait fermer les registres coupe-feu en cas d’incendie, ce qui contrevenait à la réglementation.

    Systèmes et machines principaux et auxiliaires

    • Certaines des soupapes d’isolement de la salle des machines n’avaient aucun volant permettant d’isoler l’écoulement de diverses matières (huile de lubrification, air, etc.) vers de l’équipement (figure G17).
    Figure G17. Soupapes d’isolement sans volant (Source : BST)
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    Soupapes d’isolement sans volant (Source : BST)
    • Certaines soupapes d’isolement comportaient des plaques permanentes qui en indiquaient la fonction, alors que d’autres étaient dotées d’étiquettes de papier temporaires qui étaient plus susceptibles d’être accidentellement arrachées ou rendues illisibles lors de fuites ou de déversements, par exemple (figure G18).
    Figure G18. Étiquettes de papier sur les soupapes d’isolement (Source : BST)
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    Étiquettes de papier sur les soupapes d’isolement (Source : BST)
    • L’une des conduites d’air sous pression du navireavait été réparée au moyen de soudures et de placards à joint plastique (figure G19).
    Figure G19. Conduite d’air réparée au moyen de soudures et de placards à joint plastique (Source : BST)
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    Conduite d’air réparée au moyen de soudures et de placards à joint plastique (Source : BST)
    • Une section du collecteur d’incendie située dans la salle des machines, au-dessus des machines principales, était recouverte de résidus de sel, là où elle avait fui autour d’une réparation effectuée au moyen d’un placard à joint plastique (figure G20).
    Figure G20. Résidus de sel autour d’une réparation effectuée au moyen d’un placard à joint plastique sur le collecteur d’incendie (Source : BST)
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    Résidus de sel autour d’une réparation effectuée au moyen d’un placard à joint plastique sur le collecteur d’incendie (Source : BST)
    • Un seau avait été déposé par-dessus le moteur électrique de vireur afin de le protéger contre les fuites (figure G21).
    Figure G21. Seau protégeant le vireur du moteur principal contre une conduite qui fuyait, et corde autour du vireur (Source : BST)
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    Seau protégeant le vireur du moteur principal contre une conduite qui fuyait, et corde autour du vireur (Source : BST)
    • Une corde avait été attachée autour du vireur du moteur principal afin de l’empêcher de glisser (figure G21).
    • Le levier d’arrêt du moteur principal bâbord était maintenu en place par une courroie de caoutchouc (figure G22).
    Figure G22. Courroie de caoutchouc maintenant le levier en place (Source : BST)
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    Courroie de caoutchouc maintenant le levier en place (Source : BST)
    • Perforations par corrosion des capots d’extrémité des refroidisseurs intermédiaires des 3 moteurs diesels auxiliaires, et ces trous étaient entourés de rouille et de résidus de sel là où de l’eau de mer avait fui. Les refroidisseurs intermédiaires se servent de l’eau de mer pour abaisser la température de l’air d’entrée acheminé depuis le turbocompresseur jusque dans les cylindres afin d’accroître le rendement des moteurs (figure G23).
    Figure G23. Perforation dans le capot d’extrémité d’un refroidisseur intermédiaire de l’un des moteurs diesels auxiliaires (Source : BST)
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    Perforation dans le capot d’extrémité d’un refroidisseur intermédiaire de l’un des moteurs diesels auxiliaires (Source : BST)
    • Le panneau principal de la salle de commande des machines présentait des interrupteurs et des voyants superflus préalablement rattachés à de l’équipement qui avait été remplacé ou qui n’était plus utilisé (figure G24).
    Figure G24. Interrupteurs et voyants inutiles dans la salle de commande des machines (Source : BST)
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    Interrupteurs et voyants inutiles dans la salle de commande des machines (Source : BST)
    • Dans la salle de commande des machines, certains interrupteurs et voyants actifs étaient recouverts de ruban à conduits (figure G25).
    Figure G25. Interrupteurs et voyants actifs, sous du ruban à conduits (Source : BST)
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    Interrupteurs et voyants actifs, sous du ruban à conduits (Source : BST)
    • La soupape d’inversion d’une crépine double de conduite de refroidissement de machine auxiliaire fuyait (figure G26).
    Figure G26. Fuite d’une soupape d’inversion de crépine double (Source : BST)
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    Fuite d’une soupape d’inversion de crépine double (Source : BST)

    Composants électriques

    • La console de passerelle renfermait des câbles électriques superflus (figure G27).
    Figure G27. Câbles électriques superflus dans la console de passerelle (Source : BST)
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    Câbles électriques superflus dans la console de passerelle (Source : BST)
    • La console d’aileron de passerelle tribord contenait des câbles électriques qui n’étaient pas adéquatement fixés avec des serre-fils (figure G28).
    Figure G28. Câbles mal fixés qui pendaient dans la console d’aileron de passerelle tribord (Source : BST)
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    Câbles mal fixés qui pendaient dans la console d’aileron de passerelle tribord (Source : BST)
    • Dans le panneau de commande des portes coulissantes hydrauliques, le câblage électrique n’était pas conforme aux exigences de la norme TP 127 – Normes d’électricité régissant les naviresNote de bas de page 99. Comme en témoigne la figure G29 :
      • de multiples câbles étaient connectés à une seule borne (1);
      • des borniers pendaient (2);
      • de multiples câbles n’étaient pas connectés (3);
      • une boîte à relais n’était pas fixée (4);
      • des connexions étaient effectuées avec des câbles de calibre différent (5).
    Figure G29. Câblage électrique dans le panneau de commande des unités d’actionnement de porte étanche à l’eau (Source : BST)
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    Câblage électrique dans le panneau de commande des unités d’actionnement de porte étanche à l’eau (Source : BST)
    • Certains des détecteurs d’incendie et de fumée du navire comportaient un câblage électrique défectueux.

    Équipement de pont et de navigation

    • Les engrenages des 2 treuils/guindeaux d’amarrage électriques du navire étaient corrodés et considérablement usés (figure G30).
    Figure G30. Engrenage du treuil d’amarrage tribord (Source : BST)
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    Engrenage du treuil d’amarrage tribord (Source : BST)
    • Les ventilateurs d’aspiration servant à expulser du monoxyde de carbone du pont-garage ne fonctionnaient pas (figure G31).
    Figure G31. Ventilateur d’aspiration défectueux (Source : BST)
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    Ventilateur d’aspiration défectueux (Source : BST)
    • Un chiffon était enfoncé dans le tube du compas magnétique du navire, dans lequel un réflecteur indiquait le cap au compas, sur la passerelle (figure G32).
    Figure G32. Chiffon enfoncé dans le tube de réflecteur de compas magnétique (Source : BST)
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    Chiffon enfoncé dans le tube de réflecteur de compas magnétique (Source : BST)

    Annexe H – Événements antérieurs mettant en cause la surveillance réglementaire

    Événements internationaux

    NTSB/MAR-17/01 – Le 1er octobre 2015, l’El Faro, un navire de charge vieux de 40 ans transportant 33 membres d’équipage, naviguait sur une route régulière entre Jacksonville, en Floride, et San Juan, à Porto Rico, lorsqu’il a sombré et coulé à environ 40 milles marins au nord-est d’Acklins and Crooked Island, aux Bahamas. Aucun membre de l’équipage n’a survécu au naufrage. Le rapport a notamment conclu que le programme alternatif de conformité de la U.S. Coast Guard (un programme similaire au Programme de délégation des inspections obligatoires [PDIO] de Transports Canada [TC]) ne permet pas de garantir efficacement que les navires respectent les normes de sécurité exigées par la réglementation, et que de nombreux navires inscrits au programme sont exploités dans des conditions inférieures aux normes. Dans le rapport, on a recommandé que la U.S. Coast Guard procède à un examen complet du programme alternatif de conformité afin d’en évaluer la pertinence et l’efficacité.

    Événements du BST

    M14C0156 – Le 11 août 2014, le navire à passagers La Relève II effectuait une croisière-excursion au large de Havre-Saint-Pierre (Québec) lorsqu’un incendie s’est déclaré dans le compartiment moteur. Les 33 passagers ont été évacués sur 2 des radeaux de sauvetage du navire, puis ont été transbordés à 2 navires commerciaux. L’équipage a réussi à éteindre l’incendie. Un passager a subi des blessures lors de l’évacuation du navire. Il n’y a pas eu de pollution, mais le moteur et le compartiment moteur du navire en cause ont été endommagés. L’enquête a révélé que, pour plusieurs années consécutives, on avait accordé la certification au navire malgré l’absence de documentation et des lacunes qui n’avaient pas été corrigées. Elle a aussi conclu que, sans lignes directrices pour aider les inspecteurs de TC à évaluer la gravité d’une lacune, il y a un risque que les navires soient certifiés et exploités malgré la présence de lacunes majeures.

    M14C0193 – Le 12 septembre 2014, le remorqueur Vachon a heurté le brise-lames de Port-Cartier (Québec) pendant qu’il assistait le vraquier Orient Crusader à entrer dans le port. Il n’y a eu ni blessé ni pollution, mais le Vachon et le brise-lames ont subi de légers dommages. L’enquête a déterminé que l’organisme reconnu n’inspectait pas systématiquement le dispositif de largage de remorque, car l’organisme ne bénéficiait d’aucune directive concernant l’inspection de l’équipement de remorquage des remorqueurs portuaires. Cette lacune remonte à la mise en place du PDIO, dans le cadre duquel les critères d’inspection de l’équipement de remorquage définis par TC n’ont pas été incorporés aux procédures de l’organisme reconnu. Au fil des années, les inspections de conformité des remorqueurs portuaires effectuées par TC n’ont pas permis de cerner cette lacune. 

    M13M0287 – Le 7 novembre 2013, les groupes électrogènes principaux du traversier roulier à passagers Princess of Acadia, à bord duquel se trouvaient 87 passagers et membres d’équipage, sont tombés en panne totale de courant et le navire s’est échoué à l’approche de la gare maritime de Digby (Nouvelle-Écosse). Il n’y a eu ni blessures ni pollution. L’enquête a révélé que la surveillance exercée par TC pour vérifier la conformité des navires à la réglementation sur les procédures d’urgence liées à la sécurité des passagers était inefficace. Elle a aussi établi qu’aucun document n’attestait que les disjoncteurs des groupes électrogènes principaux du navire avaient été soumis à un essai de surintensité, même si les dossiers de Lloyd’s Register indiquaient que les résultats de l’inspection périodique avaient été à la satisfaction de l’expert qui l’avait effectuée.

    M10C0043 – Le 29 juillet 2010, le navire à passagers River Rouge, qui transportait à son bord 71 passagers et membres d’équipage, s’est échoué sur la rivière Rouge, au Manitoba. Il n’y a eu ni blessures, ni endommagement du navire, ni pollution. L’enquête a permis de déterminer que le River Rouge ne disposait pas des procédures de bord nécessaires et que l’existence de telles procédures n’avait pas été vérifiée par TC durant ses inspections. L’enquête a révélé que, sans moyen ou processus appropriés pour repérer et faire ressortir les risques importants que doivent surveiller les inspecteurs de TC, des éléments essentiels de la sécurité, comme l’absence de politiques, procédures ou directives de bord, peuvent passer inaperçus durant l’inspection.

    M00C0033 – Le 16 juin 2000, le petit navire à passagers True North II a été balayé par une série de vagues et a coulé rapidement dans 15 m d’eau, au large de l’île Flowerpot (Ontario). Des 20 personnes qui étaient à bord, 18 ont dérivé jusqu’au rivage, portées par 2 engins flottants. Deux enfants ont péri noyés. L’enquête a révélé que, depuis 1972, les installations peu sûres de la structure n’ont pas été évaluées correctement lors des inspections annuelles par TC, et aucune mesure corrective n’a été prise pour y remédier. Le fait qu’on ait accepté à plusieurs reprises des lacunes de la structure du navire a découlé en partie de procédures inadéquates d’assurance de la qualité en ce qui a trait à l’administration et à la surveillance par TC du programme d’inspection annuelle des navires.

    Annexe I – Événements antérieurs mettant en cause l’Apollo

    M19C0050 – Le 8 mars 2019, le moteur principal bâbord de l’Apollo est tombé en panne peu après le départ du navire de Matane (Québec). Le navire a poursuivi sa traversée au moyen du moteur principal tribord pendant que l’équipage réparait celui de bâbord.

    M19C0043 – Le 25 février 2019, l’Apollo a heurté le quai lors de l’accostage à Godbout (Québec). Le navire a alors subi des dommages à la visière d’étrave et a dû être temporairement retiré du service durant sa réparation. Après l’incident, la personne désignée à terre de la Société des traversiers du Québec a mené une enquête interne. Dans le rapport d’enquête, on mentionnait des délais de réponse variables des moteurs, une capacité de fonctionnement réduite des moteurs auxiliaires, l’incidence du vent sur la manœuvre du capitaine et l’absence de voyants du propulseur d’étrave sur les consoles d’aileron de passerelle. Enfin, on y recommandait des inspections préalables à la vente, avant l’acquisition d’un navire, de même qu’une évaluation des risques, qui serait effectuée de 30 à 60 jours après l’arrivée d’un nouveau navire à l’emplacement des traversées.

    M19A0019 – Le 15 janvier 2019, un incendie s’est déclaré dans le conduit de gaz d’échappement du moteur principal tribord de l’Apollo, au large de St. Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador). Le feu a été éteint et le navire est retourné à son port de départ au moyen du moteur principal bâbord. Aucune autre avarie ni blessure n’a été signalée.

    M18C0002 – Le 2 janvier 2018, l’Apollo a heurté le coin du quai lors de l’accostage à Blanc-Sablon (Québec). Le navire a subi de légères avaries. Aucune pollution ni blessure n’a été signalée.

    M15C0047 Apollo